Beaucoup d’industries comme l’industrie musicale ont connu des changements structurels dans leurs business models dont le catalyseur a souvent été la technologie et l’innovation. Il semblerait que nous connaissions actuellement le même phénomène dans le monde de la gestion privée avec la réglementation en toile de fond.

SUR L’AUTEUR

Directeur Général de Russell Investments France, Michael Sfez dirige les activités françaises du gérant d’actifs spécialisé dans les solutions et les services d’investissement en architecture ouverte. Depuis 2000 il accompagne des investisseurs institutionnels en France et à l’international. Il est à l’origine de partenariats stratégiques avec des grands réseaux en France et auprès des CGP.

La crise économique de 2008 a démontré la faiblesse des règlementations qui étaient en vigueur. A ce titre, la commission européenne a décidé d’adopter MIFID 2 afin de mieux aligner les intérêts des clients avec les produits et services rendus par les professionnels. Elle vise également à améliorer la lisibilité des offres et éliminer une quelconque opacité des produits offerts. De par ses obligations, cette nouvelle directive a entraîné un bouleversement sans précédent du business model centré sur l’architecture ouverte des gérants privés. A cela s’ajoutent de nouvelles tendances comme l’ESG (la gestion dite « éthique »), la concurrence d’offres à faibles frais (ETFs, robots advisers,…)  mettant sous pression le business model centré sur l’architecture ouverte. 

Cette architecture ouverte est pourtant depuis très longtemps un des piliers de la valeur ajoutée des gérants privés et CGP. Ce principe fondateur de l’optimisation des placements est-il voué à disparaître ou vivons-nous simplement une disruption du modèle de mise en œuvre ?

" L’architecture ouverte, source majeure de valeur ajoutée est-elle vouée à disparaître ou simplement disruptée ? "

La MIFID 2 : catalyseur disruptif de l’Architecture Ouverte

La MIFID 2 a un impact significatif sur l’ensemble des acteurs financiers de l’épargne et notamment sur les business models des banques privées. La directive visant à protéger l’intérêt des investisseurs a supprimé les rétrocessions perçues par les banques privées dans le cadre d’investissement externes dans les OPC gérés par les sociétés de gestion. Ces rétrocessions représentant une part significative de leurs revenus, certaines banques privées ont dû réduire leur architecture ouverte, réaménager leurs prestations de service en poussant la gestion conseillée au détriment de la gestion sous mandat ou revoir la structure de leur rémunération.

Un environnement de taux bas qui a mis en valeur les surcoûts

Même si la MIFID 2 a été un accélérateur pour les banques privées de revoir leur modèle de service, l’environnement de taux bas a mis en lumière le niveau des frais prélevés. Les frais courants des OPC, versant des rétrocessions, utilisés par les professionnels, dépassaient régulièrement les 2%. Au-delà des rétrocessions, le client paie des frais administratifs, de conservation, alors que s’il traitait en direct, il ne supporterait qu’un seul niveau de frais.

Il est fréquent que le portefeuille des clients soit investi sur plusieurs supports sur un même marché pour bénéficier d’une diversification des styles de gestion, mais elle a un coût. Il est fort probable que les différents supports disposent de titres communs et que certaines transactions effectuées par les gérants de chaque support soient au final superflues.

Le problème du contrôle dans l’architecture ouverte

Il est très difficile pour le professionnel de disposer d’une transparence complète des investissements des fonds dans lesquels il investit pour le compte de ses clients. Malgré l’affaire Madoff, peu de progrès ont été faits et peu de gérants privés disposent aujourd’hui d’une information régulière leur permettant de contrôler de manière constante les positions détenues.

Et l’ESG dans tout cela ?

Aujourd’hui, de plus en plus d’entités souhaitent mieux se prémunir contre les risques liés aux aspects environnementaux, sociaux et de gouvernance qui peuvent avoir un impact très important sur les performances de leurs clients mais aussi de répondre à la volonté de certains clients de mettre du sens dans leurs investissements en accord avec leurs principes. Il est clair que les banques privées et CGP devront à l’avenir intégrer les facteurs ESG dans leur approche. L’architecture ouverte investie dans plusieurs OPC ne facilite pas aujourd’hui l’intégration de ces facteurs car la banque privée ou le CGP ne peut pas s’assurer que les investissements répondent à ces nouvelles exigences.

