"S’engager ensemble pour un avenir durable en donnant encore plus de sens et d’impact à votre patrimoine". Voilà comment se résume l’ambition collective du "Cercle Robeco pour une banque privée durable". Lancé fin 2019 par le gérant d’actifs Robeco et plusieurs banques privées de la place, il s’agit avant tout d’un "call to action" pour intégrer durablement les enjeux de durabilité au sein de la Banque Privée. Karim Carmoun, président de Robeco France, Isabelle Guyot-Sionnest, directeur associé d’amGroup, qui a copiloté le projet, et Olfa Maalej, directrice des produits et solutions chez Neuflize OBC, l’un des sept parrains fondateurs du Cercle*, reviennent sur la genèse du projet et sur les évolutions en matière d’ISR et RSE.

Décideurs. Comment est né le Cercle Robeco pour une banque privée durable ? Quels objectifs majeurs poursuit-il ?

Karim Carmoun. En tant qu’acteur majeur de l’investissement durable, Robeco n’a de cesse de promouvoir la durabilité pour répondre aux grands défis d’aujourd’hui et de demain. Contribuer à un monde plus durable passe aussi par la volonté d’être un acteur du changement, de faire bouger les lignes et partager nos savoir-faire. C’est pourquoi – ayant constaté la disparité des approches et savoir-faire en matière d’ISR, et plus largement les besoins en éducation et pédagogie – Robeco a pris l’initiative fin 2019 de réunir certains membres emblématiques de la Banque Privée au sein du "Cercle Robeco pour une banque privée durable" avec pour objectif majeur de repenser la place de la Banque Privée dans la société et de partager savoir-faire et expériences en matière de RSE et d’ISR. Il s’agit avant tout d’un lieu de réflexions et d’échanges, avec l’ambition d’inscrire cette dynamique dans le long terme.

Isabelle Guyot-Sionnest. Lancé avant le début de la crise sanitaire et porté par les convictions de ses parties prenantes, le Cercle Robeco est un projet collectif mené avec sept Maisons de banque privée représentatives du secteur, soucieuses de faire avancer les réflexions et bonnes pratiques en matière de RSE pour les partager ensuite avec leurs pairs. L’animation de deux focus group a permis de définir les contours du projet, son intention et son ambition. Puis, dans le cadre de task  force mensuelles dédiées, les parrains ont apporté leurs contributions respectives à l’élaboration d’un premier livrable, forme de manifeste de la profession incluant la raison d’être de la banque privée. Un second livrable, en cours d’écriture, traite plus spécifiquement de leur engagement solidaire. Bien entendu, l’objectif ultime est de présenter à la communauté des banques privées ces travaux et de les fédérer au sein du Cercle Robeco pour une meilleure intégration des enjeux RSE dans leurs propres réflexions stratégiques, en tant que tiers de confiance de leurs clients, mais aussi d’entreprise responsable.

"Contribuer à un monde plus durable passe aussi par la volonté d’être un acteur du changement, de faire bouger les lignes et partager nos savoir-faire"

Olfa Maalej. Nous sommes partis d’un double constat consensuel, à savoir d’une part, la prise de conscience accélérée depuis début  2019 quant à l’irréversibilité du mouvement, et d’autre part, l’absence de notre profession dans les débats de place, témoignant du retard qu’elle accuse sur le sujet notamment au regard des asset managers et des assureurs, bien plus en avance en matière d’offre de produits responsables ou de stratégie RSE. Aussi, l’un des objectifs du Cercle Robeco était-il de savoir comment combler ce gap. Nous avons ainsi considéré l’ensemble des leviers qu’une banque privée devait utiliser pour se prévaloir d’une vraie stratégie de banque responsable et durable. Nous étions tous animés par la volonté d’avancer dans la même direction, en particulier dans la relation développée avec nos parties prenantes, que ce soit dans le cadre de la gestion de nos talents, de nos programmes de mécénat ou encore de l’accompagnement philanthropique de nos clients. En partageant avec nos pairs nos réflexions et pratiques, nous sommes ainsi convaincus que nous pouvons, collectivement, à la fois répondre aux attentes de nos clients et talents, en particulier celles de la génération des sustainable natives, très sensibles à la dimension écologique et inquiets de leur avenir à horizon 2050, et de redorer l’image du secteur bancaire.

La recherche de sens est bien devenue un sujet prédominant chez les épargnants. Mais est-elle antinomique avec la recherche d’une performance financière ?

