Sans langue de bois, Emmanuelle Cales, Directrice des investissements et de l’immobilier du Groupe Klesia, évoque l’environnement réglementaire autour de l’investissement socialement responsable, sa stratégie et le rôle des sociétés de gestion.

Décideurs. Quelle est l’approche du groupe Klesia en matière d’investissement socialement responsable ?

Emmanuelle Cales. Nous avons une approche très pragmatique. Nous ne faisons pas partie des investisseurs qui se sont positionnés très tôt sur des fonds estampillés ISR. En revanche, de longue date, nos portefeuilles sont surexposés, aux valeurs financières et moins à l’industrie en général. Le groupe Klesia veille également à ne pas prendre de risques de change, en étant uniquement investis en euros. 50 % de nos actifs sont placés en France, où le tissu industriel est moins important qu’en Allemagne par exemple. Nos portefeuilles se trouvent, de fait, naturellement assez peu carbonés. En tant qu’investisseur de long terme sur des titres en directs nous ne pratiquons pas, par ailleurs, de spéculation particulière.  Depuis 2015, Klesia a complété son approche pragmatique par une approche plus théorique. La charte du groupe accorde une place importante à l’investissement socialement responsable. Nous avons également fait noter notre portefeuille puis mis en place pour 2020 une politique de droit de vote au niveau du groupe. Un sujet sur lequel nous avons de fortes convictions.

Quels sont vos axes de développement sur le sujet ?

D’une part, soutenir la pérennité de l’emploi et l’investissement dans les infrastructures et, d’autre part, continuer à limiter/réduire l’empreinte carbone de notre portefeuille. La notation carbone de notre portefeuille retraite (la moitié de nos encours) révèle un niveau de carbone relativement faible. Nous avons la volonté de maintenir cette position et de peser dans les votes des sociétés dans ce sens

Vous travaillez avec une agence spécialisée en matière d’analyse extra-financière. Quel est leur apport ?

Vigeo Eiris est chargé de la notation de l’ensemble de notre portefeuille depuis 2015. Sur cette base, notre société de gestion d’actifs interne au groupe Klesia, Klesia Finance, s’interdit d’investir sur des actifs qui réduiraient la note de notre portefeuille à niveau inférieur à 60/100 avec l’objectif de faire mieux. C’est un outil qui nous aide donc à piloter nos investissements.  Cette notation couvre entre 90 % et 95 % de nos portefeuilles investis en actions et en obligations. Nous avons par ailleurs le projet d’apporter une notation carbone à notre portefeuille Assurance de Personnes

"Une catégorisation des fonds ISR constituerait une belle avancée "

Il y a autant d’approche ISR que de sociétés de gestion, quel regard portez-vous sur leurs pratiques ? Comment ont-elles évolué ? Sur quels critères évaluez-vous la qualité de la démarche ISR d’un fonds ?

À ce jour nous ne sommes investis que dans un seul fonds estampillé ISR. L’offre est cependant très large. Il faut, à mon sens, privilégier les sociétés de gestion qui adressent ce sujet depuis plusieurs années et qui ont – de ce fait - déjà un premier recul sur les pratiques dans ce domaine. Nous préférons également les sociétés de gestion qui ont choisi de se concentrer sur une ou deux thématiques. L’investissement socialement responsable est en effet un thème très vaste. Il nous semble important de ne pas s’éparpiller.

Qu’en est-il des fonds à impact ?

Les fonds à impact sont récents et se développent dans le cadre de la généralisation de la thématique ISR. Si l’objectif est louable je reste prudente sur les ambitions et la capacité des fonds spécialisés dans ce domaine à les atteindre. Et notamment à mesurer les impacts en question.

L’harmonisation des pratiques est-elle souhaitable ?

C’est une idée intéressante sur le papier. Une catégorisation des fonds ISR, visant notamment à harmoniser les styles de gestion par type d’objectif (réduction du carbone, pérennité de l’usage des ressources ou de l’emploi, recherche de la diversité, etc), constituerait une belle avancée. Concernant l’idée d’ajouter des réglementations supplémentaires ou des interdictions, permettez-moi d’être partagée. Trop de réglementation peut conduire à en annihiler les bénéfices. Il convient me semble-t-il de laisser la place au bon sens. Je préconise plutôt à ce titre des mesures incitatives permettant d’encourager notamment la transition des secteurs économiques concernés, sujet majeur s’il en est dans ce domaine

Certains évoquent la création d’un label européen. Serait-ce une bonne nouvelle ?

Sur le principe, je ne suis personnellement pas contre. Une telle initiative aurait le mérite de faire avancer la réflexion d’une vision européenne sur le sujet. Je me pose davantage de questions sur la manière de faire aboutir ce projet. Comment réussir à prendre en compte les questions d’ordre social, environnemental ou de gouvernance sur ce type de sujet au niveau européen.

Propos recueillis par Aurélien Florin (@FlorinAurélien)

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