David Charlet, le président de l’Anacofi dresse un bilan des 18 derniers mois, particulièrement intense sur le plan réglementaire. Il se projette également sur les années à venir, qu’il espère fructueuses pour le métier de conseiller en gestion de patrimoine.

Décideurs. Quel bilan faites-vous de l'année de l'Anacofi ?

David Charlet. Ce fut une bonne année. La croissance de notre association a été supérieure à celle du marché concernant les conseillers en investissement financier (CIF). Nous représentons près de 50 % de la profession. Nous avons, par ailleurs, fini le déploiement de notre plan digital. De nouveaux outils ont été mis à disposition de nos adhérents. Sur le plan politique, nous n'avons jamais été aussi présents. 2018 a été une année terrible sur le plan réglementaire et nous avons accompagné nos membres au maximum et porté leurs voix. Notre fédération a notamment été choisie pour discuter avec les parlementaires, et invitée à la tribune de l'Assemblée nationale mais aussi à l’Élysée pour échanger avec le conseiller économique du Président. Enfin, nous avons lancé pour la première fois une campagne de communication tous médias, TV et radios.

Quels sont vos principaux objectifs pour l'année ?

Nous serons dans le prolongement des douze derniers mois. Il faut continuer à accompagner et représenter. Pour ce qui est de notre action média, nous reconduisons l’existant et ajoutons une émission créée avec un grand quotidien économique. Nous allons également enrichir encore nos contenus d'aides réglementaires et d'informations et renforcer sensiblement l’équipe.

"Le ministère nous a confirmé que la réforme du courtage serait appliquée"

La réforme qui prévoyait la création d'associations représentatives du courtage, et pour laquelle vous avez beaucoup travaillé, a été censurée par le Conseil constitutionnel. Quelle a été votre réaction ?

Nos équipes ont travaillé plusieurs mois sur ce projet et nous étions quasiment prêts. Nous avons cependant fait le choix de ne pas nous arrêter. Tous les moyens que nous avions prévu de déployer le seront. Nous sommes bien sûr favorables à cette réforme mais nous ne se souhaitions pas qu'elle se réalise dans la précipitation. Le texte n'est pas annulé. Sur le fond, il ne pose pas de problème. Le ministère nous a d'ailleurs confirmé que cette réforme serait appliquée.

Vous aviez très tôt souligné que, malgré l’avènement du digital, la relation humaine resterait au cœur du métier de conseiller en gestion de patrimoine. Pour autant, de plus en plus d'acteurs réalisent une segmentation de leur clientèle avec, d'un côté, des clients « mass market » pour lesquels on met à disposition des outils digitaux et, de l'autre, une clientèle haut de gamme ayant accès à un conseil personnalisé. C’est également votre sentiment ?

Le métier a commencé à se digitaliser très tôt, il y a plus de quinze ans. Des cabinets de très grande taille avaient déjà cette logique de vouloir créer ce que l'on pourrait appeler « une pyramide de clientèle ». Depuis quelque temps, ce phénomène s’étend également à des acteurs de taille moyennes. Ces cabinets ont désormais les moyens de créer ou acheter des outils performants et de les développer rapidement. Nous voyons aussi des CGP racheter des fournisseurs. Tout cela s'inscrit dans une logique de gestion d'entreprise où les questions de rationalisation des coûts et de rentabilité demeurent importantes et amènent à une logique de segmentation. En parallèle, certains des plus petits cabinets ont digitalisé une partie de leurs services et en ont profité pour réduire leurs effectifs. Ces marges libérées étant utilisées pour se payer des services externes. À l'opposé, les acteurs les plus importants se concentrent, font grandir leurs effectifs en y intégrant de nouvelles compétences. Mais tout ça se fait pour améliorer le service de conseil et pouvoir mettre de l’humain en face de l’humain quand c’est nécessaire ou simplement souhaité par le client.

"La concentration du marché des plateformes de produits et services à destination des CGP est en train de créer un appel d'air"

Les nouvelles règles de transparence de rémunération seront-elles favorables aux CGP face aux banques privées ?

Cela reste à voir. En tout état de cause, cette décision ne peut leur être défavorable. Mais les banques sauront, à mon avis, s'adapter. La transparence va engendrer une baisse des frais pour les clients finaux et, par ricochet, une réduction de la masse à partager entre les professionnels de la gestion de patrimoine. Sur cette question, les CGP sont bien placés. En plus d’être rémunérés au titre de leur conseil, les CGP apportent un flux de capitaux aux producteurs de solutions financières qui, en l'absence de réseau de distribution propre, se trouvent donc pour certains dans une situation de dépendance vis-à-vis des CGP

À l'image de Nortia qui a acheté l'Aprep Diffusion ou encore de Finaveo qui a mis la main sur CD Partenaires, le marché des plateformes de produits et services à destination des CGP se concentre. Est-une bonne ou une mauvaise chose ?

Cette concentration est en train de créer un appel d'air. Certaines marques qui ne sont pas dans ce marché réfléchissent à y entrer. Attendons la fin de la recomposition de notre marché pour juger.

La loi Pacte a instauré le principe de transférabilité partielle de l'assurance-vie au sein d'une même compagnie d'assurance. Cette disposition aura-t-elle une application concrète ?

Les assureurs n'auront pas d'autres choix que de l’appliquer, surtout que leurs arguments concernant les risques liés à une transférabilité totale ont été entendus.

La loi Pacte apporte également davantage de souplesse à l'épargne retraite en permettant notamment aux souscripteurs du contrat de choisir entre une sortie en rente et en capitale. Les objectifs du gouvernement en termes de collecte ne sont-ils pas trop élevés ? Quel rôle auront à jouer les CGP sur son développement ?

Le gouvernement a été très clair sur le sujet : il compte sur les CGP pour apporter un conseil aux épargnants, jusque et y compris lors de la phase de désépargne. Cette réforme va dans le bon sens et peut avoir un effet positif pour l'épargne retraite. Concernant les objectifs d'encours communiqués par le gouvernement, c'est une tout autre question. A mon avis l’objectif sera atteint pour le financement des entreprises car la barre n’a pas été placée très haut mais compliqué à court terme pour l’épargne retraite qui nécessitera du temps pour s’imposer.

Propos recueillis par Aurélien Florin

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