O.M. La crise sanitaire est venue accélérer les réflexions et démentir certains préjugés bien ancrés concernant l’ISR. Plusieurs études académiques montraient déjà que les investissements ISR sont au moins aussi performants que les investissements conventionnels. L’année  2020 a, de ce point de vue, été bénéfique puisque les gestions  ISR et thématiques ont généré d’excellentes performances financières. Chez Neuflize OBC, nous avions déjà remarqué qu’en période de forte volatilité, les investissements responsables avaient une meilleure résilience et qu’à moyen-long terme, l’avantage était donné aux entreprises qui, elles-mêmes, intègrent dans leur stratégie et leur gestion des risques précisément leurs risques extra financiers et ce, sur les trois piliers ESG. Aujourd’hui, la gestion ISR devient mainstream et il n’y a plus de débat autour de sa performance.

K.C. Chez Robeco, nous partageons ce constat. À plus d’un titre,  2020 aura été une année charnière. Cette période de crise liée au Covid a non seulement confirmé les bonnes performances et la résilience des stratégies durables mais a également marqué un tournant nous obligeant à repenser nos modèles, notre société et notre monde pour avancer vers une reprise durable. Pour une grande majorité de clients, l’opposition  ISR et performance n’a plus lieu d’être. Nous constatons une normalisation du discours ISR et une croissance exponentielle sur les stratégies thématiques durables, notamment en lien avec les objectifs de développement durable qui permettent de conjuguer performance et impact positif. Le contexte réglementaire, au niveau français et européen, vient par ailleurs structurer ces démarches, offrant une meilleure lisibilité de l’offre et des risques associés, et contribuant à renforcer la comparabilité des fonds pour les investisseurs finaux.

"Depuis quelques années, les gestions thématiques durables et d’impacts connaissent une croissance exponentielle"

I.G-S. Il y a une montée en puissance avérée de cette recherche de sens, sachant que la Covid-19 a fait émerger de façon significative le pilier "social". De fait, de plus en plus de clients attendent de leurs banquiers privés une proposition de valeur composée à la fois de solutions d’investissement responsables, de crédits solidaires, de conseils en matière de philanthropie, et quand ils sont des dirigeants d’entreprise, certains aimeraient aussi être accompagnés sur leur propre politique  RSE incluant le mécénat. Les banques privées qui résistent encore à ce déploiement de la  RSE et de l’ISR mettent en avant l’absence d’appétence manifeste de leurs clients pour ces enjeux. Un propos à nuancer au regard du déficit de sensibilité et de la connaissance sur ces thématiques d’un nombre encore trop significatif des banquiers privés eux-mêmes. D’où les efforts pédagogique croissants des Maisons pour mettre à niveau ces derniers et leur permettre de traiter de ces sujets avec des clients qui ne savent pas toujours exprimer leurs attentes ou besoins. C’est pourquoi certains acteurs ont développé des supports et outils de formation s’appuyant sur les 17 objectifs de développement durable (ODD) qui s’avèrent être une grille de lecture universelle pour l’ensemble des parties prenantes.

Quelles sont les grandes tendances de la RSE et de l’ISR aujourd’hui ?

O.M. Les clients veulent a minima pouvoir investir dans des solutions  ISR. Une tendance forte, sans doute liée au contexte sanitaire, est leur engouement pour l’investissement à impact qui est plus mesurable, tant dans son intentionnalité que dans sa capacité à générer des impacts positifs sur la société et l’environnement. En outre, certains sont attachés à s’impliquer directement dans des projets de philanthropie pour lesquels ils veulent être décisionnaires quant au choix des bénéficiaires et/ou des thématiques. Enfin, ils attendent de leur banque privée une cohérence entre la politique RSE affichée et sa déclinaison opérationnelle à travers une proposition de valeur durable, un discours commercial engagé et une communication institutionnelle responsable.

K.C. Depuis quelques années, les gestions thématiques durables et d’impacts connaissent une croissance exponentielle. Répondant aux grands enjeux mondiaux et tendances de long terme, avec des axes clairs et lisibles pour les clients finaux, elles font écho aux problématiques du quotidien comme le changement climatique, la mobilité du futur, la santé, la consommation… Elles donnent donc du sens à leurs investissements et permettent de contribuer à générer un impact positif. Nous notons également une forte évolution quant aux attentes de nos clients qui regardent de plus en plus au-delà de la matérialité financière, vers une matérialité sociale, environnementale et de gouvernance, soulignant ainsi la responsabilité de l’entreprise en tant qu’acteur engagé.

* Les sept parrains fondateurs du Cercle : Neuflize OBC, Banque Transatlantique, BNP Paribas Banque Privée, Credit Suisse Banque Privée, HSBC Banque Privée, Rothschild & Co, Société Générale Private Banking.

 Propos recueillis par Sandy Andrianabiby et Marine Fleury

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