Le rapprochement entre Deutsche Bank et Commerzbank marquerait un véritable tournant pour le marché bancaire allemand, peu habitué à voir des opérations de consolidation d’une telle envergure. Cette fusion a-t-elle des chances d’aboutir ? Hervé Borensztejn, Managing Partner d’Heidrick Consulting, marque de conseil du cabinet Heidrick & Struggles, nous répond.

Décideurs. Selon la presse allemande une fusion pourrait avoir lieu entre Deutsche Bank et Commerzbank. Les discussions informelles entamées entre les 2 parties ont-elles des chances d’aboutir ?

Hervé Borensztejn. Les chances d’aboutir à un rapprochement sont réelles pour ces 2 très grands groupes bancaires. L’effet de taille aura bien évidemment des incidences. Aujourd’hui, la rentabilité de leurs fonds propres interroge. Un rapprochement devrait permettre de réaliser des synergies importantes et de réduire leur structure de coûts, notamment pour la banque de détail. Il sera toutefois essentiel de réussir une intégration complète, de créer une seule entité économique, financière et capitalistique. Un projet qui demande une volonté de réussir très puissante.

Le marché bancaire allemand est très morcelé. Comment se différencie-t-il du marché français ? Une consolidation plus globale pourrait-elle avoir lieu ?

Le marché français fait l’objet d’une centralisation très forte, contrairement à l’Allemagne où il est réparti entre les différents Landers. Cette organisation correspond assez bien à celle de l’économie allemande. Cependant, 2 forces s’opposent. Cette structure décentralisée vers les Landers et le besoin de se transformer lié à la digitalisation des activités poussent à la recherche de synergies et d’économies d’échelles. Cela provoquera nécessairement des tensions. Cette première opération sera donc très observée par le marché. La fusion peut déclencher un mouvement de consolidation plus importante si elle produit les résultats escomptés.

"Cette première opération sera très observée par le marché."

Quelles seront les problématiques d’ordre culturelles ?

Il est primordial pour la gouvernance de définir la culture d’entreprise qui sera commune aux 2 établissements. L’équipe qui va piloter ce rapprochement aura un rôle privilégié et devra façonner ce mouvement de manière volontariste plutôt que de le subir. Des choix seront faits. Soit la gouvernance optera pour la culture d’entreprise de l’une des 2 banques ou une troisième culture, vers laquelle les 2 entreprises devraient converger, deviendra la norme.

Quel est le rôle des conseils d’administration ?

Ils devront définir la gouvernance du nouvel ensemble et vérifier que les intérêts des parties prenantes seront respectés. Il sera aussi passionnant de voir comment le gouvernement fédéral allemand sera mis à contribution. Celui-ci pourrait très bien intervenir pour réduire les coûts de financement et faciliter ce rapprochement.

Quel serait le profil de dirigeant le plus adapté pour mener à bien cette fusion ?

Les mots clés par rapport à ce genre de situation sont la rapidité et la précision. On attend de l’équipe dirigeante d’être capable de traiter rapidement l’essentiel et de bâtir une vision la plus claire possible, pour les salariés et les clients. La priorité sera de réaligner l’ensemble des forces dans la même direction. Les dirigeants devront bien communiquer pour convaincre les intéressés de suivre le projet. Il faudra valoriser rapidement les premiers succès pour inscrire cette transformation dans une logique positive.

Propos recueillis par Aurélien Florin

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