La dépendance peut être définie comme l’état d’une personne malade mentalement, psychiquement ou par déficience de quelque nature que ce soit, qui a besoin de l’assistance d’une tierce personne pour réaliser les actes essentiels de sa vie. Comment se prémunir efficacement contre ce risque ? Olaf Dechin, notaire associé chez Lexfair Notaires, nous répond.

Décideurs. À quel moment doit-on se prémunir contre le risque de dépendance ?

Olaf Dechin. La problématique est de prendre toutes les mesures nécessaires pour se prémunir contre ce risque, avant que la dépendance ne survienne. Seule une personne majeure en a la possibilité. Ces enjeux sont cependant encore assez méconnus des particuliers. A contrario, les professionnels en ont bien conscience. Une personne n’est jamais trop jeune pour rédiger des mesures préventives, même lorsqu’elle est en bonne santé. Cette démarche est d’autant plus facile à réaliser que les mesures prévues pourront être changés à tout moment. La personne ayant ainsi la possibilité d’adapter la gestion de ce risque à son état personnel ou professionnel. Autre point positif, le formalisme y est peu contraignant.

Comment anticiper sa propre vulnérabilité ? Cette question doit-elle être abordée différemment par un particulier et un entrepreneur ?

Si le particulier doit prendre en compte sa seule considération personnelle, l’entrepreneur est également tenu de l’adapter à celle de son entreprise. Les dirigeants de sociétés vont donc devoir anticiper différemment leur vulnérabilité. Ceux-ci auront en effet tout intérêt à prévoir des dispositions dès leur prise de fonction. Notre conseil est cependant identique pour les particuliers et les entrepreneurs : il faut anticiper au maximum ces questions, avant qu’il ne soit trop tard, et ce même si on n’en ressent pas le besoin.

Quelles sont les bonnes pratiques à mettre en œuvre par les dirigeants pour assurer la protection et la pérennité de l’entreprise face à leur risque de dépendance ?

La première des choses à faire est de rédiger et aménager les statuts de l’entreprise dès la constitution de la société. L’idéal étant de prévoir la cessation des fonctions en cas de vulnérabilité, en indiquant le terme extinctif de la fonction lorsque survient un cas de dépendance. Des cas qui doivent être conditionnés à la réalisation d’éléments formels et inattaquables tels que la mise sous tutelle, curatelle ou l’ouverture d’un mandat de protection future. Cela doit être prévu dans les statuts de la société.

"Il faut anticiper au maximum les questions de dépendance"

La clause de révocation d’un dirigeant pour un motif légitime est-elle suffisante ?

Le risque inhérent à ce type de clause est qu’elle soit attaquée, et donc sans effet. La clause de présidence successive où l’on prévoit en amont le nom d’un autre dirigeant lorsque le premier devient une personne vulnérable est aussi possible. D’autres solutions sont envisageables. Des assurances telles que l’assurance homme clé peuvent permettre à une société de disposer d’un matelas financier en cas de disparition ou de dépendance d’un dirigeant. Au sein d’une société civile, d’une SARL ou encore d’une SNC, on peut aussi prévoir des cogérants. Ainsi plusieurs personnes seront à même de représenter la société. Un bémol cependant, cette disposition peut générer des conflits entre les cogérants. Dans le cadre d’une société familiale, il est également possible de marier un mandat de protection future et un aménagement des statuts.

Le mandat de protection future a été introduit par le législateur en 2007. Quelle place tient-il dans l’arsenal d’outils à disposition des personnes physiques ?

Cet outil prend sa place à côté des différents régimes de protection judiciaire et de l’habilitation familiale créée par ordonnance en 2015. Le mandat de protection future permet de désigner par anticipation celui qui assisterait ou remplacerait une personne si celle-ci venait à être placée en curatelle ou tutelle. Cette décision s’impose aux juges. Ces dernières années, le nombre de tutelles et de curatelles a tendance à diminuer au profit de l’habilitation familiale. Dans ce cadre, la personne à qui le pouvoir est accordé n’est pas véritablement contrôlée. Un inconvénient que l’on ne retrouve pas dans le mandat de protection future. Les directives sont précisément définies pour gérer le patrimoine et organiser un véritable contrôle. La personne dispose d’une grande liberté contractuelle et beaucoup de souplesse dans la rédaction du mandat. Il peut également y placer des garde-fous. Hélas, le mandat de protection future est encore assez peu utilisé. En 2009 et 2016, ce sont 4 770 mandats qui ont été mis en place. Son évolution sera longue mais durable. Les family offices y sont très attachés.

Le mandat à effet posthume peut également permettre au dirigeant de désigner une personne chargée de s’assurer de la continuité de son entreprise. Dans quel cadre le conseillez-vous ?

Le mandat à effet posthume peut notamment être conseillé lorsque le successeur est encore trop jeune pour reprendre le flambeau, lorsque le patrimoine est trop important, que l’entreprise œuvre dans un secteur atypique ou que l’actif demande une gestion particulière. Ce mandat est aussi adapté en cas de désaccords entre les futurs bénéficiaires de la succession.

Propos recueillis par Aurélien Florin

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