TGS France, groupe intermétiers et interdisciplinaire, revient sur l’importance pour les entreprises étrangères s’implantant en France d’anticiper leur réussite pour mieux appréhender leurs risques. Explications.
Décideurs.Pouvez-vous revenir sur les notions d’établissement stable et d’établissement permanent ?
Jean-Philippe Tuéni. Ces notions sont mal appréhendées par les investisseurs étrangers. On retrouve souvent le terme établissement stable ou permanent pour désigner des situations aux conséquences juridiques parfois très différentes. Ainsi, en droit des sociétés, on est schématiquement en présence de trois niveaux d’implantation :
le bureau de liaison, qui a une vocation purement prospective et transitoire, à l’exclusion de toute activité commerciale ;
la succursale ou établissement permanent, qui peut exercer une activité com- merciale, mais qui reste une émanation de la société étrangère en France, sans personnalité juridique distincte ;
la filiale qui crée une entité juridique distincte de la société étrangère.
Chacun de ces niveaux peut être qualifié d’établissement stable au sens fiscal, dès lors qu’il s’agit d’une installation fixe d’affaires par l’intermédiaire de laquelle une entreprise exerce tout ou partie de son activité. C’est pourquoi il est important de choisir dès le départ la forme juridique et le régime fiscal les plus adaptés aux besoins de la société étrangère en France. Cette installation fixe peut être matérialisée par une seule personne présente sur le territoire dès lors qu’elle est en mesure d’engager la société mère étrangère.
Quelles sont les problématiques associées à l’établissement stable dans ces différents niveaux d’im- plantation ?
Marine Perrot. Ce qui importe c’est le lieu de création de valeur ajoutée et celui où elle est imposée. Avant de choisir la forme juridique qui portera cette activité, il convient au préalable de s’interroger sur le lieu de création de cette valeur ajoutée et celui où seront prises les décisions engageantes pour la société mère étrangère.
"Le rôle du conseil dans la schématisation est primordial"
Trop souvent, les entreprises étrangères cherchent à limiter les formalités d’implantation en pensant limiter dans la même mesure leur exposition, juridique en général, et fiscale en particulier. Un certain nombre de redressements relatifs aux établissements stables sur lesquels nous intervenons découle de cette mauvaise appréhension de la répartition de la valeur ajoutée, créée dans le cadre d’opérations commerciales à dimension internationale. C’est là le noeud du problème.
Quel est votre rôle de conseil sur ces sujets ?
M. P. Notre rôle est d’assister le client dans la recherche d’une solution réaliste et la situation actuelle, mais en l’invitant à se projeter sur ses objectifs et l’évolution de son activité en France à moyen terme. Dans le meilleur des cas, nous intervenons en amont de l’implantation en France pour accompagner le client dans la structuration de son projet. Il arrive malheureusement que le sujet n’ait pas été anticipé correctement par le dirigeant, auquel cas notre rôle consiste à remédier aux erreurs passées en agissant sur les problématiques fiscales qui en découlent et sur la forme juridique.
Existe-t-il des moyens de limiter ces risques ?
J.-P. T. Les dirigeants étrangers vont chercher à travers le bureau de liaison et la succursale (ou établissement permanent) la structure qui leur paraît la moins compliquée et engageante. Nous essayons de lever ces stéréotypes, notamment en leur montrant les données concrètes sur les délais et conditions d’implantation, sur les taux d’imposition applicables, les crédits d’impôts dont ils peuvent éventuellement bénéficier et sur la productivité en France...
"Notre rôle de pédagogue auprès des clients sur ces points est indispensable"
Il est indispensable de lever ces a priori sur notre économie et notre administration : complexe, lente, onéreuse, lourde… Il faut briser le mythe du "nous payons trop d’impôts sur les sociétés en France" ce qui est plutôt faux comparé à nos voisins. S’ils retiennent le bureau de liaison ou la succursale, il est important de leur donner les points de vigilance qui doivent déclencher une réflexion sur une éventuelle évolution de leur structure.
Avez-vous un exemple ?
M. P. J’ai un grand nombre de clients, notamment allemands, qui ont tous ces stéréotypes en tête et cherchent à tout prix à éviter la création d’une filiale française. Ils tiennent à garder le contrôle sur leurs opérations françaises et ont l’impression d’y parvenir avec le bureau de liaison ou la succursale. De facto, ils se retrouvent à donner progressivement une plus grande autonomie à leur entité française, qui très vite peut se mettre à développer sa propre activité commerciale. Ils tombent alors sous la qualification d’établissement stable, sans avoir la structure juridique adaptée et sans avoir anticipé les conséquences fiscales qui en découlent (IS et TVA notamment).
J.-P. T. En créant une succursale, le client ne réalise pas nécessairement qu’il engage directement sa société étrangère, que ce soit en termes de responsabilité contractuelle, délictuelle ou même pénale, alors que la filiale lui permettrait d’éviter ce risque. De plus, dans le cadre d’une cession ultérieure de l’activité ou d’une restructuration au niveau international, la présence d’une succursale peut être un facteur de complication, souvent découvert au moment de réaliser l’opération.
Où s’arrête la frontière entre télétravail et établissement stable ?
M. P. Comme évoqué, une seule personne peut suffire à créer un établissement stable. Tel peut être le cas par exemple lors de la mise en place en France d’un télétravail récurrent par des personnes ayant le pouvoir d’engager la société mère étrangère. La frontière se situe au niveau de la régularité du télétravail qui se substituerait à une présence effective dans le pays de la société mère.
La Covid-19 a-t-elle eu un impact à ce sujet ?
M. P. Post-covid et avec la montée en puissance du télétravail, nous avons également observé une tendance à la relocalisation des équipes dirigeantes dans d’autres pays que ceux de la société mère, entraînant la création d’autant d’établissements stables, sans que la société n’en ait véritablement conscience ni qu’elle s’y soit préparée. Dès lors les bénéfices générés par l’activité en France peuvent être neutralisés suite à un redressement fiscal, faute d’avoir été correctement déclarés.
Du côté des règles applicables, où en sommes-nous ?
J.-P. T. L’environnement législatif est stable depuis un certain temps du point de vue du droit des sociétés. Notre rôle de pédagogue auprès des clients sur ces points est indispensable.
M. P. Du point de vue jurisprudentiel en fiscalité, la tendance va vers une plus grande prise en compte de la réalité des faits pour la détermination de l’existence ou non d’un établissement stable. L’entreprise étrangère doit être réaliste face à l’organisation qu’elle veut déployer en France et les process qui vont être mis en place entre les différents pays.
Qu’apporte TGS à ses clients sur ces problématiques ?
M. P. TGS est un groupe en mesure d’apporter un accompagnement complet en matière juridique, fiscale, comptable, conseil, paie/RH, informatique… Nous conseillons nos clients dans l’anticipation de leur réussite pour limiter leurs risques sur l’ensemble de ces sujets, en leur proposant la solution juridique la plus adaptée à leur situation et leurs besoins.
J.-P. T. Nous bénéficions également de l’appui de notre réseau international pour échanger sur ces problématiques dans leurs aspects transfrontaliers.