Efficace grâce à son implantation en régions, le cabinet d’audit et d’expertise comptable Cogep impose discrètement sa signature dans une profession pourtant très encadrée. Laurent Chapart, son PDG, nous livre la stratégie de l’entreprise à un moment où elle fait de nouvelles acquisitions en France.

Décideurs. On résume trop souvent le marché de l'expertise comptable aux Big Four. Comment vous situez-vous dans l'écosystème français ?

Laurent Chapart. Nous ne boxons pas dans la même catégorie que les Big Four et les Big Seven qui se positionnent sur le marché de la très grosse entreprise. Ce n’est pas notre ADN. Cogep travaille essentiellement avec les PME, les l’ETI et les TPE en régions. Quand on regarde le tissu économique français, environ 25% de la valeur ajoutée française est faite par les PME, 25% par les ETI et 25% par les TPE. On l’oublie trop souvent.

Cogep est toujours classé dans les Big Ten. Comment vous différenciez-vous de vos concurrents ?

Nous sommes historiques sur le créneau de la multiprofessionnalité avec 50 ans de track record d’expertise. Nous avons créé une structure dédiée à la gestion de patrimoine à un moment où c’était une innovation dans la profession. Dans notre giron, nous avons une filiale intégrée, Croissance Partenaires : une banque d’affaires sur le middle market, notamment pour les fusions-acquisitions, le crédit structuré... Elle intervient aussi pour les clients Cogep. C’est un signe distinctif par rapport à nos concurrents directs qui ne proposent pas ce type de prestation. Nous nous démarquons ainsi par l’étendue de nos services complémentaires. Quand les clients frappent à notre porte, nous sommes en mesure de répondre à la quasi-intégralité de leurs besoins.

La réforme européenne de l'audit a accouché d'une rotation obligatoire des cabinets sur les mandats EIP (entreprises d'intérêt public). Est-ce que cela a créé une opportunité d’affaires pour Cogep ?

Pour l’instant, non, et j’ai la conviction que cela n’en créera pas. Les Big Four sont très qualifiés sur ce type de problématique. La réglementation sur les mandats EIP, ainsi que la loi PACTE, ont un effet de concentration du marché de l’audit. On aurait pu penser que cette obligation de rotation allait ouvrir des voies. Mais nous n’avons pas gagné de dossiers grâce à la réforme et nos concurrents non plus.

Quel bilan tirez-vous de ces douze derniers mois pour la Cogep ?

Notre activité est à un rythme de croisière satisfaisant. Nous sommes sur un marché très mature où l’on transforme des missions par d’autres missions. Pour les acteurs de l’audit, la croissance endogène est de l’ordre de 2% à 3%, quand les indicateurs sont au beau fixe. De l’ordre de 1%, quand le temps vire au gris. La Cogep est donc très contente de sa croissance de 3%. L’audit est un marché très concurrentiel, travaillé par la négociation d’honoraires. Ce qui explique que, dans notre profession, on propose de plus en plus de nouveaux services additionnels pour contrebalancer ceux en cœur de métier qui s’étiolent vite.
Les besoins des entreprises se transforment sans disparaître. Les structures devront toujours faire un bilan ou une liasse fiscale. Mais ces opérations génèrent aujourd’hui un certain nombre d’interventions facturées par les cabinets comptables. L’audit n’est pas un secteur à part : la disruption liée aux solutions innovantes, à l’intelligence artificielle va rebattre les cartes dans les deux, trois ans à venir. Prenons un exemple. Quand on fait un bilan d’entreprise, on enregistre des écritures, des achats, des ventes, des opérations de trésorerie, etc. Ce qui permet d’établir l’état comptable et de le mettre en perspective. On fait le bilan a posteriori. Avec les produits, les logiciels qui arrivent sur le marché français, on fait le bilan à chaque écriture en temps réel et de manière automatisée. Ce qui signifie, qu’in fine, il n’y a plus rien à faire pour les auditeurs.

Autre réforme de l’audit : celle du commissariat aux comptes prévue pour 2021. Qu'en attend la profession selon vous ?

Le marché du commissariat aux comptes est très concentré, et ce mouvement va se poursuivre. Il existe encore quelques beaux mandats en province, des portefeuilles de petite taille avec des entreprises à la croissance dynamique. Mais nous allons les perdre à moyen terme. Cogep peut néanmoins espérer récupérer ce type de dossier, du fait de sa belle implantation locale.

Vous avez récemment acheté trois cabinets en région Lorraine (La Fiduciaire de Lorraine), Rhône-Alpes (Easy Compta), et Vendée (Ceccalis). Quelle est votre ambition ? 

Nous affichons ouvertement une ambition nationale. Au mois de septembre, nous aurons encore de nouvelles implantations. Nous souhaitons irriguer l’Hexagone, le maillage national est très important pour nous car il nous permet de délivrer une prestation de qualité. Nous voulons être géographiquement au plus près des entreprises. Les collaborateurs en gestion de patrimoine chez Cogep travaillent en proximité avec une meilleure connaissance du tissu économique et un réseau de partenaires maîtrisé. Ils sont aussi plus disponibles pour les clients audités.

Il s'agit de régions frontalières au nord, au sud et sur le littoral. Est-ce une première étape avant un déploiement en Allemagne, au Benelux et en Espagne ?

C’est un souhait à un horizon proche. Nous voulons couvrir tout le territoire national. Quand on est à Lille, il est nécessaire d’avoir des connexions avec la Belgique, ne serait-ce que par cohérence. La Fiduciaire de Lorraine, que nous avons intégrée, a un marché en lien très étroit avec l’Allemagne. Les collaborateurs sont bilingues et travaillent des deux côtés de la frontière.
Nous sommes bien implantés dans le milieu agricole, un marché de niche que nous avons développé depuis longtemps. 10% de notre activité globale est liée à ce secteur et engage 150 collaborateurs Cogep à temps plein avec des juristes en droit agricole, des ingénieurs agronomes. Nous avons aussi un département dédié à l’international qui traite beaucoup de questions fiscales émanant de cabinets étrangers. Nos clients sont déployés à l’international : nous nous confrontons donc régulièrement à toutes les problématiques avec une envergure monde et Europe. Récemment, nous avons marqué notre différence avec une démarche fiscale spécifique pour les expatriés au Canada et au Québec, main dans la main avec les consulats locaux.

Propos recueillis par Nicolas Bauche

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