F. Hammouche (La Carac) : "Nous restons très sélectifs dans nos choix d’investissement"
Décideurs. Après le trou d’air du début d’année, les marchés financiers ont repris des couleurs. Quelle analyse faites-vous de la situation ? Les valorisations sur les marchés actions vous semblent-elles attractives ?
Fabrice Hammouche. Les mesures de soutien mises en œuvre par les banques centrales et les différentes annonces de plans de relance dans les pays développés ont porté leurs fruits et rassuré les investisseurs. A cela s’ajoute des anticipations de reprise rapide de l’économie post-confinement et l’arrivée imminente d’un vaccin. À la sortie de l’été, ce profil de reprise s’annonce incertain et lent et de nombreuses incertitudes demeurent présentes. Tout d’abord, sur le plan sanitaire ; l’Europe fait d’ailleurs face à une seconde vague épidémique, avec des annonces de confinements localisés. Les incertitudes politiques pèsent également sur le moral des investisseurs. Ces derniers sont très attentifs au déroulement des élections aux États-Unis et aux discussions toujours difficiles entre le Royaume-Uni et l’Europe dans le cadre du Brexit. La remontée des marchés actions est d’ailleurs hétérogène. Certains secteurs d’activité aspirent l’ensemble des flux. Je pense notamment aux valeurs de la tech, de la santé, des thématiques énergétiques et ESG. D’autres secteurs sont complètement délaissés comme le secteur financier et l’immobilier. Aujourd’hui nous ne sommes pas dans une position confortable avec ces niveaux de valorisation et adoptons, en conséquence, une position prudente. Nous pouvons nous le permettre car préalablement à la crise nous avions réduit le niveau de risque de notre portefeuille action ; et courant mars et avril, nous avons pu nous repositionner sur des niveaux attractifs.
Comment sont actuellement positionnés vos portefeuilles ?
Notre portefeuille est investi à 75% sur des produits de taux, dont 2 % sur de la dette privée. Les actions, obligations convertibles et le private equity, représentent un peu plus de 10 % de nos positions. L’immobilier est à un niveau légèrement inférieur à ce chiffre, dont 70% d’investissement direct dans des immeubles. Les 5 % restants sont investis en produits monétaires.
"Nous ne sommes pas dans une position confortable avec ces niveaux de valorisation sur les marchés actions et adoptons une position prudente"
Comment remédiez-vous à la faiblesse des taux obligataires ?
Notre actif général étant en légère décollecte nette sur le début de l’année, nous n’avons donc pas été forcés à investir. Notre gouvernance nous a, par ailleurs, apporté son soutien pour ajuster nos actions d’investissement et augmenter ponctuellement nos positions sur des produits monétaires, si le timing d’investissement n’était pas propice. De ce fait nous avons été prudents et sélectifs sur le début d’année 2020 et avons accéléré nos investissements à compter du mois de mars pour bénéficier de primes de risque attractives sur le marché du crédit. Depuis le début de l’année, nous avons investi sur des obligations offrant en moyenne des taux de rendement d’environ 2,4 %, en visant une duration proche de sept ans.
Le segment du private equity est par nature impacté en différé par les crises. Quelles seront les conséquences des difficultés économiques sur les marchés non cotés ?
On observe traditionnellement un décalage entre le coté et le non coté. Toutefois, les gérants de fonds de capital-investissement ont commencé très tôt à répercuter sur les valorisations de leurs portefeuilles les conséquences de la crise. Globalement les gérants restent confiants sur la résilience de leurs portefeuilles. Ils disposent d’équipes capables d’accompagner sur le long terme les entreprises dans la gestion de leur business plan. Ces fonds devraient logiquement avoir besoin d’une période d’investissement plus longue. De ce fait, une dégradation des TRI est anticipée. Mais comme sur les marchés côtés, la situation est contrastée. Les entreprises de la tech et du secteur de la santé sortent renforcées par la crise. D’autres secteurs comme l’aéronautique, le tourisme ou l’événementiel souffrent davantage. Nous avons assez bien diversifié nos investissements pour relativiser l’impact de cette crise sur nos portefeuilles aujourd’hui. La Carac s’est également positionnée sur des stratégies opportunistes, notamment sur le marché secondaire où les décotes vont devenir plus importantes.
"Nous regardons avec attention des actifs dans le secteur de la santé"
Les infrastructures seront-elles plus résilientes face à la crise ?
Par nature, les infrastructures semblent l’être car elles répondent à un besoin essentiel. Ce thème d’investissement profite également d’une certaine visibilité des cash-flows et d’une bonne solvabilité des contreparties. Mais là encore, on ne peut pas généraliser la situation. L’impact est bien réel sur certaines typologies d’actifs comme les autoroutes et les aéroports. Certains acteurs ont également utilisé des effets de levier élevés et peuvent rencontrer des problèmes de liquidité. Nous restons donc très sélectifs, même sur cette thématique.
Près de 75 % de vos investissements en immobilier sont dirigés vers le résidentiel à Paris et en première couronne. Les valorisations records vous incitent-elles à céder certains biens pour investir sur d’autres zones géographiques ou de l’immobilier tertiaire ?
Depuis deux ans, nous avons lancé une stratégie d’arbitrage qui vise à diversifier nos positions et augmenter la rentabilité de notre portefeuille. Nos équipes mettent ainsi en œuvre un programme d’arbitrage. Si le potentiel de hausse du résidentiel nous semble limité, nous n’hésiterons pas à réaliser des arbitrages au profit d’autres typologies d’actifs. Dans le secteur des bureaux, nous privilégions aujourd’hui les actifs bien localisés et attractifs pour les salariés, bénéficiant de commerces à proximité et de services dans les immeubles. En parallèle, nous regardons avec attention des actifs dans le secteur de la santé.