Alors que le marché de la gestion d’actifs est en pleine diversification, Sophie Breuil, fondatrice d’Hâpyfew Familly Office, décrypte avec son associé Jean-Antoine Breuil les opportunités et les risques auxquels doivent faire face les investisseurs finaux. Une analyse qui justifie pleinement l’indépendance et l’approche entièrement tournée vers le conseil que propose leur structure.

Décideurs. Quel regard portez-vous sur les évolutions du marché de la gestion d’actifs ces dernières années ?

Sophie Breuil et Jean-Antoine Breuil. Au cours des dix dernières années, l’offre en gestion de patrimoine s’est ouverte à de très nombreuses classes d’actifs qui n’étaient jusqu’alors pas traitées par les acteurs de la gestion privée. C’est le cas des actifs financiers mais surtout des actifs réels comme le private equity, l’immobilier, la private debt, ou même des actifs mixtes qui correspondent à la financiarisation d’actifs réels (comme les fonds immobiliers, les fonds de dette privée ou les fonds de capital-investissement), sans oublier les produits structurés qui ne sont plus réservés uniquement aux institutionnels. Et depuis peu, on voit même émerger les cryptoactifs.

Au sein de chacune de ces classes d’actifs, il existe une richesse incroyable d’offres sur des sous-thématiques, des sous-classes d’actifs avec des spécialisations géographiques, sectorielles ou même en fonction de la taille des cibles. Cet élargissement vertueux de l’offre dont nous nous réjouissons est le fruit de la diversification du nombre des acteurs de la gestion d’actifs.

Comment expliquer ce renforcement considérable de l’offre ?

Plusieurs facteurs sont en cause. Tout d’abord, les grands clients privés, qui se sentaient enfermés dans l’offre existante, sont allés chercher en direct, auprès desconcepteurs et des producteurs, des solutions d’investissement différenciantes qui étaient réservées à des clients institutionnels. Un processus de démocratisation de l’offre s’est alors enclenché, ce qui a aussi bénéficié aux sociétés de gestion qui se sont ouvertes à une nouvelle clientèle : les grands clients privés. La poussée
des acteurs indépendants, CGP et family offices, a également favorisé la diversification de l’offre.

"La modularité de l’offre, très vertueuse, crée un besoin de coordination accrue"

Aujourd’hui, l’écosystème est devenu très modulaire. Il se compose de spécialistes en gestion d’actifs de grande qualité, très techniques et hyper-spécialisés dont l’offre est rendue encore plus accessible par l’avènement des outils digitaux. D’ailleurs, la pandémie a joué un rôle de catalyseur en la matière : l’interaction avec les sociétés de gestion est aujourd’hui facilitée par l’interaction digitale, qui permet de dépasser les distances et les frontières, que ce soit avec des outils de visioconférence ou même avec la signature électronique.

Enfin, le développement de structures de notation, comme Morningstar ou Quantalys, permet d’analyser les offres sur la durée, à partir d’indicateurs de performance, de volatilité, de liquidité, etc. Ce sont des outils essentiels d’analyse et de prise de décision.

L’extrême richesse de l’offre en gestion d’actifs et la désintermédiation induisent-elles certains risques spécifiques ?

Oui, absolument. Le premier est le risque d’un manque de clarté pour l’investisseur final sur les multiples intervenants dans la chaîne de création de valeur et ce, en dépit des différents renforcements réglementaires qui ont eu lieu. Il peut être compliqué de savoir qui produit, gère, encapsule, package, distribue, conseille le client final. Quelles sont les rémunérations prises par les différents acteurs à chaque étage de la fusée ? Quels sont les conflits d’intérêts potentiels face à un acteur qui a plusieurs casquettes ?

Autre écueil à éviter : le risque d’éparpillement. Pour s’y retrouver dans une offre aussi pléthorique, la mise en cohérence des besoins et du cahier des charges de chaque client avec les solutions proposées est centrale. Pour cela, il faut se référer à son profil d’investisseur, sa capacité de résistance aux fluctuations intermédiaires, son horizon d’investissement et à son organisation familiale et patrimoniale. D’ailleurs, avec l’intégration croissante d’actifs réels – ou d’actifs financiers adossés à ces actifs réels – dans la stratégie des investissements patrimoniaux, la question de la liquidité s’impose avec force.

"L’écosystème est devenu hyper modulaire et se compose de spécialistes de grande qualité dont l’offre est facilement accessible grâce au digital"

La modularité de l’offre, très vertueuse, crée un besoin de coordination accrue qui repose sur un travail fin d’allocation d’actifs et de sélection des acteurs. Cette double démarche doit bien sûr être consolidée au regard du patrimoine global des familles et être adaptable dans le temps.

Comment prévenez-vous ces risques ? Quelles solutions proposez-vous au sein d’HâpyFew ?

Nous cultivons une approche pure et exclusive, voire rigoriste ! Notre activité est concentrée sur le conseil. Pour nous, c’est un vrai bonheur de pouvoir bénéficier d’un écosystème de la gestion d’actifs aussi modulaire. À chaque fois que nous cherchons à nous positionner sur un type d’actifs spécifique, qu’il s’agisse du private equity, de l’immobilier, de la gestion financière, de l’assurance-vie, des banques ou des produits structurés, nous trouvons plusieurs interlocuteurs, européens et internationaux, de grande qualité. Le raisonnement vaut aussi sur des sujets purement patrimoniaux pour lesquels il faut s’entourer de professionnels du droit, de la fiscalité et du chiffre.

La sélection de ces professionnels hautement qualifiés et de leurs solutions d’investissement s’opère selon des critères et un process rigoureux dans chacune des classes d’actifs ou sous-classes d’actifs, en cultivant le souhait de la flexibilité et de la réactivité. L’allocation d’actifs de nos clients évolue selon leurs besoins, elle n’est pas figée et est parfaitement adaptable tout en s’inscrivant dans un horizon à long terme qui permet vraiment de créer et sécuriser une valorisation d’un patrimoine.

Concrètement, comment votre indépendance et votre positionnement entièrement dédié au conseil se manifestent-ils ?

Notre priorité exclusive, c’est le client. On ne veut pas se laisser distraire de cet objectif. Bien sûr, chacun est libre d’adopter son propre modèle, toutes les typologies d’acteurs et de positionnement ont leur place dès lors qu’il y a une transparence et une clarté de l’offre et de la construction de la rémunération. Nous avons fait le choix de profiter d’un écosystème suffisamment riche pour nous apporter des expertises pointues. Afin de servir totalement le client, l’absence de conflit d’intérêts est primordiale.

Notre seul donneur d’ordre est le client. Aucun actionnaire ni aucune activité interne ou connexe n’induit de biais dans la gestion de nos priorités ni ne nous oblige à composer avec des intérêts divergents. Logiquement, notre mode de rémunération se fait en honoraires ou selon des modalités sécurisant la transparence et l’absence d’intérêt à privilégier telle ou telle solution financière. Notre but est de permettre à nos clients d’accéder à des offres institutionnelles et à une tarification institutionnelle.

Propos recueillis par Sybille Vié et Aurélien Florin

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