Porté par le ministère de la Transition écologique et solidaire, le label Greenfin, lancé en Juin 2019 a pour objectif de garantir la qualité verte des fonds d'investissement. Pascale Baussant, gérante et fondatrice de Baussant conseil, fait le point sur ce label naissant.

Décideurs. Quel regard portez-vous sur la création du label Greenfin ?

Pascale Baussant. Les créations de labels ne peuvent être que positives, encourageant non seulement les épargnants mais aussi les conseillers à s’intéresser à cette catégorie d’investissement. Le changement de nom du label TEEC en label Greenfin lui donne une meilleure une visibilité. À l’instar du label bio qui a profondément changé les habitudes des consommateurs, le label ISR ou Greenfin orientent les épargnants vers des investissements soutenant la transformation énergétique. Bien sûr, le label Greenfin est perfectible, En juin 2019, lors de son lancement, 31 fonds étaient labellisés Greenfin. Aujourd’hui ils sont déjà 42, prenant en compte des fonds actions, obligations, de private equity et thématiques. 

Lancer un label Greenfin alors qu’il existe déjà un label ISR ne pose-t-il pas des problèmes de lisibilité ?

Le label Greenfin est totalement centré sur l’environnement et sur l’écologie. Son champ d’action est donc plus restrictif que le label ISR. Ces deux labels – complémentaires – n’ont pas les mêmes objectifs. Mettre en lumière le sujet environnemental ajoute de la visibilité. Le label ISR n’est malheureusement pas connu du grand public malgré les efforts des pouvoirs publics et de nombreux professionnels. Il faut en effet être honnête, rares sont les épargnants à connaître l’investissement ISR. Cet acronyme pourrait être amené à changer pour gagner en visibilité. Ce sujet est d’autant plus important que les clients sont de plus en plus sensibles à ces thématiques.

Est-ce un sujet que vous évoquez spontanément avec vos clients ? Comment réagissent-ils ?

Tout d’abord nous précisons à nos clients qu’investir dans les fonds ISR n’est pas une démarche philanthropique. Nos propos visent à leur expliquer le contenu de ce placement et les thématiques qu’il couvre. À cet égard, le sujet environnemental est celui qui les intéresse le plus. Afin de répondre à leurs attentes, nous proposons des allocations sur l’ISR avec un focus sur les fonds environnement. 

" Le label ISR n’est malheureusement pas connu du grand public "

Aujourd’hui, dans une allocation d’actifs types de vos clients, combien représentent les fonds ISR en pourcentage ? 

Nous souhaitons atteindre 50 % des allocations en fonds ISR sur le court terme. Nous proposons des fonds ISR depuis plusieurs années, mais nous avons été heurtés, dans un premier temps, à un problème de référencement sur les plateformes d’assurance. Depuis un an, la place des fonds ISR dans les portefeuilles de nos clients s’accélère nettement. 

Comment évaluez-vous les demandes des sociétés de gestion dans ce domaine ? 

Le label Greenfin ayant été lancé récemment, peu de fonds sont aujourd’hui labellisés. Les sociétés de gestion sont d’ailleurs assez peu nombreuses à s’y intéresser. Cela dit, les asset managers sont très intéressés par la thématique de l’environnement et du climat. Preuve en est, l’offre ISR se développe rapidement. 

Pour vous, l’ISR est-il un passage obligé vers le label Greenfin ? 

Tout à fait. Il semble compliqué d’accéder à un label Greenfin sans passer par la voie de l’investissement socialement responsable. 

N’avez-vous pas peur que le label Greenfin soit simplement considéré comme un outil marketing par les sociétés de gestion ? 

Nombre de sociétés surfent effectivement sur cette vague. Il est donc important de sélectionner les sociétés de gestion ayant de fortes convictions sur le sujet. Rencontrer directement les gérants constitue le moyen le plus efficace pour y parvenir. J’attache également beaucoup d’importance à la cohérence entre la stratégie RSE mise en œuvre par la société de gestion et leur offre. Les sociétés réellement engagées et sincères dans leurs démarches vont s’inscrire dans une logique identique à celles des entreprises qu’elles sélectionnent.  

" La première personne à convaincre n’est pas l’épargnant mais l’intermédiaire financier "

Pensez-vous que l’Europe doit créer son propre label ? 

C’est une excellente idée sur le papier, mais qui me paraît difficile à mettre en œuvre. Les réglementations de chaque pays sont tellement différentes. Par ailleurs, les investisseurs se verraient imposés des réglementations supplémentaires. Or, très peu de sociétés de gestion arrivent déjà à répondre à l’intégralité des exigences des labels. 

Le label Greenfin a-t-il un avenir ? 

Jusqu’à présent, la finance s’est assez peu intéressée à l’environnement. Ce label donne une impulsion supplémentaire. Le fait qu’il soit porté par le ministère de l’Écologie donne un signal fort. Les fonds labellisés Greenfin seront donc, à mon sens, amenés à se développer rapidement. 

Les conseillers en gestion de patrimoine (CGP) se sentent-ils investis sur ces sujets ?

Hélas, ils ne se sont pas encore emparés du sujet. Aujourd’hui, la première personne à convaincre n’est pas l’épargnant mais l’intermédiaire financier. Certaines initiatives devraient aider les fonds ISR et Greenfin à se développer. Je pense notamment à l’école de l’ISR lancée par La Financière de l’Echiquier. Des formations gratuites animées par des gérants et analystes ISR sont ainsi proposées aux CGP. Il devrait y avoir plus d’initiatives dans ce sens-là. Un atelier sur le label Greenfin serait, par exemple, très utile. La difficulté est de fédérer autour du sujet qu’il faudrait peut-être mixer avec d’autres thèmes.

Propos recueillis par Chloé Buewaert

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