Disrupteur de la finance traditionnelle, le non-coté vient casser les codes de l’investissement et s’impose par sa transparence et ses performances. Longtemps réservée à l’élite des grandes familles fortunées et aux investisseurs professionnels, cette solution de placement n’a pas fini de bousculer la gestion de patrimoine. 

 

DÉCIDEURS. Nous en entendons parler partout mais, concrètement, qu’estce que le private equity ?
Emmanuel Narrat. On parle souvent du "private equity" pour désigner le "non-coté" en général, qui est un mode de détention d’actifs transversal couvrant plusieurs classes d’actifs (dont le capital de sociétés non cotées : private equity). Il a longtemps été vu comme le parent pauvre de la gestion de patrimoine car ses offres étaient réservées aux investisseurs institutionnels ou aux familles les plus fortunées, et il est ainsi demeuré méconnu du grand public. Nous avons vu peu à peu naître une forme d’investissement en non-coté qui s’est diffusée auprès des particuliers grâce aux FCPI puis aux FIP. Ces solutions restent cependant plus des produits de défiscalisation que des produits de placement, d’abord parce que certains de ces fonds sont investis dans des sociétés cotées et ensuite parce que les sociétés de gestion de FCPI ou FIP n’avaient pas toujours une forte expertise dans le domaine du private equity.

 

Qu’est-ce qui rend cet investissement intéressant ?
Ce qui fait la force du non-coté, c’est la possibilité d’agir sur une entreprise et son développement et donc la capacité à l’emmener plus loin en étant une locomotive et non l’un des wagons passifs. Aujourd’hui, non seulement l’offre explose en quantité mais aussi en qualité, dans tous les domaines du non-coté. Sa diversité est également un atout. On distingue quatre classes d’actifs non cotés au sein desquelles nos clients peuvent investir :
- l’investissement au sein d’une entreprise (private equity) ;
- les produits de taux émis par les sociétés non cotées (private debt) ;
- l’immobilier avec une stratégie de création de valeur ;
- les infrastructures.
À cela s’ajoutent plusieurs manières d’investir en non-coté. Ainsi, le capital développement consiste à aider une entreprise qui a bien démarré pour que sa trajectoire s’accélère. Le capital transmission concerne les entreprises matures qui souhaitent changer de mains.
 
Le private equity s’ouvre désormais au grand public…
Nous assistons à une explosion de l’offre avec des sociétés de gestion que nous connaissions déjà, et d’autres que nous découvrons. Ces acteurs nous ouvrent des véhicules avec des tickets d’entrée plus bas, je pense principalement aux FCPR qui peuvent être accessibles en dessous de 100 000 euros en fonction de la stratégie commerciale de la société de gestion.

 

"Cette démocratisation est du jamais-vu"

Nous voyons de nouveaux acteurs émerger, tels que Peqan ou Altaroc qui construisent des fonds de fonds à partir de très belles signatures du non-coté. L’exemple d’Altaroc est intéressant car le fondateur a fait toute sa carrière dans le private equity, avant de créer sa société de gestion avec Maurice Tchenio, fondateur d’Apax. Leurs carnets d’adresses leur permettent d’entrer dans des fonds de qualité institutionnelle qui deviennent ainsi accessibles pour la clientèle privée. Cette démocratisation est du jamais-vu.

 
La loi Pacte a été un booster ?
La loi Pacte a permis aux assureurs de repousser les limites des contrats d’assurance-vie pour aller plus loin, notamment dans les quotas éligibles. Par ailleurs, les assureurs peuvent sélectionner des fonds réservés aux professionnels, accessibles aux particuliers sous forme d’unités de compte. Aujourd’hui, certaines sociétés telles qu’Apax ou Idinvest Partners en France, ou encore Adams Street Partners à l’international ont développé une offre de private equity de très bonne qualité dédiée à certains assureurs vie. Tout cela crée une abondance de sujets, de profils de risques et de stratégies, et nous pouvons parler de private equity avec tout le monde. C’est une grande nouveauté.
 
