Fêtant ses 30 ans cette année, le groupe Cyrus Conseil et ses 3,8 milliards d’euros d’actifs affiche sa confiance dans l’avenir du métier de conseiller en gestion de patrimoine. Meyer Azogui, Président du groupe, explique qu’il « est opportun maintenant d’accélérer » et fixe trois axes de croissance : la croissance organique, la croissance externe et la diversification vers de nouvelles branches d’activités.

Décideurs. Vous avez racheté le cabinet lyonnais de conseil en gestion de patrimoine Capitis. Pourquoi ce choix ?

Meyer Azogui. Nous avions d’abord un intuitu personae très fort avec le dirigeant du cabinet, que nous connaissons depuis très longtemps. Ensuite la taille de Capitis, la réputation de Jean-Michel Coy et notre vision commune de l’évolution de notre métier ont rendu le rapprochement évident.

Le marché devrait entrer dans une phase de consolidation plus active, et plutôt avec des structures de tailles importantes qui sont face à deux options : faire elles-mêmes de la croissance externe ou s’adosser à des confrères de taille plus importantes. Paradoxalement, les plus petites structures, avec peu ou pas de salariés, sont moins en risque financier mais, avec l’augmentation des coûts liée à la réglementation, elles risquent de gagner moins d’argent.

Comment évolue votre industrie ?

Il me semble qu’elle devient très capitalistique et nécessite des moyens financiers et humains de plus en plus importants. C’est un des effets pervers du mille-feuille réglementaire qui, partant de la bonne intention de protéger l’investisseur, pénalise les plus petits d’entre eux. Ils vont trouver de moins en moins de CGP pour s’occuper de leur patrimoine, faute de marge suffisante, pour des risques équivalents à ceux des clients plus fortunés.  Parallèlement, notre clientèle va logiquement rajeunir, notamment chez les entrepreneurs : il nous faut donc adopter les usages de cette nouvelle génération de clients pour satisfaire à leurs exigences, tout en continuant à accompagner les générations précédentes.

Ainsi, les évolutions réglementaires et la nécessité d’investir dans des systèmes d’informations plus performants devraient contribuer à favoriser le regroupement des cabinets.

Pourquoi avoir fait l’acquisition du courtier en ligne moncapital.fr ?

Cet investissement a beaucoup d’intérêts, même si nous mettons plus de temps qu’on ne le souhaiterait à développer cette activité. Il s’agit d’abord d’un Lab pour comprendre la relation client 100 % digitalisée. Nous souhaitons ensuite nous orienter progressivement vers une stratégie omnicanale pour toucher nos différents clients selon leurs besoins et envies. Notre volonté n’est pas de segmenter notre clientèle avec ceux qui ont accès d’un côté à l’offre digital et de l’autre à l’accompagnement « physique », mais plutôt d’offrir différents niveaux de services. Il est également plus difficile de digitaliser le parcours client lorsqu’on a trente ans d’historique. En intégrant le savoir-faire de moncapital.fr, nous apprenons afin d’implémenter, à l’avenir, plus d’outils dans nos systèmes. Quoi qu’il en soit, nos métiers vont continuer à cultiver le contact direct et la relation humaine, notamment pour les problématiques les plus complexes, le digital permettant d’offrir des solutions au cas les plus courants, à l’instar du secteur médical où les cas les plus simples sont de plus en plus traités en ligne.

"S’orienter progressivement vers une stratégie omnicanale" 

Quelles sont vos ambitions en France et à l’international ?

En France, nous allons continuer à renforcer nos équipes en régions et à couvrir l’ensemble du territoire où nous avons déjà 12 implantations : c’est ainsi que nous ouvrons un bureau à Nice où nous n’étions pas installés.

Pour l’étranger, notre volonté est d’accompagner les français expatriés qui vont être de plus en plus nombreux dans les prochaines années. Pour l’instant nous ne sommes présents qu’à Tel Aviv mais nous souhaiterions disposer, via des rapprochements, de structures d’accompagnement dans les pays francophones.

Pensez-vous que le marché des CGP ait de l’avenir ?

Malgré certaines difficultés, je suis fondamentalement optimiste sur notre avenir. Le besoin client est de plus en plus prégnant et les épargnants ont à faire face à un environnement financier inédit et des évolutions sociétales majeures tels que l’internationalisation des familles, le vieillissement de la population ou le recul de l’État providence, avec notamment la future réforme des retraites. Ces mutations vont entraîner des changements qui nécessiteront plus de présence et de conseils à forte valeur ajouté alors même que les banques privées augmentent leurs seuils d’accessibilité. Nous y voyons là un effet d’aubaine pour les CGP structurés disposant d’une marque reconnue sur le marché.

Vous avez affiché votre volonté de disposer d’un statut de société de gestion immobilière. Où en est ce projet ?

Il avance rapidement, les recrutements ont été réalisés au sein d’Eternam et l’agrément vient d’être obtenu. La raison d’être de notre filiale immobilière est de rendre accessible à des particuliers des investissements réservés traditionnellement à des institutionnels. Ce statut va donc nous permettre de mieux maitriser l’ensemble de la chaîne de valeur pour continuer à proposer des solutions d’investissement différenciantes et sécurisées, notamment pour la gestion de la gamme de FPCI Phoenix (stratégie de value added) qui rencontre une forte demande de la part de nos clients. »

L’architecture ouverte est-elle encore possible ?

Bien sûr, je dirais même qu’elle est indispensable dans le contexte de marché actuel. Si nous disposons d’une société de gestion financière (Invest AM), c’est là encore pour professionnaliser notre démarche et sécuriser nos process de gestion grâce des moyens humains et techniques supplémentaires. D’ailleurs, les performances parlent d’elles même par rapport à une gestion sans délégation. Notre société de gestion nous permet une plus grande réactivité dans un contexte de marchés financiers qui risquent d’être de plus en plus volatile. Pour autant, moins de 10 % de nos actifs sont placés sur les fonds Invest AM. 

Propos recueillis par Aurélien Florin et Théo Maurin-Dior  

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