Sophie Elkrief, ingénieur des Ponts et Chaussées, et directrice des investissements et des placements du groupe MAIF, se montre optimiste quant à l’évolution du marché de la gestion d’actifs.

Décideurs. En quoi consiste actuellement l’activité d’un investisseur institutionnel ?

Un investisseur institutionnel détient une partie de l’épargne des Français à travers l’assurance vie ou les provisions. Tout institutionnel doit honorer des engagements au passif à long terme, optimiser sous contrainte des investissements financiers, et générer des rendements. Dans le même temps, ces acteurs doivent adapter leurs activités avec de nouvelles obligations concernant la responsabilité sociétale. Les pouvoirs publics ont de nouvelles exigences vis-à-vis des investisseurs. C’est donc un acteur majeur, qui possède de nombreux encours sous gestion et tout en étant soumis à de lourdes contraintes réglementaires.

Quelle est votre perception de l’environnement de la gestion d’actifs aujourd’hui ?

Les gérants d’actifs perçoivent le marché comme hostile. La gestion d’actifs souffre car elle doit s’adapter à un environnement en pleine mutation avec des taux plus faibles. En conséquence, l’obtention d’un rendement devient une source de difficulté. À terme, les besoins de placements et de gestion de l’argent génèrent de la croissance. La précarité augmente. Il faut se préoccuper des besoins de la vie plus en amont. La retraite devient une véritable problématique, avec beaucoup de potentiel. Dans cet environnement, la performance n’est plus un critère déterminant. Un institutionnel est un allocataire qui investit sur une classe d’actifs plutôt que sur un produit. Il y a de très bonnes perspectives à moyen terme avec une période de transition. La population a vieillie et il faut savoir être attractif vis-à-vis des populations plus jeunes.

Pouvez-vous décrire votre politique de sélection des valeurs, notamment par rapport aux investissements ISR ?

Notre gestion est particulièrement structurée.  Aujourd’hui la MAIF représente 20 milliards d’euros d’encours sous gestion, dont douze milliards sont investis en direct et huit en gestion déléguée. La gestion directe porte sur de la dette souveraine, de l’investment grade et des dettes financières subordonnées selon des processus de sélection des valeurs avec un prisme ESG assez marqué. La MAIF possède ses propres critères, composés de filtres quantitatifs et qualitatifs. À titre d’illustration, nous refusons d’investir dans des pays qui n’ont pas aboli la peine de mort. Notre approche est peu tournée vers le best in class, parce que nous avons des besoins d’investissements en direct importants. La MAIF croit réellement à la sélection des partenaires, avec lesquels une véritable relation de confiance s’établit. Aujourd’hui, chacun tente de se démarquer avec des questions d’ISR. Selon moi, l’avenir est plus orienté vers la perspective que dans la mise en place de critères quantitatifs. À mon sens, l’ISR sera bientôt un concept dépassé. Ce sera une réalité lorsqu’on n’en parlera plus.

Propos recueillis par Yacine Kadri

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