Au sein d’une famille, le niveau de connaissances financières est hétérogène. Entre les parents qui ont appris par expérience et les jeunes qui s’instruisent des réseaux sociaux, le Family Office doit jouer son rôle.

Entre les années 2000, quand seul votre banquier vous conseillait sur vos investissements financiers et aujourd’hui où vous pouvez obtenir des conseils en investissement de qui­conque, il y a un monde : celui des réseaux sociaux.

La crise sanitaire a amplifié la démocra­tisation des réseaux sociaux et a favorisé l’émergence d’une nouvelle génération d’investisseurs : les "dégénérés" de WallS­treetBets et les finfluencers de TikTok et Youtube. Ces groupes ou individus sont devenus une source d’information pour les particuliers qui connaissaient peu ou pas les marchés financiers.

Prenons le cas GameStop survenu en 2021. Essayons d’imaginer, dans les années 2000, un client lambda qui contacte son banquier pour lui deman­der d’acheter des calls sur l’action Ga­meStop afin de profiter du short-squeeze sur le titre. De toute façon, le client l’a lu dans la dernière édition de La Vie fi­nancière : "le gamma squeeze est inévi­table" ! Cette scène imaginaire met en exergue un vrai paradoxe. La culture financière (au sens large) n’est plus le monopole des experts. Ces derniers y verraient une scène cauchemardesque, tandis qu’un investisseur particulier pourrait y voir un monde idéal.

"Les plus jeunes considèrent que les réseaux sont plus légitimes que leurs aînés pour leur enseigner la finance"

Il est évident que les réseaux sociaux ont contribué à vulgariser la Finance, puisqu’il suffit d’avoir un compte gratuit sur Reddit pour devenir gérant de Hedge Fund à domicile. Plus besoin de lire les lettres de Warren Buffet ou les livres de Benjamin Graham, aujourd’hui l’essen­tiel se résume à : "buy the dip1" ; "dia­mond hands2" ; "HODL3" et "Stonks4".

Comme dans d’autres domaines, une fracture générationnelle s’est créée puisque les plus jeunes considèrent que les réseaux sont plus légitimes que leurs aînés pour leur enseigner la finance. Ils y trouvent un sentiment d’appartenance, un vocabulaire dédié et une atmosphère moins guindée que dans les banques et les médias historiques. Enfin, leurs ac­tifs sont essentiellement tournés vers la "tech" américaine et le cryptomarket.

Ces deux dernières années nous ont en­seigné qu’il existe un vrai besoin d’édu­cation financière. La dernière étude sur la culture financière commanditée par la Banque de France a montré que près de 86% des sondés pensent qu’un enseigne­ment d’éducation budgétaire et financière devrait être dispensé à l’école. Ce besoin est davantage présent chez les 18-24 ans, où le taux remonte à 93% alors qu’il n’est "que" de 77% auprès des 65-80 ans.

Aujourd’hui, chacun est libre de s’infor­mer via les réseaux sociaux ou suivre des formations en ligne, mais encore faut-il faire le tri sur la qualité du contenu, ne pas tomber dans les pièges des influen­ceurs qui ont tout à vous vendre mais rien à vous apprendre. Nous sommes beaucoup à partager le constat de lacunes dans l’éducation financière et les acteurs qui sont en mesure de diffuser des conte­nus de qualité, avec des informations vé­rifiées, n’ont malheureusement pas assez de visibilité.

Chez Keepers, nous sommes persuadés de ce besoin, puisque le niveau de connais­sances financières joue un rôle crucial dans les relations intergénérationnelles.

L’enjeu est de taille, car la pérennité du patrimoine et le maintien de son cap à travers le temps supposent une implica­tion des générations successives.

Impliquer les plus jeunes dans une famille (les enfants, les petits enfants) nécessite avant tout de la pédagogie. En effet, les connaissances des uns ne sont pas celles des autres et s’assurer que chacun dis­pose bien du minimum de connaissances financières requises permet d’avoir des discussions plus abouties.

Ce premier vernis sur les sujets financiers permet au Family Office d’ouvrir les ré­flexions stratégiques à tous les membres de la famille. Ainsi, à titre d’exemple, il est plus aisé d’appréhender la straté­gie de liquidité mise en place si l’on a connaissance des mécanismes d’appels et distributions du Private Equity. De même, connaître quelques biais com­portementaux aidera chaque famille à traverser plus sereinement les tempêtes sur les marchés cotés.

Au-delà des connaissances financières gé­nérales, c’est la mécanique globale du pa­trimoine de la famille qu’il faut expliquer à chacun, devant tous. Le constat est una­nime : les quiproquos et les approxima­tions autour de l’argent apportent leur lot de tensions familiales, voire de conflits. Aussi, la présentation des grands blocs de l’allocation patrimoniale et une vulga­risation efficace des sujets complexes de donation/succession contribuent à l’unité et à la cohésion familiale.

Au quotidien et sans besoin d’être fortu­né, une meilleure connaissance financière contribue à apaiser les relations sociales.

"Finalement, bien s’éduquer à la finance permet d’obtenir de la sérénité"

Il serait vain de débattre ici des solu­tions à mettre en oeuvre. Toutefois, nous pouvons rappeler les perspectives qui s’ouvrent lorsqu’un degré minimum de connaissance est acquis : il devient alors possible de s’approprier son patrimoine et de l’orienter vers des objectifs définis.

Chez Keepers, les séminaires familiaux ont notamment vocation à apporter ce socle minimum de connaissances finan­cières. Ensuite, en travaillant sur les va­leurs de la famille et les attentes de cha­cun, il devient possible de définir une stratégie patrimoniale qui a du sens.

Cette recherche de sens amène inévita­blement à s’intéresser aux critères ex­tra-financiers, à la finance durable, l’ESG, l’ISR, aux ODD (Objectifs de Développe­ment Durable) et peu importe l’appella­tion, c’est le fond qui compte.

Nous constatons que la performance ex­tra-financière est le trait d’union indis­pensable dans les familles, car faire le bien fait du bien.

Finalement, bien s’éduquer à la finance permet d’obtenir de la sérénité et de rechercher une performance intégrale (financière et extra-financière), rendue possible par une bonne stratégie finan­cière, mise en musique autour des valeurs communes à une même famille.

Adrien Delayen-Mariette, Family Officer, et Shady Lasheen, Analyste financier, Keepers

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