Le directeur des opérations financières et des investissements de Groupama, Mikaël Cohen nous fait part de sa « relative prudence » sur les marchés actions, en raison notamment de l’influence des banques centrales et des risques pesant sur les relations commerciales entre les Etats-Unis et l’Europe.

Décideurs. L’évolution des marchés actions est aujourd’hui étroitement liée à l’environnement de taux. Cela influence-t-il votre politique d’investissement ?

Mikaël Cohen. L’élément déterminant du rebond du début d’année a été le changement de ton et de comportement des banques centrales aux États-Unis et en Europe. Nous sommes donc très attentifs à leurs messages. Je ne pense cependant pas que les banques centrales soient entrées dans un nouveau cycle d’assouplissement. Elles sont plutôt dans une phase de pause. D’autres éléments sont de nature à influencer les marchés actions. Si les investisseurs ont toujours les yeux braqués sur les négociations commerciales entre la Chine et les États-Unis, ils semblent aujourd’hui avoir déjà acheté le principe d’un accord entre ces deux superpuissances. L’ouverture d’un nouveau front entre les Etats-Unis et l’Europe pourrait toutefois prendre le relais. Le Brexit semble, quant à lui, peu visible outre-Atlantique. Le niveau de la conjoncture chinoise inquiète également les investisseurs mais il semble que les mesures prises par le gouvernement chinois portent leurs fruits. Enfin, il n’y a pas eu de mauvaises nouvelles concernant les publications des résultats des entreprises. Tout cet environnement se traduit néanmoins par une relative prudence de notre part sur les marchés actions.

Les valorisations actuelles des marchés actions sont-elles soutenables ?

Les valorisations actuelles ne sont pas anormales. Nous ne sommes pas dans une situation comparable aux années 2000 ou à 2007. Avec un price earning ratio (PER) de 15 en Europe, un niveau proche de la moyenne historique, nous ne pouvons pas dire que les marchés soient surévalués. Ce ratio cours/bénéfices doit aussi s’analyser par rapport aux taux d’intérêt. Or ces derniers n’ont jamais été aussi bas. C’est donc très compliqué aujourd’hui d’être sous-exposé en actions. Alléger son portefeuille serait également coûteux en termes de rendement. Le rendement des dividendes des actions de la zone euro est supérieur à 3 %, alors que conserver des liquidités coûte de l’argent. Aujourd’hui, Groupama a, en moyenne, 5 % à 6 % de ses actifs exposés en actions ce qui est plutôt dans le bas de fourchette des comparables.

« Pour l’investissement obligataire, le maître mot est la diversification »

Quels sont vos choix d’investissement sur les marchés actions ? Quelle diversification apportez-vous à vos portefeuilles, malgré les contraintes réglementaires qui pèsent sur votre activité ?

L’idée est de tendre vers une poche action plus diversifiée géographiquement, quand bien même il y aurait un risque de devise qui serait coûteux en capital. Mais nous estimons, comme de nombreux confrères, que la différence de valorisation entre les marchés européens et américains est importante qu’il reste plus pertinent de rester davantage pondérés sur celui de la zone euro pour le moment.

Quelle est votre position sur le crédit ? Quels sont vos critères pour composer votre poche crédit Investment Grade et High Yield ? Quelle est votre stratégie d’investissements sur les obligations émergentes ?

Nous avons trois poches d’investissement distinctes pour le crédit : les obligations gouvernementales, les obligations Investment Grade et enfin les obligations High Yield et émergentes. Cette dernière poche n’étant pas considérée comme stratégique, nous pouvons en sortir complètement si nous l’estimons nécessaire. Concernant plus spécifiquement la dette émergente, nous privilégions les obligations d'État au détriment des corporates. Les facteurs de risque à surveiller particulièrement en fonction de l’économie des pays émergents sont le dollar (monnaie dans laquelle ils s’endettent souvent) et les matières premières pour ceux qui en sont exportateurs.

Les obligations High Yield sont sensibles aux mêmes facteurs de stress que les actions et à l’aversion globale au risque. Pour ces catégories d’actifs, nous prenons en compte la liquidité, très faible dans ces marchés, dans le dimensionnement de nos investissements.

Dans le crédit, où le gain potentiel est limité par nature, le maître mot est la diversification. Cela passe par des règles de dispersion par émetteurs, pays etc.

Propos recueillis par Aurélien Florin

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