Il n’est pas rare qu’un parent ou un grand-parent souhaite aider un enfant ou un petit-enfant sans pour autant vouloir (ou pouvoir) lui consentir une donation. Ainsi, un parent peut, par exemple, souhaiter faciliter la réalisation d’une acquisition immobilière de l’un de ses enfants, mais ne pas vouloir lui consentir une donation dans un souci d’équité vis-à-vis de ses autres enfants.

Dans une telle situation, il est possible de recourir à un prêt. En effet, les prêts au bénéfice d’un membre de sa famille, ou plus largement à un proche, sont permis. Lorsqu’un prêt est conclu entre particuliers, il est important de le matérialiser par un acte. L’acte devra préciser le montant du prêt, sa durée, ses modalités de remboursement et le taux d’intérêt éventuel. En l’absence de contrat de prêt, le risque est que le transfert de fonds entre le prêteur et l’emprunteur puisse être assimilé à un don et non à un prêt. Ainsi, sans écrit, le prêteur s’expose au risque d’un refus de rembourser de l’emprunteur. Ce risque peut notamment survenir en cas de décès du prêteur avant le remboursement du prêt. En l’absence d’acte, l’emprunteur pourra être tenté de taire aux (autres) héritiers l’existence du prêt ou bien prétendre qu’il s’agissait d’un don. 

"La rédaction d’un acte pourra également s’avérer protectrice pour l’emprunteur"

Dans certaines situations, la rédaction d’un acte pourra également s’avérer protectrice pour l’emprunteur. Prenons l’exemple d’un prêt consenti par un parent à un enfant et utilisé par ce dernier pour financer, en partie, une acquisition immobilière. Si aucun acte ne formalise le prêt et que le parent vient à décéder avant que le prêt n’ait été remboursé, les autres enfants pourraient avoir intérêt à soutenir qu’il s’agissait d’un don et non d’un prêt. En effet, si le bien immobilier a pris de la valeur depuis son acquisition et que le transfert de fonds entre le parent et l’enfant est assimilé à un don, les règles de rapport des donations feront que l’enfant devra rapporter à la succession plus que le montant du prêt.

 

L’absence d’acte présente également un risque sur le plan fiscal. En effet, l’administration fiscale pourrait assimiler le transfert de fonds du prêteur vers l’emprunteur à un don manuel et réclamer le paiement de droits de donation. Pour cette raison, et même si cette formalité n’est pas obligatoire, il est recommandé de faire enregistrer auprès du service des impôts l’acte de prêt. L’enregistrement présente l’avantage de donner une date certaine à l’acte de prêt. Son coût est de 125 euros. La signature d’un acte et son enregistrement devraient permettre d’écarter le risque de contestation par l’administration fiscale. Relevons néanmoins que l’administration a requalifié en donation indirecte un prêt consenti par une grand-mère à son petit-fils bien que le prêt ait donné lieu à un acte. Dans cette affaire, par un arrêt en date du 7 mars 2018, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a approuvé la cour d’appel d’Aix-en-Provence qui avait considéré que le prêt constituait une donation indirecte de la grand-mère à son petit-fils aux motifs qu’il n’avait pas été remboursé au terme initialement prévu mais prorogé de dix ans, que le prêteur aurait atteint l’âge de 99 ans au terme de la prorogation et qu’aucun remboursement ni paiement d’intérêts n’était intervenu depuis la conclusion du prêt.

"Il est possible de consentir des prêts sans intérêts dans la sphère familiale sans nécessairement encourir un risque de requalification"

Outre la signature d’un acte et son enregistrement, la stipulation d’intérêts et le paiement effectif de ceux-ci doivent permettre d’écarter le risque de contestation du prêt. Pour autant, il est possible de consentir des prêts sans intérêts dans la sphère familiale sans nécessairement encourir un risque de requalification à la condition, évidemment, que le prêt ne soit pas consenti pour une durée trop longue et que la durée ne soit pas déconnectée de l’âge du prêteur. L’affaire examinée par la Cour de cassation en 2018 était, à cet égard, caricaturale. Prêter une somme d’argent sans intérêts à un membre de sa famille n’est pas très différent de la situation consistant à lui laisser la disposition gratuite d’un bien immobilier. Cette pratique est relativement courante et traduit le plus souvent la volonté d’aider et non de donner. Elle est dépourvue d’intention libérale. En revanche, s’il y a intention libérale et que la preuve de celle-ci est rapportée par un héritier ou par l’administration fiscale, la mise à disposition gratuite du logement constitue une donation de fruits qui est rapportable à la succession sur le plan civil et qui est taxable au plan fiscal. La logique est la même en matière de prêt sans intérêts.

"Un prêt doit faire l’objet d’une déclaration par l’emprunteur lors du dépôt de sa déclaration de revenus"

En matière de formalités, outre la rédaction d’un acte et son enregistrement, un prêt doit faire l’objet d’une déclaration par l’emprunteur lors du dépôt de sa déclaration de revenus. Ainsi, pour un prêt conclu en 2021, l’emprunteur devra compléter une déclaration de contrat de prêt (formulaire Cerfa n° 2062) en mai 2022 lors du dépôt de sa déclaration de revenus 2021. Alors que l’enregistrement de l’acte de prêt est facultatif, la souscription par l’emprunteur de la déclaration de contrat de prêt est obligatoire. Le prêteur, de son côté, ne doit pas omettre de déclarer les intérêts dans sa déclaration de revenus si le prêt en comporte. Il sera imposé sur les intérêts perçus au taux de 30 % (impôt sur le revenu au taux forfaitaire de 12,8 % sauf option pour l’imposition au barème de l’ensemble des revenus et des plus-values financières et prélèvements sociaux au taux de 17,2 %).

"La loi interdit la déduction en passif de l’IFI des prêts familiaux"

Enfin, soulignons que si le prêt familial est destiné à permettre de financer une acquisition immobilière, son montant ne pourra pas être déduit au passif de l’impôt sur la fortune immobilière si l’emprunteur est soumis à cet impôt. En effet, la loi interdit la déduction en passif de l’IFI des prêts familiaux sauf à ce qu’ils aient été consentis à des conditions normales. L’administration a précisé que le caractère normal des conditions du prêt devait s’apprécier au regard des pratiques bancaires usuelles. Or les prêts familiaux sont rarement conclus à des conditions équivalentes aux conditions bancaires.

Stéphane Jacquin, responsable de l’ingénierie patrimoniale, Lazard Frères Gestion

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