Les nouvelles réglementations concernant les CGP et les assureurs font apparaître de nouveaux enjeux dans le secteur de la gestion privée. Olivier Roumélian, avocat associé du cabinet Artésia livre son expertise sur les évolutions de l’environnement réglementaire.

Décideurs. Comment appréhendez-vous l’environnement réglementaire dans lequel évoluent les acteurs de la gestion d’actifs et de la gestion privée ?

Olivier Roumélian. Le volume des textes ne cesse d’augmenter. Les législateurs appréhendent l’environnement à destination du client final. Cette logique est suivie aussi bien par les législateurs nationaux qu’européens. En pratique, cela se traduit par des contraintes supplémentaires, par un nombre croissant d’exigences procédurales. Le marché est encadré par des législations européennes, cependant les transpositions peuvent être différentes d’un État à l’autre. En l’absence de flux transfrontaliers, les divergences de transpositions ne sont pas source de difficultés. En revanche, en cas d’exercice de la profession en libre prestation de services, il est possible d’avoir des différences d’appréhension des notions. Ces réglementations ne sont pas totalement inconnues pour le législateur français. Dans le cadre de la DDA, la France a transposé la directive à l’identique, mais d’autres pays peuvent connaître des retards de transposition. À la différence du règlement qui est applicable de plein droit, la directive laisse la possibilité aux États d’aménager la transposition du texte.

En conséquence, quelles problématiques nouvelles pourraient se présenter dans les mois et années à venir ?

La profession des CGP devra connaitre une évolution dans son organisation. Afin de pouvoir être suffisamment équipés pour appréhender les marchés, des rapprochements auront probablement lieu. Sur le terrain du contentieux, n’oublions pas que la spécificité du marché français, principalement sur l’assurance vie, reposait sur la faculté de renonciation prorogée. Cela permettait très souvent au client d’obtenir gain de cause en cas de perte. Le contentieux a évolué. Du fait que cette faculté de renonciation ne soit quasiment plus applicable, le client peut rechercher la responsabilité des CGP ou des assureurs à travers leur obligation d’information et le devoir de conseil et de mise en garde. L’une des conséquences du poids des nouvelles contraintes pourrait être qu’en cas de perte ou de manque à gagner, le client pourrait être tenté d’engager la responsabilité des professionnels et particulièrement celle des intermédiaires d’assurance. Les acteurs seront donc contraints à un effort pour adapter leur pratique conformément aux exigences légales et fournir un service adapté. Contrairement à d’autres matières, il n’existe pas de texte pour accompagner la mise en œuvre de ces nouvelles exigences. Par exemple, l’ACPR, agissant en qualité de superviseur, est à l’origine d’interprétations, mais en aucun cas de textes impératifs.

Vous êtes un spécialiste de l’assurance vie. Selon vous, ce produit est-il toujours aussi attractif ?

Les actifs sous gestion progressent, il n’y a donc pas d’effet négatif direct des réformes. Mais, malgré sa toute puissance, l’assurance-vie - qui représente 1700 milliards d’euros en France - n’est pas en mesure d’imposer un cadre satisfaisant. La principale ombre au tableau est le fonds euro dont les assureurs ont du mal à s’extraire et imposer les unités de compte. Paradoxalement, si des contraintes fiscales et règlementaires s’ajoutent et rendent le produit moins attractif que par le passé, la collecte continue de progresser. Cette ambivalence fait le charme du produit !

Quels impacts peut avoir le système luxembourgeois sur le marché français ?

On constate que les assureurs luxembourgeois continuent de pénétrer le marché français. Deux choix s’offrent au législateur français. Soit il admet que le Luxembourg a créé un environnement de développement de ses acteurs locaux, et l’étudie pour s’en inspirer. Cependant, le système juridique luxembourgeois est valable pour un territoire sensiblement moins peuplé que le nôtre. Une duplication à l’identique serait difficilement envisageable. Le second choix consiste à faire preuve de repli national et à considérer qu’il s’agit d’une prise de marché provenant de l’étranger. Plutôt que de créer les conditions d’un marché encore plus ouvert, on constate, comme cela est ou a pu être le cas au Portugal ou en Belgique, une tendance française au repli. Il serait pourtant judicieux de s’inspirer de ce qui fonctionne.

Propos recueillis par Tiphanie Cliche

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