Les députés de la commission des affaires économiques et monétaires viennent d’adopter de nouvelles règles afin d'encourager les banques à fournir des crédits à l’économie réelle bouleversée par la pandémie Covid-19.

Fin avril, la Commission européenne avait dévoilé son plan pour épauler le secteur financier afin qu'il puisse maintenir son soutien auprès des ménages et des entreprises confrontés à la crise du coronavirus. Une proposition que les eurodéputés ont adopté ce lundi 8 juin et qui met en place "une flexibilité accrue des règles prudentielles des banques de l'UE afin que ces dernières puissent se concentrer sur les prêts à l'économie touchée par le COVID-19".

L'abondance des mesures européennes de soutien aux banques

Les députés sont notamment convenus d'assouplir les exigences de fonds propres imposées par le règlement CRR. Les banques devront contrôler les effets de la pandémie sur leurs bilans, porter une attention particulière aux prêts non performants et appliquer les normes relatives à "l’obligation de connaître son client". Les changements adoptés prévoient aussi de prolonger de deux ans les dispositions transitoires de provision sur les créances douteuses dans le cadre de l’IFRS 9. D'après Bruxelles, cette mesure se chiffrerait à 30 milliards d'euros de capital, qui seraient récupérés par les banques sur l'année en cours. Il s'agit donc de soulager les banques en absorbant les pertes liées à la pandémie tout en les incitant à maintenir, voire à relancer les prêts aux entreprises et aux particuliers.

Ces différentes mesures s'inscrivent dans la lignée de celles adoptées mi-mars par la Banque centrale européenne (BCE) pour fournir aux banques des capitaux temporaires et un soulagement opérationnel de circonstance. L'Autorité bancaire européenne (EBA) et le Conseil de supervision unique (SSM) ont notamment autorisés, temporairement, les banques à ne plus respecter les exigences dites de pilier 2 et à utiliser pleinement leurs réserves de fonds propres et de liquidités. Les établissements bancaires ont également bénéficié d'un allègement dans la composition des fonds propres pour les exigences de pilier 2 qui pourra désormais contenir de la dette de moins bonne qualité. Cette mesure, qui devait initialement entrer en vigueur en janvier 2021, s'inscrit dans le cadre de la dernière révision de la directive sur les fonds propres (CRD V). La BCE avait également soutenu la décision de l'EBA de reporter à l'échelle européenne les stress tests de 2020. Enfin, la BCE avait demandé aux banques de la zone euro de ne plus verser de dividendes ni de racheter d'actions propres jusqu'à la fin de la pandémie. Cette recommandation fait aujourd'hui débat entre les eurodéputés, qui, pour certains, souhaitent qu'elle soit prolongée jusqu'au 31 mars 2021 et assortie d'une suspension des bonus.

Les banques françaises font face au choc économique

"Les résultats du premier trimestre 2020 portent déjà la trace des difficultés économiques et du choc sur les marchés financiers", avait constaté fin mai, François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, lors de la présentation du bilan annuel de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). En effet, les résultats trimestriels des quatre premiers groupes bancaires français (BNP Paribas, Société Générale, groupe Crédit agricole et groupe BPCE) ont constaté une baisse de leur produit net bancaire (PNB) de 4,8 % ainsi qu’une augmentation de 130 % de la charge du risque et, en conséquence, une diminution de leur résultat net de près de 50 % par rapport au premier trimestre de l’année précédente.

Un projet de "bad bank" à l'étude par la BCE ?

La rumeur continue d'enfler au sujet de la création d'une possible "bad bank". José Manuel Campa, président de l'EBA, avait ouvert le débat fin mai en déclarant à Reuters : "Adopter une approche européenne pour soutenir les banques aurait du sens. Cela pourrait se faire sous la forme d'une recapitalisation de précaution sur le modèle du TARP. Et là, le fonds de relance de l'UE pourrait jouer un rôle". Pour mémoire, cette approche avait été retenue pendant la crise financière de 2008 avec la mise en œuvre du Troubled Asset Relief Program (TARP). Ce programme du gouvernement des États-Unis visait à acheter des actifs toxiques et des capitaux propres auprès d'institutions financières pour renforcer son secteur financier. Mercredi dernier, Reuters apprenait que la BCE prépare une structure de défaisance pour y transférer des centaines de milliards d'euros de prêts qui risquent de ne pas être remboursés en raison de la crise du coronavirus. Un groupe de travail aurait été mis en place pour réfléchir à ce projet de "bad bank". De son côté, la Commission européenne a affirmé qu'aucun "travail officiel" n'était en cours sur le sujet.

Béatrice Constans

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