Comment les directeurs juridiques peuvent-ils être les acteurs du changement ? Éléments de réponse avec la conférence annuelle de l’ACC Europe.
Tandis que l’année passée le thème développé par la conférence annuelle de l’ACC Europe à Amsterdam répondait à la question de l’éventuelle sortie de la crise, les membres organisateurs de l’association ont décidé pour cette vingtième édition d’orienter les débats vers le rôle des directeurs juridiques dans le processus d’évolution de l’économie des entreprises. C’est dans ce cadre que l’Espagnole Maria-Jesus Alonso a pris la suite du Français Yohann le Frapper à la tête de l’ACC Europe.

Bannir la crainte du changement
Le message qu’a souhaité faire passer l’ACC Europe est celui de l’engagement dans le changement. «?Plus de choses changent et plus les choses restent les mêmes?», martèle Thomas Sabatino, vice-président de Walgreen Co, signifiant ainsi qu’il ne faut pas craindre de voir évoluer les choses.
La compliance et l’éthique étaient au cœur des deux conférences sur le thème «?Legal & Compliance?» et «?Managing Risk in Third Party Relationship?». L’occasion pour les intervenants de rappeler que les changements de réglementation, d’environnement et de concurrents peuvent être anticipés et gérés pour éviter à l’entreprise perte de revenus ou augmentation des charges. Après avoir précisé que la quasi-totalité des sociétés dans le monde connaissent aujourd’hui la notion de compliance, Maria Echeverria-Torres, directrice juridique et compliance chez Nokia Siemens Networks, demande à la salle si elle connaît le sujet : effectivement, toutes les mains se lèvent, ou presque. Pour autant, créer un programme de compliance et le mettre en application relève du défi. La priorité : faire connaître à la direction de l’entreprise la nécessité de mettre en place un programme de compliance, déterminer en accord avec elle quels sont les objectifs de l’entreprise puis cibler les actions qu’elle souhaite entreprendre pour faire émerger une responsabilité sociale source de fierté.
Faut-il pour cela recruter au sein de la direction juridique un compliance officer ou bien former le directeur juridique à ces nouvelles missions ? Tout dépend du niveau de proximité entre la direction juridique et la direction générale. Le responsable compliance doit être au plus proche du centre décisionnaire pour pouvoir réagir rapidement aux éventuels incidents. Une direction juridique trop petite ou trop occupée ne peut prendre en charge efficacement ces nouvelles fonctions. L’exemple donné est celui de l’effondrement de l’usine de production de textile au Bangladesh, catastrophe demandant une réaction immédiate de la société et de ses dirigeants pour la gestion de crise.

Agir pour le changement
Manager le risque devient également une manière d’anticiper le changement pour s’y préparer. La demande des clients devient de plus en plus complexe tandis que l’exigence de la direction générale s’accroît. Le directeur juridique doit alors collaborer avec le knowledge manager pour faire remonter les plaintes des clients dans le secteur d’activité et devancer leurs souhaits. Les risques à gérer sont multiples : ceux issus de l’environnement de son pays ou de l’internationalisation, de la spécificité de sa société, la force majeure, la fraude, la concurrence, etc., d’où l’importance d’un programme de compliance dans l’entreprise.
Les directions juridiques ne doivent pas subir le changement mais en être actrices. C’était le thème d’ouverture de ces journées : les leaders du changement doivent aller le chercher, le provoquer pour que leur entreprise devienne un modèle d’éthique.
Et pour changer les choses, les directeurs juridiques ont le pouvoir de choisir la direction vers laquelle ils souhaitent aller. Leur rôle est donc central : donner la direction, accompagner les opérationnels dans la voie choisie et ainsi transmettre les valeurs de l’entreprise. Y a-t-il des modèles de direction ? Peut-on s’assurer que l’on est sur la bonne voie ? La réponse est négative, aucun document de synthèse du programme de compliance n’a été établi. Après demande de la salle d’une prise de position commune à tous les general counsels in house membres de l’ACC, les intervenants encouragent au contraire chacun d’eux à investir au mieux pour la sauvegarde des intérêts de leur société.
L’organisation de la direction juridique s’apparente alors à celle d’une petite entreprise qui cherche à rationaliser les coûts, augmenter les bénéfices et faire évoluer son équipe. Le recrutement devient une question centrale, comme l’ont exposé Adam Smith, directeur juridique du groupe DCNS et Mercedes Carmona, qui dirige les activités juridiques ibériques de BP. «?Ce qu’attend de moi ma hiérarchie ? Que je prenne le problème à bras-le-corps et que je l’emmène loin de la direction?», ironise Adam Smith.

Faire évoluer le lien avec les conseils externes
La promotion du département juridique est au cœur des préoccupations des general counsels quel que soit le pays. Comment mettre en avant les réussites de son équipe, augmenter leur taux d’implication sur les opérations corporate et rendre publiques leurs actions ? Ces exigences modernes pourraient contrebalancer la pression sur les coûts imposée par la direction générale. Le recours aux avocats externes est donc au cœur des réflexions des general counsels qui, regroupés au sein d’une identité collective comme l’ACC, se sentent plus imaginatifs et mieux armés pour imposer leurs règles aux avocats. Conserver entre les mains de la direction juridique le maximum de leviers et diminuer le nombre de cabinets d’avocats dans les panels est un moyen judicieux d’y parvenir. Automatiser les process (procédures prud’homales, contrats, actes, etc.) et développer une vue d’ensemble des recours aux avocats externes est également une voie pour diminuer les coûts. Un outil présenté par un membre de l’ACC propose de collecter les données chiffrées et à les analyser afin d’améliorer le rendement. Ainsi il est plus aisé de décrypter certaines mauvaises méthodes de travail des cabinets d’avocats comme celle qui consiste à facturer à leurs clients les taux horaires des meilleurs associés tandis que le travail est réalisé par des collaborateurs. Elles deviennent des causes immédiates de changement de cabinet.
Pour conclure, trois défis se présentent aux directeurs juridiques : réduire le recours aux avocats, développer une activité interne moins risquée et augmenter son niveau d’intervention stratégique dans l’entreprise. Voilà de quoi faire évoluer le directeur juridique dans le sens d’une meilleure gestion de la fonction de son département.

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