Marché boursier ou marché du non-coté ?
Il faut bien avoir en tête que le fait d’introduire du non-coté à sa poche d’investissements est extrêmement complémentaire et bénéfique pour les investisseurs en comparaison de ce qu’ils connaissaient habituellement. Si nous regardons la Bourse, nous avons un marché qui a comme principale qualité d’offrir une liquidité instantanée et absolue sur l’ensemble des actifs. Nous pouvons facilement acheter et vendre des actifs cotés. Cependant, l’évolution des mentalités, des technologies et des solutions d’investissement, en plus de cette ultraliquidité a créé de nombreux effets pervers, par exemple, le trading haute fréquence, déconnecté de la réalité économique. Cela pollue le marché car ce sont des mouvements artificiels, ce n’est que de la spéculation. Cela crée une pression malsaine sur la valorisation de l’entreprise qui peut engendrer la perte de confiance des investisseurs.
 
Pouvez-vous nous en dire plus ?
Les exemples sont nombreux. On a vu en 2021 des spéculateurs aux quatre coins du monde se liguer contre un ou plusieurs hedge funds qui vendent à découvert et se mettre à acheter massivement, sans raison économique. C’est juste un bras de fer entre financiers. Des joutes boursières qui nous font oublier que, au-delà, des êtres humains essayent de développer leur activité. Ces situations génèrent bien souvent de fausses informations sur l’actualité des marchés.

 

"Il y a une sorte de sincérité et de vérité dans le non-coté"

Tout cela n’existe pas dans le non-coté, car personne ne va essayer de faire courir une rumeur. Nous ne pouvons pas miser sur la baisse d’une société ou faire du trading à haute fréquence sur une société non cotée. C’est un investissement plus stable avec une vraie recherche de construction de valeur à long terme. En contrepartie, tout le monde doit jouer le jeu, à savoir que nous entrons dans un fonds pour 5 ou 6 ans (ou plus) jusqu’à la concrétisation d’une cession à terme. Il y a une sorte de sincérité et de vérité dans le non-coté. Tout le monde est concentré sur l’objectif de valorisation à long terme.

 
Existe-t-il des risques à investir sur cette classe d’actifs ? Quels sont les pièges à éviter ?
L’un des gros risques du non-coté est celui d’être actionnaire d’une société qui fasse faillite, et donc de perdre sa mise. Si un investisseur se positionne seul sur une société en direct, ce risque est énorme. Passer par des professionnels est indispensable, nous ne pouvons pas nous improviser investisseurs en non-coté. Notre rôle en tant que CGP est de faire le tri entre les sociétés sérieuses et celles qui ne le sont pas, avec une équipe qui a déjà démontré son expérience.
 
Jusqu’à quelle proportion de patrimoine un particulier peut-il envisager d’investir ?
Un particulier peut investir 5 à 10 % de son patrimoine car le simple fait de diversifier son patrimoine fait baisser le risque, mais ce n’est pas un pourcentage fixe. Les grandes fortunes peuvent investir beaucoup plus sans que cela pose de problème. L’assurance-vie française peut permettre d’aller au-delà de 10 à 15 %, car les capitaux restent liquides en assurance vie dans un délai de deux mois. L’illiquidité est l’un des inconvénients majeurs du non-coté. Si ce risque est porté par l’assureur, l’assuré peut raisonnablement augmenter la part de cette classe d’actifs dans son patrimoine.
 
Un exemple de solution proposée à vos clients ?
L’année dernière nous avons signé un partenariat avec LBO France, qui est une très belle maison française, investie aux côtés de ses clients, et qui sur 30 ans d’existence n’a jamais eu un millésime en perte à l’échéance. Nous avons pu proposer à nos clients un fonds comme celui-ci à partir de 25 000 euros seulement, ce qui est assez magique. Entrepreneur Invest a aussi proposé un fonds de dette secondaire piloté par Pantheon, un sélectionneur de fonds non cotés qui bénéficie d’une réputation mondiale. Il y a quelques années, il nous aurait été impossible d’inclure ce type de fonds à notre allocation d’actifs. 
 
Propos recueillis par Marine Fleury

Personnes citées

Emmanuel Narrat

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