Et pourtant l’architecture ouverte est un pré-requis

Chez Russell Investments, nous avons réalisé des analyses prouvant la difficulté pour un gérant d’exceller sur plusieurs classes d’actifs simultanément. Une de ces études effectuée début 2010 montrait qu’aucun gérant qui couvrait cinq classes d’actifs majeures n’excellait dans plus de deux classes d’actifs. Les gérants spécialistes sont meilleurs que les généralistes d’où la recherche de gérants externes permettant de sélectionner les meilleurs sur chacune des classes d’actifs. Chaque trimestre, nous constatons que le taux de surperformance de nos buy lists sur 5 ans est entre 75 et 85%.

Cette architecture ouverte reste un élément majeur essentiel et différenciant de valeur ajoutée pour le gérant privé et doit perdurer.  

L’architecture ouverte doit donc se réinventer

Le modèle d’hier ne permet pas de répondre aux besoins d’aujourd’hui (réduction des frais, règlementation, facteurs ESG, exigences de contrôle constant sur les portefeuilles ).

La principale raison pour la banque privée d’offrir de l’architecture ouverte consiste à donner accès à son client aux meilleurs talents de gestion.

Depuis plus de 45 ans, Russell Investments est un des leaders sur l’architecture ouverte et offre ses capacités aux partenaires financiers (banques privées, réseaux bancaires et assurantiels, CGP) pour leur proposer des solutions de mise en œuvre en étroite collaboration avec leurs équipes de sélection.

Il y a un peu plus de dix ans, nous avons identifié que la mise en œuvre de l’architecture ouverte via des fonds de fonds ou fonds de mandats ne permettrait pas de répondre aux nouveaux enjeux. Nous avons donc été à l’origine d’une nouvelle approche et nous sommes à ce jour les seuls à proposer cette technique qui permet à nos partenaires de répondre à ces challenges. Notre objectif était avant tout d’améliorer la performance nette de frais des portefeuilles multi-gérants.

Pour ce faire, nous avons consolidé les idées des gérants dans un seul portefeuille centralisé. Cette approche permet de préserver la valeur ajoutée des gérants tout en réduisant les coûts de transaction et en minimisant les coûts dépositaire.

A travers cette approche appelée EPI (Enhanced Portfolio Implementation), Russell Investments est en mesure d’apporter une solution de mise en œuvre de leur architecture ouverte pour les professionnels de l’épargne permettant :

  • De réduire les frais (gestion, dépositaire, transactions)
  • D’améliorer l’efficience de leurs portefeuilles et de disposer d’un contrôle permanent avec une conservation au sein du dépositaire de leur choix
  • De disposer d’un meilleur accès aux gérants
  • De préserver l’alpha des gérants et par conséquent la valeur ajoutée
  • D’intégrer leurs propres préférences en matière environnemental, social et de gouvernance
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Cette approche EPI a permis d’améliorer la performance de nos portefeuilles multi-gérants actions entre 0.2% et 0.5% par an depuis sa mise en œuvre.

Ainsi de la même façon que le streaming a permis d’écouter directement les morceaux sans acheter le CD et sans subir des coûts liés au packaging et frais de commercialisation, notre approche EPI permet à nos partenaires d’accéder aux talents de gestion sans souffrir de coûts de mise en œuvre superflus tout en ayant un meilleur contrôle. Cela fait partie des voies à explorer pour les banques privées afin de continuer à promouvoir cet axe de différenciation si essentiel qu’est l’architecture ouverte.

POINTS CLÉS :

  • La règlementation et les nouvelles tendances ont mis sous pression le business model de la gestion privée
  • L’architecture ouverte est un élément majeur de valeur ajoutée dans la gestion privée
  • Elle présente toutefois des limites en matière de contrôle, de transparence et de coûts et mérite donc une plus grande efficience

Comme pour l’industrie musicale, un nouveau modèle de mise en œuvre permettant un accès direct aux talents de gestion sans avoir à subir les coûts superflus a été initié par Russell Investments.

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