Le ton de Jérôme Powell, le patron de la Réserve fédérale à l’occasion de la réunion de la FED a été très accommodant. Les taux courts n’ont pas été augmentés. Le patron de la Réserve Fédérale a semblé plaider pour une pause dans la hausse des taux et laissé entendre que la réduction de la taille du bilan de la banque serait plus lente. Analyse avec Florent Delorme, analyste macro chez M&G Investments.

Comme attendu la Réserve Fédérale confirme son inflexion des dernières semaines : la détermination à poursuivre la hausse des taux ne semble plus de mise et l’heure est plutôt à la pause dans le cycle de resserrement monétaire. Avec des taux courts s’établissant à 2,50 %, on est encore loin d’une normalisation des conditions monétaires alors même que la situation économique aux USA demeure très satisfaisante. Les taux de croissance au deuxième et troisième trimestre 2018 ont été respectivement de +4,2 % et +3,4 % en rythme annuel. Selon la FED d’Atlanta la croissance au dernier trimestre 2018 a été de l’ordre de +2,7% (indicateur GDPNow du 29 janvier 2019 publié sur le site de la Réserve Fédéral d’Atlanta). Sur le front de l’emploi les chiffres sont tout aussi flatteurs : 312 000 emplois créés en décembre 2018 dans le secteur privé aux USA. Malgré ce contexte, la banque centrale semble donc en partie avoir renoncé à l’idée de procéder à une normalisation significative des conditions monétaires. La crainte d’une détérioration de l’économie et des marchés l’a emporté.

Cette décision a évidemment été bien accueillie par le marché. On sait combien la hausse des taux constituait une menace pour les actifs risqués. Cette inflexion constitue donc une bonne nouvelle car il permet notamment aux valorisations des actions et des dettes d’entreprises de se redresser. De son côté la BCE semble très loin d’engager une politique de restriction de la liquidité. Les voyants monétaires demeurent donc au vert pour les acteurs de marché.

« Helicopter Money »

Cela dit, au-delà de cette satisfaction de court terme, on peut s’interroger sur la signification à long terme de ce changement de cap. Les politiques monétaires très accommodantes déployées à compter de 2009 semblent désormais être devenues le cadre standard d’intervention des banquiers centraux. Elles sont d’ailleurs dorénavant couplées à des politiques de relance budgétaire comme les baisses d’impôts récentes aux USA et à venir en Chine en témoignent. L’économie mondiale vit donc désormais de manière permanente sous un régime de double stimulation, monétaire et budgétaire. Beaucoup d’économistes évoquent même la possibilité de mesures supplémentaires, rassemblées sous le concept d’« helicopter money ». Cela pourrait prendre par exemple la forme d’une annulation des dettes souveraines présentes dans le bilan des banques centrales : les Etats n’auraient pas à rembourser leurs dettes auprès des banques centrales.

D’un côté les banques centrales fascinent par leur créativité, leur capacité à relancer l’économie mondiale et à colmater les brèches. De l’autre elles inquiètent car nous manquons de recul sur les effets à long terme de ces politiques non conventionnelles. En particulier certains évoquent les potentiels dommages collatéraux que l’on peut craindre : marchés survalorisés donc instables, fragilisation du secteur bancaire du fait d’une baisse de la rentabilité des banques, risques sur la solvabilité des compagnies d’assurance et des fonds de pension, baisse de la productivité en raison de la persistance dans l’économie de secteurs peu efficients maintenus en vie par des taux bas, progression de l’endettement, perte de confiance dans la monnaie. L’avenir sera riche d’enseignements.

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