L’apport-cession : un outil d’optimisation avantageux mais complexe
Optimiser sa cession d’entreprise grâce à l’apport-cession
Le mécanisme de l’apport-cession consiste à apporter des valeurs mobilières, droits sociaux ou titres à une société contrôlée, souvent une holding, soumise à l’impôt sur les sociétés. Lors de l’apport des parts de société à la holding, puis de la cession des titres par la holding, le chef d’entreprise ou associé procède à un transfert de propriété à titre onéreux. Le transfert de propriété est le fait générateur qui va permettre de constater la présence d’une plus-value ou d’une moins-value et rendre exigible l’impôt. La plus-value constatée représente la différence entre le prix de cession des titres, diminué des éventuels frais et taxes payés pendant la vente, et le prix d’acquisition, augmenté des frais d’acquisition de ces derniers. Le régime fiscal de droit commun s’appli-quant à la plus-value de cession sur des valeurs mobilières comporte plusieurs strates que sont l’impôt sur le revenu, les prélèvements sociaux et éventuellement la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR). Ainsi, le contribuable a la possibilité d’être imposé au Prélèvement Forfaitaire Unique de 30% ou bien d’opter pour le barème progressif (tranche marginale d’imposition + prélèvements sociaux de 17,2%). La contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (entre 3% et 4%) peut ensuite s’ajouter en fonction du montant de la ces-sion et des revenus du cédant. Plutôt que de céder ses titres en direct et de s’acquitter immédiatement de l’impôt relatif à cette cession, le dirigeant ou l’as-socié peut bénéficier du régime de l’apport-cession afin d’optimiser la fiscalité de sa cession.
Un dispositif attractif pour les contribuables
Choisir de vendre les parts de sa société dans le cadre de l’apport-cession présente de nombreux avantages malgré certaine contraintes qu’il convient de satisfaire pour réussir son opération. Le principal avantage du mécanisme posé par l’article 150-0 B ter du Code général des impôts (et le plus recherché) est le report d’imposition de la plus-value de cession qui va permettre au chef d’entreprise ou à l’associé cédant de disposer et d’investir un capital plus important par l’intermédiaire de la holding.
"Le chef d’entreprise ou l’associé peut également organiser sa cession avec une grande souplesse"
Le chef d’entreprise ou l’associé peut également organiser sa cession avec une grande souplesse puisqu’il peut choisir d’apporter tout ou partie des titres à la holding afin de céder une autre partie en direct si cela se révèle plus pertinent dans le cadre de sa stratégie patrimoniale globale. Au-delà de l’intérêt fiscal évident, la réelle pertinence du mécanisme d’apport-cession repose sur la rentabilité des solutions choisies lors du réemploi des fonds. Les investissements réalisés doivent permettre au chef d’entreprise de développer et de valoriser son patrimoine pendant le report afin de profiter d’un véritable avantage économique.
L’apport-cession : un outil qui reste néanmoins complexe
Pour bénéficier du régime de l’apport-cession, le dirigeant ou l’associé doit appor-ter les titres de la société qu’il envisage de céder à une holding soumise à l’impôt sur les sociétés dont il a le contrôle et qu’il aura généralement constituée pour l’occasion. La notion de contrôle est essentielle au bon déroulement de l’opération.La plus-value est alors automatiquement affectée en report d’imposition et le réinvestissement du produit de cession doit être réalisé dans le respect de conditions bien précises qui dépendent du laps de temps écoulé entre l’apport des titres à la holding et la cession des titres. En effet, l’article 150-0 B ter indique qu’il faut distinguer deux phases : l’apport et la cession des titres.Si les titres sont conservés par la holding pendant minimum 3 ans après l’apport, alors le report d’imposition n’est pas re-mis en cause et va perdurer jusqu’à ce qu’une opération sur les titres de cette même holding intervienne. En revanche, si les titres sont cédés moins de 3 ans après l’apport, le report d’impo-sition ne sera maintenu qu’à la condition que l’apporteur réponde à l’obligation de réinvestir au moins 60% du produit de cession dans une activité éligible au sens de l’article 150-0 B ter dans un délai de 24 mois suivant la cession. Si cette condition n’est pas respectée alors le report d’imposition tombe et l’impôt sur la plus-value constatée lors de l’apport des titres à la holding est dû par l’apporteur. Le choix de solutions éligibles constitue un élément déterminant dans le maintien du report.
"Le Code général des impôts impose en effet de réinvestir dans des activités éligibles telles que le financement d’une nouvelle activité commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou financière"
Le Code général des impôts impose en effet de réinvestir dans des activités éligibles telles que le financement d’une nouvelle activité commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou financière, l’acquisition du contrôle d’une société opérationnelle, la souscription en nu-méraire au capital de société opérationnelle (augmentation de capital) et depuis 2019, la souscription de placements indirects comme par exemple des parts ou actions dans des fonds communs de placements à risques (FCPR), des fonds professionnels de capital investissement (FCPI) ou des sociétés de libre partenariat (SLP) qui investissent dans l’économie réelle.Ces investissements doivent être conservés pendant une durée de 12 mois mini-mum et pour un investissement en parts de fonds pendant 5 ans. Si l’ensemble de ces conditions ne sont pas respectées, le report d’imposition peut être remis en cause par l’Administration fiscale et entraîne l’imposition immédiate des plus-values.
Le rôle des conseillers experts dans l’optimisation du réemploi
Le réinvestissement du produit de cession de son entreprise est un sujet toujours complexe, que l’on soit dans le cadre de l’apport-cession ou non. Il s’agit souvent de sommes importantes et les nombreuses solutions qui s’offrent au cé-dant nécessitent d’envisager chacun des scénarios, avec les avantages et inconvénients qu’il comporte, afin de choisir la meilleure option possible. De nombreuses opérations d’apport-cession sont remises en cause chaque année par l’Administration fiscale car les contribuables n’ont pas été assez accompagnés dans le processus de réinvestissement, au-delà du conseil initial relatif à la mise en place du dispositif. Pour que l’opération d’apport-cession soit fructueuse, l’objectif premier est de réaliser les meilleurs investissements financiers et immobiliers possibles au sein la holding afin de développer le patrimoine du chef d’entreprise dans un cadre fiscal favorable. La gamme de solutions éligibles au réemploi s’étant largement étoffée ces dernières années, il est important d’élaborer une stratégie d’investissement personnalisée avec un conseil expert du sujet pour répondre aux objectifs du cédant, en adéquation avec son profil de risque et son horizon de placement souhaité afin de réinvestir de manière optimale et diversifiée le capital disponible, tout en veillant au respect des contraintes du 150-0 B ter.
Aude Durand Conseillère en gestion de patrimoine et Mathilde Valat Conseillère en gestion de patrimoine, Calci Patrimoine