H. Felbacq (Maison Cornette de Saint Cyr): "Oui, la mode est objet de collection"
Décideurs. Les expositions et les ventes de haute couture et de prêt-à-porter de luxe se multiplient depuis plusieurs années maintenant. La mode est-elle devenue un objet de collection comme un autre ?
Hubert Felbacq. Tout dépend si l’on parle de haute couture ou de prêt-à-porter de luxe... Pour ce qui est de la haute couture, les collectionneurs existent depuis de nombreuses années, probablement depuis que les institutions ont compris que les pièces textiles faisaient partie de notre vie, de notre patrimoine et qu'elles racontent l'Histoire. Les ventes spécifiques sont, elles, arrivées de nombreuses années plus tard. Pendant très longtemps, ces pièces étaient offertes aux musées ou données à des œuvres. À partir du moment où quelques-unes de ces pièces ont été présentées à la vente et ont réalisé de véritables résultats, certains ont compris qu'il y avait un nouveau marché à conquérir. Dès lors, les ventes se sont succédé. Les ventes de produits de luxe ont également pris de l'essor dès les années 1990 et n'ont cessé de se développer. D’ailleurs, les ventes mono-produits se multiplient. Dans les deux cas, il y a des collectionneurs qui gardent jalousement leurs découvertes, des collectionneurs volubiles, des revendeurs, des amateurs, mais aussi des femmes qui souhaitent obtenir des pièces qu'elles ne verront pas sur d'autres et des femmes à la recherche de la bonne affaire. Oui, la mode est objet de collection !
"L'ancienneté ne fait pas la valeur d’un vêtement"
Quels sont les principaux critères qui font la valeur d’un vêtement ?
La question est complexe. Il y a le vêtement historique, très ancien, le vêtement muséographique qui correspond à l'histoire de la mode, puis le vêtement utilisable, celui dont les fibres des tissus permettent une utilisation. De façon générale, l'ancienneté n'est pas l'élément principal de définition de la valeur : il faut que le vêtement corresponde à la période la plus créative du couturier, la période pour laquelle la pièce reflète l'histoire du moment de sa création.
Collectionner la mode implique-t-il des contraintes particulières ?
Il est complexe de porter un vêtement de Gabrielle Chanel, d'Elsa Schiaparelli des années 1930, une robe de Poiret de 1910, sans que ces dernières s'altèrent. Mais c'est le choix du collectionneur ou de la collectionneuse. Les tissus sont devenus fragiles, difficilement nettoyables, les soies ou mousselines prennent vite des auréoles... Toutefois, un tailleur en tweed de Gabrielle Chanel des années 1950, une robe Courrèges ou Cardin de années 1960, au regard des tissus utilisés, sont parfois portés par des femmes souhaitant se distinguer de ce que portent les autres femmes.
Selon votre expérience, qui sont les collectionneurs et quels vêtements ou accessoires ont particulièrement la cote ?
Il n'y a pas d’âge, pas de sexe, pas de nationalité : un jeune collectionneur peut acquérir une robe trapèze d'André Courrèges des années 1960 mais il sera plus difficile pour lui d'obtenir une robe de Madeleine Vionnet. C'est surtout une question de moyens. De manière générale, les pièces historiques ou muséographiques – notamment les créations de Poiret, Lanvin, Chanel, Schiaparelli, Patou, Vionnet, Dior, Balenciaga, Balmain ou Fortuny – sont très recherchées, ainsi que les pièces des créateurs des années 1980/1990.
Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui souhaiterait se lancer dans une collection ?
L’essentiel est de ne pas s'emballer sauf par la découverte d'un trésor… et cela arrive encore ! Je pense qu'il est important de donner une thématique pour ne pas s'éparpiller. Il vaut mieux acheter une pièce en très bel état que trois pièces en état moyen. Et ne pas oublier que l’idée principale est de se faire plaisir...
Propos recueillis par Sybille Vié