Abdourahmane Cissé, ancien trader de la City et actuel ministre auprès du premier ministre, chargé du budget de la Côte d’Ivoire nous décrit les réformes engagées par la Côte d’Ivoire pour devenir un pays émergent à l’horizon 2020.

Décideurs. Vous êtes le benjamin du gouvernement de Côte d'Ivoire, occupant un ministère clé. Vous sentez-vous investi d'une mission particulière ?

Abdourahmane Cissé. Faire partie du gouvernement est une lourde responsabilité, indépendamment du portefeuille ministériel. En dépit des contraintes inhérentes liées à ma fonction, j’essaye de répondre au mieux aux attentes de ma hiérarchie, et partant des populations. C’est un portefeuille ministériel qui exige abnégation, sacrifices, rigueur mais aussi et surtout une bonne capacité d’écoute pour mieux appréhender les difficultés et trouver les solutions adéquates.

Décideurs. Votre exemple démontre que le leadership n'attend pas le nombre des années. Quelles sont, selon vous, les qualités d'un leader africain ?

A. C. Je ne crois pas en l’existence d’un leadership typiquement africain. Il me semble qu’un leader doit avoir une vision clairement définie, de la conviction et une capacité de persuasion. Les grands leaders évoquent également l’intuition anticipatrice qui conduit à prendre des décisions éclairées. En somme, le leader doit avoir une bonne capacité d’adaptation, de remise en cause, et favoriser l’esprit d’équipe afin d’obtenir le meilleur des hommes et des femmes qu’il dirige.

Décideurs. Comment envisagez-vous de réduire le secteur informel, contribuant ainsi à l’élargissement de l'assiette fiscale et à la diminution de la pression fiscale ? Comment trouver un point d'équilibre afin de ne pas décourager l'investissement et l'essor du capital ?

A. C. La pression fiscale en Côte d’Ivoire est encore inférieure au niveau minimum fixé dans le cadre de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), qui est de 17 % du PIB.
Dans le but d’élargir l’assiette fiscale, en attirant les opérateurs économiques du secteur informel dans la normalité - secteur représentant plus de 40 % de notre économie- , nous avons amorcé des réformes au nombre desquelles figurent : l’immatriculation et la segmentation des contribuables, l’optimisation du rendement de l’impôt foncier, la poursuite de la réforme de la fiscalité du secteur des mines et de l’énergie et la lutte contre la fraude fiscale avec l’interconnexion des systèmes d’information entre les services des douanes et ceux des impôts.

À cet égard, nous avons procédé à l’installation d’un guichet unique de formalité des entreprises qui a permis de réduire considérablement le délai moyen de création d’une entreprise en tombant à 24 heures. De même, le coût de création des entreprises a été réduit de plus de 70 %. Depuis la mise en place de ces mesures, les résultats sont encourageants avec 2 775 entreprises créées en 2013, 6 487 en 2014 et 816 pour le seul mois de janvier 2015.

Décideurs. Comment comptez-vous favoriser une meilleure gouvernance en Côte d'Ivoire et ainsi contribuer à améliorer le climat des affaires et favoriser les investissements domestiques et étrangers ?

A. C. Le renforcement de la gouvernance en Côte d’Ivoire constitue une priorité pour le Président Alassane Ouattara. La création en septembre 2014 d’une Haute autorité pour la bonne gouvernance en apporte la preuve. Au niveau de la justice, nous avons créé le tribunal de commerce d’Abidjan qui permet de régler plus diligemment les litiges entre opérateurs du secteur privé. Du reste, la Côte d’Ivoire dispose désormais d’un cadre réglementaire régissant la conduite des partenariats public privé (PPP). Nos efforts en matière de transparence et de responsabilité dans la gestion des ressources pétrolières, gazières ou minières ont permis l’adhésion de la Côte d’Ivoire à l’initiative pour la transparence des industries extractives (ITIE).

Dans le cadre de la gestion des finances publiques, on note que le délai moyen de passation des marchés publics est passé en moyenne d’environ 322 jours en 2013 à 126 jours en 2014, avec pour objectif d’arriver à 88 jours. Il faut également relever la forte baisse du recours aux procédures de gré à gré dans la passation des marchés publics, dont le volume passe de 42,8 % en 2013 à 23 % en 2014.

Toutes ces réformes ont conduit la Côte d’Ivoire à figurer deux années de suite (2013-2015) dans les dix pays les plus réformateurs du classement « Doing Business », avec comme objectif affiché de devenir un pays émergent à l’horizon 2020.

Propos recueillis par André-Franck Ahoyo
 

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