Coincé entre l’irrémédiable baisse des rendements des fonds en euros et les obligations d’investissement imposées par certains assureurs, les épargnants vont devoir diversifier encore davantage leurs placements dans les années à venir.

L'épidémie de Covid-19 ne bouscule pas uniquement nos habitudes de vie. Elle touche également à nos reflexes d’épargne. En avril, l’assurance-vie a dû faire face pour le deuxième mois consécutif à une collecte négative, à - 2,1 milliards d’euros. Cet événement, assez rare pour être souligné, ne doit cependant pas faire oublier que l’assurance-vie reste l’un des placements préférés des épargnants. Actuellement, 1 748  milliards d’euros sont placés sur ces contrats.

Et au sein de cette épargne, les Français optent massivement pour les fonds en euros. Un placement certes sécurisé mais dont les rendements se réduisent comme peau de chagrin. Quelle place leur accorder dans une assurance-vie ? Sontils suffisants pour valoriser leur épargne sur le long terme ? Le débat est ouvert.

Fonds en euros : une baisse des rendements inéluctable

La tendance ne s’est pas infléchie en 2019. Les rendements proposés par les fonds en euros ont encore baissé. Ceux-ci ont offert, en moyenne, une rémunération de 1,4 % l’année dernière, contre 1,8 % en 2018. Une chute inexorable, structurelle, en grande partie provoquée par la baisse des taux d’intérêt. Malgré tout, ce placement sécurisé garde toute sa pertinence. Dans le contexte actuel, les fonds en euros restent en effet des éléments stabilisateurs, comme l’explique Jean-Philippe Taslé d’Héliand, président de Oddo BHF Banque privée France : « La crise sanitaire a rebattu les cartes car les marchés financiers ont connu une baisse historique. Aussi, les contrats d’assurance-vie qui perdaient de leurs attraits sont revenus sur le devant de la scène, avec les meilleures performances sur les fonds euros. »

Les fonds en euros répondent également aux besoins des épargnants les plus prudents, très frileux à l’idée d’investir leur épargne sur des placements dont le capital n’est pas garanti. Philippe Malatier, fondateur et associé de K&P Finance abonde en ce sens : « Les fonds en euros permettent de protéger l’épargne des clients les plus prudents ou de limiter la volatilité au sein des allocations. » À plus long terme, la part investie sur les fonds en euros – près de 80 % des sommes investies en assurance-vie  – soulève cependant de nombreuses questions. Comment valoriser son patrimoine ou financer sa retraite avec des rendements aussi faibles ? La réglementation pourrait pousser les épargnants à revoir en partie leur allocation.

"Une grande partie des assureurs ont été amenés à plafonner les versements de leurs clients vers les fonds en euros"

Contraintes réglementaires pesant sur les assureurs 

Pour des raisons réglementaires, une grande partie des assureurs ont été amenés à plafonner les versements de leurs clients vers les fonds en euros dans leurs contrats d’assurance-vie. En fin d’année dernière, Generali a ainsi restreint les accès à ses fonds euros à 40 %, portant donc la part des nouvelles sommes investies devant être placées sur des unités de compte à 60 % ! Quant à l’assureur AG2R La Mondiale, c’est un minimum de 35 % en unités de compte qui a été imposé sur ses contrats.

Des décisions assumées par Bernard Le Bras, président du directoire de Suravenir : « Effectivement, un certain nombre d’assureurs ont restreint l’accès à leurs fonds en euros. Le 100 % fonds en euros n’est pas la solution. Des restrictions se sont donc imposées avec un pourcentage maximum de fonds en euros dans un contrat détenu par un client. Nous leur imposons de prendre plus de risques dans l’objectif d’un rendement supérieur sur le long terme. »

La diversification : une nouvelle norme ?

L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) s’est également exprimée sur la répartition entre les fonds en euros et les unités de compte dans les contrats des Français. Et la diversification semble être la nouvelle norme, ou tout du moins l’orientation à privilégier lorsque l’horizon de temps de l’investisseur le permet. Patrick Montagner, secrétaire général adjoint de l’ACPR estime en effet que « le tout en unités de compte n’est pas une solution. Le tout fonds euros non plus. Nous nous attendons à ce que les assureurs offrent une gamme de produits plus large et non binaire avec des prises de risques encadrées. Nous appelons les assureurs à faire preuve d’un peu plus d’inventivité ».

Une voie sur laquelle de nombreux acteurs de la gestion de patrimoine se sont engagés depuis plusieurs années. Bernard Le Bras rappelle d’ailleurs les vertus d’une bonne diversification de son épargne : « Des unités de compte comme les produits structurés tiennent leur promesse. En prenant tout cela en compte, le client qui investit de manière  équilibrée et diversifiée ne se heurtera pas à une perte majeure. »

"L’assurance-vie va devoir se réinventer d’une manière ou d’une autre"

Vers une démocratisation de certains placements

Ces prochaines années, l’assurance-vie devra se réinventer d’une manière ou d’une autre. Une grande partie des assureurs et concepteurs de produits financiers œuvrent en ce sens, avec l’idée de permettre aux épargnants de diversifier leurs placements. Les contrats proposent le plus souvent un accès à une large gamme de supports, notamment investis sur les marchés cotés (fonds actions, fonds obligataires, fonds diversifiés, produits structurés, gestion pilotée…).

Des fonds en euros « boostés », à dominante immobilière par exemple, ont émergé ces dernières années. Des placements dont le capital est toujours garanti mais où la rémunération est sujette à fluctuation, avec un espoir de gains bien évidemment plus important.

L’immobilier justement, a largement conquis les assurances-vie. Les SCPI, OPCI ou SCI représentent même une part significative des investissements aujourd’hui réalisés en unités de compte. Les assureurs tendent aussi à rendre accessible au plus grand nombre des placements jusqu’à peu de temps réservés uniquement aux grands investisseurs. C’est notamment le cas du capital-investissement qui fait une entrée remarquée dans les contrats d’assurance-vie. JeanPhilippe Taslé d’Héliand se félicite d’ailleurs de sa démocratisation : « Le private equity offre une espérance de rendement plus élevé mais avec une moindre liquidité. Mais grâce à la forte diversification patrimoniale qu’il offre, je ne doute pas qu’il continuera à prendre une part de plus en plus importante dans le patrimoine des Français. »

Enfin, ces derniers cherchent également à donner du sens à leur épargne en investissant dans des entreprises responsables, dont les valeurs sont adaptées à leurs convictions personnelles. Une tendance qui n’a pas échappé à Bernard Le Bras : « Les clients feront de l’assurance-vie le vecteur pour donner du sens à leur épargne. Cela pourra passer par des fonds Investissement socialement responsable (ISR), des fonds euro-croissance ou des unités de compte. L’avenir de l’assurancevie repose sur la conciliation entre le rendement régulier donné au client, si possible supérieur à l’inflation, et une contribution positive au développement de l’économie. » Le rendez-vous est pris !

Chloé Buewaert 

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