A. Chlagou ( Letus Private Office) : "L’apport-cession : une opération en trois étapes au service des entrepreneurs"
Apport des titres à une holding contrôlée
En amont de la cession d’une société, il convient d’apporter les titres de la société, que le contribuable détient en direct, à une société holding (créée à cette fin ou préexistante) qu’il contrôle, c’est-à-dire à une société : - dont il détient plus de 50 % des droits de vote ou plus de 50 % des bénéfices sociaux, directement ou indirectement, ou - pour laquelle il exerce effectivement le pouvoir de décision. (cf. situation1 schéma ci-contre) En théorie, le contribuable devrait être taxé sur la plus-value lors de l’apport des titres à la holding nouvellement créée (prix des titres au jour de l’apport – prix d’acquisition des titres = plus-value imposable). Or, lorsqu’il s’agit d’un associé fondateur, le prix d’acquisition des titres de la société est souvent proche de 0 euro, aussi la plus-value imposable et l’impôt qui en résulte peuvent s’avérer conséquents. Cependant, le régime de l’apport-cession tel que prévu par l’article 150-0 B ter du CGI prévoit un report d’imposition de la plus-value d’apport. En d’autres termes, l ’assiette de la plus-value, ainsi que les taux d’imposition de l’impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux sont figés à la date de l’opération d’apport, et l’imposition effective de cette plus-value est décalée dans le temps, à une date ultérieure.
Cession des titres par la holding
(cf. situation 2, schéma ci-contre) Il existe deux hypothèses concernant la date cession des titres par la holding, et les conditions à respecter pour être éligible au report d’imposition de la plus-value d’apport ne sont pas les mêmes selon le cas :
- Hypothèse n°1 : La holding cède les titres moins de 3 ans après l’apport Afin de maintenir le report d’imposition sur la plus-value d’apport, la holding est soumise à une obligation de remploi. Elle devra réinvestir 60 % du produit de la cession dans des activités dites économiques dans un délai de 2 ans après la cession des titres par la holding. Les condit ions de ce remploi sont détaillées au paragraphe III ci-après.
- Hypothèse n°2 : La holding cède les titres plus de 3 ans après l’apport Si la holding cède les titres de la société plus de 3 ans après l ’apport, elle n’a alors aucune obligation de remploi. La holding peut disposer du produit de la cession comme elle le souhaite sans remettre en cause le report d’ imposition de la plus-value d’apport. Mais la holding sera redevable de l’impôt sur les sociétés sur la plus-value qu’elle aura réalisée au jour de la cession. La plus-value se calcule par la différence entre le prix des titres au jour de l’apport et le prix des titres au jour de la cession des titres par la holding. Dans ce cas, il convient de garder à l’esprit les conséquences fiscales d’une telle opération : le laps de temps entre l’apport et la cession des titres induit une incertitude sur le prix de cession et une potentielle plus-value de cession importante (nb : le régime fiscal applicable aux plus-values de cession des titres par une société soumise à l’IS dépendra de la qualification des titres et de la date à laquelle les titres cédés ont été acquis ou souscrits, cette situation sera à étudier selon le cas d’espèce).
Remploi du produit de cession
Dans le cas où la cession des titres par la holding a lieu dans les 3 ans suivant l ’apport, 60 % du produit de cession doivent être réinvestis dans une activité économique (i.e. : une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale, agricole ou financière, hors gestion du patrimoine mobilier ou immobilier privé) dans un délai de deux ans afin que le report d’imposition de la plus-value d’apport ne soit pas remis en cause. (cf.situation 3, schéma ci-dessus) Cependant, si le contribuable ne souhaite pas se relancer dans une activité opérationnelle après la cession de sa société, d'autres options peuvent être considérées comme éligibles au remploi :
- La souscription au capital d’une société opérationnelle dont il n’a pas le contrôle (la société doit être située en France, dans l’Union Européenne ou dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales) ;
- La souscription de parts ou actions de fonds communs de placement à risques, de fonds professionnels de capital investissement, de sociétés de libre partenariat ou de sociétés de capital-risque (ou d'organismes similaires d'un autre État membre de l’UE ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales), éligibles au remploi. Il convient néanmoins d’être attentif à l’éligibilité du fonds en amont de l’investissement (tous ne répondent pas aux critères de remploi de l’article 150-0 B ter du CGI). Le solde du prix de cession, à savoir les 40 % restants, peut quant à lui être investi librement au sein de la holding, par exemple sur des contrats de capitalisation, de l’immobilier de rapport, etc.
LES POINTS CLÉS
- L’apport-cession est un régime principalement à destination des entrepreneurs qui sont sur le point de céder les titres de leur société
- La plus-value d’apport est figée à la date de l’apport et l’imposition effective est remise à une date ultérieure
- Dans la majorité des cas, la holding devra réinvestir 60 % du produit de la cession dans des activités économiques dans un délai de 2 ans suivant la cession
- La souscription de parts ou actions de sociétés type private equity est éligible au remploi des 60 % du produit de cession
Anice Chlouga, co-fondateur de LetUs Private Office et Camille Neveu, directrice juridique et fiscale chez LetUs Private Office