Représentant d’Airbus en qualité de directeur juridique en charge du droit européen, de la politique de concurrence et du lobbying juridique, Pascal Belmin est un des rares juristes d’entreprise français actifs à Bruxelles hors des sujets antitrust.
Décideurs. Rares sont les directions juridiques à disposer d’une fonction de lobbying. Pourquoi le groupe Airbus l’a-t-il instituée ?
Pascal Belmin.
Notre objectif premier est la préservation de notre compétitivité, y compris celle de nos fournisseurs, notamment des PME. Nous essayons d’être présents en amont de l’élaboration du texte de la proposition réglementaire ou législative et de fournir des éléments concrets et objectifs permettant d’en éclairer l’impact. Le diable étant souvent dans les détails, la précision de l’analyse est de mise. Cela nécessite de systématiser l’intervention du juridique dans l’activité de lobbying, tant au niveau européen que national. Nous sommes donc en lien avec les principales associations professionnelles (Afep, Medef, Business Europe, et BDLI ou BDI en Allemagne) et sectorielles. Celles-ci ont besoin des entreprises pour mettre le doigt sur les propositions potentiellement gênantes et pour faire des propositions pour rectifier le tir.

Décideurs. Comment êtes-vous arrivé au poste atypique de directeur juridique lobbyiste ?
P.?B.
Ce n’est pas ma seule activité. J’ai initialement étudié dans une école de gestion avant d’exercer à Bruxelles puis au sein de Freshfields à Paris. J’ai ensuite rejoint le monde de l’entreprise en prenant en charge les aspects droit de la concurrence chez EADS. Ce périmètre s’est élargi pour couvrir le droit européen, puis le lobbying. Je m’appuie sur un réseau de centres de compétences internes au département juridique, que je contribue à animer. Ce vivier de spécialistes (PI, marchés publics, contentieux, contrats, etc.) est un atout précieux dans la définition des positions que nous exprimons auprès des pouvoirs publics.

Décideurs. Comment la direction guide-t-elle cette mission de lobbying ?
P.?B.
La première exigence consiste à rester au plus près des responsables des activités opérationnelles potentiellement impactées. La direction générale s’implique sur les sujets les plus significatifs, pour valider la position et pour porter les messages à son niveau. La présence de notre nouveau directeur juridique, John Harrison, sur un périmètre élargi et par ailleurs membre du comité exécutif du groupe Airbus, est un atout supplémentaire à cet égard.

Décideurs. Vous parliez de défendre la compétitivité. Pouvez-vous nous citer une initiative concrète ?
P.?B.
En matière de régulation, depuis 2010, la Commission s’est engagée à étudier de manière systématique l’impact des projets de législations et réglementations sur la compétitivité des entreprises européennes (coûts, innovation, capacité à exporter notamment). L’idée est bonne et concrète, mais en pratique, ce «?competitiveness proofing?» est souvent complètement oublié ou ignoré. L’initiative récente «?Better Regulation?» du vice-président de la Commission Frans Timmermans est à ce titre bienvenue. Elle vise à faire mieux avec moins, en allégeant le fardeau réglementaire dès que cela est possible. Il est vital de mettre le test de compétitivité au centre de cette analyse, de manière prioritaire et visible : cela conditionne la croissance et la création d’emploi. L’analyse doit être conduite tant sur le principe que sur les termes exacts du texte et sur les amendements parlementaires significatifs.

Décideurs. Et cela s’applique-t-il au plan national ?
P.?B.
Bien sûr. Une étude d’impact «?compétitivité?» précise doit être conduite au niveau national. Ajoutons qu’il serait important que les États s’abstiennent d’ajouter des exigences réglementaires supplémentaires par rapport aux textes européens ou internationaux. Au niveau de l’entreprise, cela signifie que nous devons nous impliquer, être réactifs et fournir des éléments économiques et juridiques précis permettant de nourrir les études d’impact. D’où l’importance de la présence des directions juridiques dans l’exercice, aux niveaux européen et national.

Propos recueillis par Pascale D’Amore

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