Il faut rebâtir la France. Et pour le président de l’UDI, un nouveau modèle s’impose.
C’était son jour. Interrogé tôt, le mardi 3 mars, sur France Inter, puis plus tard dans la matinée par l’European American Press Club, Jean-Christophe Lagarde est revenu sur le modèle français de reconstruction qu’il envisage.
Et pas n’importe lequel : « Le nôtre est totalement inadapté depuis une quarantaine d’années », prévient-il. L’omniprésence de l’État ne constitue plus le parangon de la réussite. Il faut imaginer autre chose. Pour le centriste, cela s’articule autour de quatre éléments : un fédéralisme à l’échelle nationale et communautaire, une reconstruction du système économique, une république du mérite et une démocratie mieux régulée.

« Il nous faut accepter le modèle fédéraliste et abandonner notre vieux système centralisé et jacobin. Nous ne pouvons plus administrer comme avant nos collectivités territoriales. La Bretagne et l’Alsace, par exemple, ne doivent pas être gérées de la même manière. » Mais il n’y a pas que du point de vue intérieur que l’hypercentralisation est gage d’inefficacité. La zone Europe s’interroge elle aussi sur son fonctionnement : vaste espace de libre échange ou « modèle de défense de nos modes de vie face aux géants américains et asiatiques » ? La réponse de celui qui a succédé à Jean-Louis Borloo ne se fait pas attendre : « Fé-dé-ra-lisme. Nous avons besoin de défense fédérale. »

Les Français ont beau vouer un culte à l'État, il n’en peut plus. Pour reconstruire le modèle économique, il faut accélérer son désengagement. Mais plus encore. « Notre économie est désormais ouverte et désétatisée, mais le système économique n’a pas changé. Résultat : à cause d’un système trop corseté, nous assistons à une fuite des talents ». Au programme des mesures, on trouve : la réduction du temps de travail à revoir – « Il faut revenir aux 39 heures » –, la retraite inenvisageable avant 65 ans, le code du travail simplifié, le régime de retraite unifié, le contrat de travail unique envisagé…

Dans un modèle républicain français, « consubstantiellement attaché à la définition de la nation française », la méritocratie n’est plus respectée. Et c’est la reproduction des inégalités acquises qui s’impose. « Quand les vies sont écrites à l’avance, nous ne sommes plus dans la République. Il faut construire sa vie en fonction de ses mérites et non en fonction de son origine. »

Enfin, si le système démocratique français doit être entièrement revu, l’autorité de l’État ne doit plus être remise en question. Autrement dit, « la monarchie républicaine, qui coupe la tête du Président tous les cinq ans, ne doit pas faire oublier que notre chef de l’État est sans aucun doute, par ses prérogatives, le plus puissant. » Pour contrebalancer et rééquilibrer cela, il faut imaginer un système de régulation. Concrètement, le gouvernement ne peut plus être responsable devant les parlementaires et la proportionnelle doit cesser d’être un sujet tabou.


Une question à Jean-Christophe Lagarde

Décideurs. Les Français sont à la fois défiants à l’endroit du politique, mais en demande d’exécutif, comme le rappelle le dernier baromètre du Cevipof. Quel rôle conférer alors au chef de l’État ?

Jean-Christophe Lagarde.
Le but de la politique est à la fois d’élever le niveau de conscience collective et de le sortir du système infantilisant que représente l’élection au suffrage universel. Concrètement, ce n’est pas parce que des politiques, aussi brillants soient-ils, se sont heurtés à ce système et aux foires aux promesses des campagnes électorales, que les Français sont condamnés à être gouvernés par des incapables et à se faire avoir. Je crois que la société est en avance sur ses responsables politiques et que les Français ont profondément compris qu’il est temps de changer les choses. Reste qu’ils éprouvent une difficulté, celle de préférer à chaque fois que les changements s’adressent aux autres.

On peut très bien faire mûrir la démocratie française en responsabilisant le Parlement, en limitant les excès du système présidentiel et en redonnant du pouvoir et des enjeux à l’échelle locale.
Je suis partisan du rétablissement d’un président de la République fort, mais je constate que l’on est actuellement dans l’excès total. Si François Hollande n’avait pas pu faire voter la loi Macron, faute d’un Parlement uni sur la question, la vie politique française se serait-elle toutefois écroulée ? Le texte aurait été voté avec des assouplissements et de manière suffisamment consensuelle pour durer.

Autre souci, celui du système de l’élection à deux tours et de sa confirmation aux législatives peu de temps après. Nous avons davantage besoin de processus longs et d’un Parlement plus responsable. Ce dernier vit en effet dans un confort fabuleux : l’opposition n’est responsable de rien et n’a qu’à s’opposer. Quant à la majorité, elle est soumise à ce que dit le Président, qui lui doit sa réélection. C’est, une fois encore, terriblement infantilisant !
Enfin, il convient de distinguer les élections dans l’agenda. Il est anormal d’élire des maires ou des conseillers locaux en fonction d’objectifs d’ordre purement présidentiel. Et il ne faut plus que ces élections locales aient lieu le même jour dans toute la France, mais de façon groupée entre elles. Emprisonner une région dans le débat sur l’efficacité du chef de l’exécutif n’est plus possible.


Julien Beauhaire


Visuel : © EAPC

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