Le politologue, auteur du Petit Guide du mensonge en politique (First), relativise le succès du scrutin de la présidence de l’UMP.
Décideurs. Peut-on parler d’un retour réussi de Nicolas Sarkozy à la suite de son élection à la tête de l’UMP ?

Thomas Guénolé.
Deux tiers des votants de l’UMP qui se prononcent en faveur de Nicolas Sarkozy, c’est énorme. Mais pas pour le dernier président de la République de droite qui était, pour ce scrutin, face à deux candidats classés plutôt en deuxième division de la vie politique nationale. Sauter six mètres en hauteur est impressionnant, mais pas lorsque l’on est censé être Superman !
Entre 2004 et 2014, Nicolas Sarkozy est passé du rôle de plebisciteur à celui de majoritaire. Si François Fillon ou Alain Juppé s’étaient présentés à la présidence de l’UMP, tout laisse à penser que l’ancien chef de l’État aurait été prenable. Rien d’étonnant somme toute : durant cinq ans, la ligne politique sarkozyste a été coupée en deux sur la question de la lepénisation ou non de la droite.


Décideurs. C’est la question de la droitisation de l’UMP…

T. G.
La droitisation ne signifie pas grand-chose, car il existe déjà plusieurs formes : libérale, gaulliste, contre-soixante-huitarde ou lepéniste.
La ligne conduite et suivie par Nicolas Sarkozy incorpore des pans entiers du programme du Front national. Premièrement, parce que cela fait partie de ses convictions – et avant lui, de celles de Charles Pasqua. Ensuite, parce que politiquement, cela permet de siphonner des voix au FN, comme au premier tour de 2007. En réalité, Nicolas Sarkozy constitue un mix entre Édouard Balladur et Charles Pasqua. Édouard Balladur pour ce qui relève de la politique intérieure et de la ligne économique libérale. Charles Pasqua pour ce qui tient de la politique sociétale lepénisée.
Au sein même des différents courants de la droite, il n’existe pas de différences socio-économiques. La vraie distinction s’opère sur la question de la lepénisation. C’est la « droite décomplexée » de Jean-François Copé contre laquelle François Fillon s’est battu. Et c’est le terrain d’opposition entre l’actuel président de l’UMP et Alain Juppé.
On a trop souvent parlé de « la ligne Buisson », comme celle d’une parenthèse droitière du programme Sarkozy. Or, c’est une erreur d’analyse. La seule vraie parenthèse de Nicolas Sarkozy, c’est celle durant laquelle il propose le financement public des mosquées, la discrimination positive ou émet l’idée d’un droit de vote des étrangers non européens aux scrutins locaux. Grosso modo la période comprise entre 2002 et 2006. Le reste du temps, tout son programme s’appuie sur une ligne libérale sécuritaire.


Décideurs. Nicolas Sarkozy est-il en capacité de rassembler sa famille politique ?

T. G.
En théorie, il faudrait avoir une expression chorale, polyphonique, regroupant des personnalités représentatives des différents courants de la droite : libéraux, contre-soixante-huitards, gaullistes et lepénisés. Par exemple : François Fillon pour les libéraux, Henri Guaino pour les gaullistes, Hervé Mariton pour les contre-soixante-huitards et Brice Hortefeux ou Guillaume Peltier pour les lepénisés.


Décideurs. Le nouveau chef de l’opposition pourra-t-il se soustraire à l’organisation de primaires ?

T. G.
Nicolas Sarkozy a en tête que plus la participation à la primaire UMP pour l’élection présidentielle de 2017 sera large, plus son concurrent Alain Juppé aura des chances de l’emporter. Au contraire, plus elle sera restreinte, plus il aura de chances de gagner.
C’est le degré d’élargissement de cette primaire, ainsi que les détails des modalités de ce scrutin – somme à verser ou engagements en contrepartie –, qui rendront ou non possible son élection. Sans oublier le jeu de son premier concurrent Alain Juppé. En effet, c’est la première fois que l’ancien chef de l’État aura dans sa catégorie un candidat qui boxe comme lui. En 2007, Dominique de Villepin était ressorti abattu politiquement par la crise du CPE et avant cela l’actuel maire de Bordeaux par sa condamnation dans le cadre de l'affaire des emplois fictifs de la Ville de Paris.


Propos recueillis par Julien Beauhaire

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