Le risque de pandémie, par nature systémique, fait généralement partie de la liste des exclusions de garanties des contrats d’assurance. Plusieurs assureurs ont néanmoins décidé d’indemniser certains de leurs clients au titre de la perte d’exploitation sans dommage.

Le 14 avril 2020, au lendemain de l’allocution présidentiel d’Emmanuel Macron, le ministre des comptes publics Gérald Darmanin, a appelé les assurances à participer à la reconstruction du pays "même si ce n’était pas prévu dans les contrats". "Dans toute crise, il faut trouver un bouc-émissaire. Et c’est un peu facile pour l’État de se tourner vers les assureurs puisqu’ils font partie d’une profession très réglementée" estime Olivier Moustacakis, cofondateur d’Assurland.com. Le milieu de l’assurance a certes déjà contribué de manière collective aux appels des politiques en versant la somme de 400 millions d’euros au fonds de solidarité visant à soutenir les petites entreprises et les indépendants, mais certaines compagnies d’assurance ont accepté d’aller plus loin.

La FFA a déjà consenti à une contribution de 400M€ au fonds de solidarité visant à soutenir les petites entreprises et les indépendants touchés  par l’épidémie

Le Crédit agricole et le Crédit Mutuel-CIC ont notamment décidé, par "devoir moral", d’indemniser les pertes d’exploitation de leurs clients dues à la pandémie de coronavirus à hauteur de 200 millions d’euros chacun, quand bien même ils n’auraient pas souscrit un contrat d’assurance spécifique. "Nous avons une responsabilité morale. Sortons des débats théologiques. Nous agissons et surtout nous agissons vite" a déclaré Nicolas Théry, le président du Crédit Mutuel, le 22 avril 2020 sur France Inter. De son côté, Covea versera 190 millions d’euros à ses assurés ayant souscrit une assurance perte d’exploitation admissible en cas de pandémie. "Un joli coup de communication" juge Olivier Moustacakis. Certains assureurs bénéficient de l’impact positif du confinement avec leur branche « assurance auto", les véhicules restant en effet au garage, et peuvent donc se permettre plus facilement de faire un geste envers leurs adhérents. En revanche, "il n’en est pas de même pour les assureurs multirisques, couvrant par exemple les frais de santé ou encore les indemnités journalières, qui ne pourront pas faire les mêmes gestes", précise-t-il.

L’ACPR rappelle à l’ordre

Si les annonces d’indemnisations forfaitaires de la part de certains assureurs mutualistes ont été très bien accueillies par les commerçants et autres professionnels ayant dû cesser leur activité, elles n’ont pas manqué d’aviver une polémique au sein des instances représentatives de la profession qui y voient un précédent dangereux, en contrariété avec les principes posés par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). "Il est très rare que l’ACPR rappelle son rôle de surveillance des fonds propres des assureurs et souligne le fait que les pertes d’exploitation liées à une pandémie ne peuvent être couvertes en dehors d’un cadre spécifique garanti par l’État" constate l’associé d’un grand cabinet d’avocats du secteur de l’assurance. Dans un communiqué en date du 21 avril 2020, l’Autorité invite en effet le secteur de l’assurance à une "gestion prudente des fonds propres devant l’ampleur des engagements auxquels [les assureurs] doivent faire face dans un contexte encore incertain et évolutif".

« Il est très rare que l’ACPR rappelle son rôle de surveillance des fonds propres des assureurs »

L’autorité rappelle également aux compagnies d’assurance qu’elles ne peuvent pas utiliser les moyens financiers dont elles disposent pour "tenir l’ensemble des engagements qu’ils ont pris vis-à-vis de leurs assurés" pour "couvrir des événements qui sont explicitement exclus de leurs contrats". L’ACPR sous-entend ici que les assureurs doivent être très prudents lorsqu’ils acceptent d’indemniser leurs assurés pour des pertes d’exploitation sans dommage lié à l’épidémie de Covid-19 qui n’est, comme nous l’avons vu précédent, pas assurable. "L’ACPR demande explicitement aux assureurs d’être extrêmement stricts sur le jeu de leur police" complète l’associé.

Margaux Savarit-Cornali

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