Alain Massiera, associé-gérant chez Rothschild Martin Maurel, revient sur l’année faste de ce célèbre établissement et livre sa vision du monde de la banque privée entre nouvelles tendances et tradition d’excellence.

Décideurs.  Quelle est votre vision du marché de la banque privée aujourd’hui en France ?

Alain Massiera. J’en ai une vision positive malgré l’entrée en vigueur de MIFID, car cela va entraîner une accentuation de la segmentation de la clientèle des banques. En effet, MIFID a deux implications. Tout d’abord une implication financière, à savoir une augmentation des coûts dus à la réglementation et une baisse des revenus avec le coût de la recherche que les banques doivent payer elles-mêmes et la fin des rétrocessions notamment. Toutes les banques privées en France prévoient entre 3 % et 10 % de baisse de chiffre d’affaires. Ensuite, il y a une revisite du business model des banques privées, puisque le conseil verbal est interdit depuis le 3 janvier 2018. Ce dernier représentait 50 à 60 % du marché en Europe. Dorénavant, les banques ne peuvent offrir que trois types de services : les mandats de gestion, les mandats de conseil, ou l’exécution pure des ordres reçus par les clients sans conseil verbal sur les produits ou les placements (execution only). À terme, il y aura deux types de banques. Une partie d’entre elles tenteront d’offrir ces trois types de services. Les banques se situant dans cette catégorie devront investir massivement dans la digitalisation afin d’entretenir des interactions avec leurs centaines de milliers de clients (traitements de masse avec peu de personnalisation du service offert). Le deuxième type de banque, dont Rothschild Martin Maurel fait partie, accorde plus d’importance aux mandats de gestion sur une clientèle très ciblée, avec une mise en exergue de sa valeur ajoutée reposant sur une plus grande personnalisation du rapport et du conseil dans la structuration du patrimoine (ingénierie patrimoniale, family office…). Finalement, la transparence des frais bancaires permettra de démontrer ou pas aux clients la valeur ajoutée des banques privés.

Rothschild &Co est une maison biséculaire. La notion de digital pourrait presque paraître antinomique avec une maison aussi ancienne. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Nous investissons dans le digital pour tout ce qui permet d’améliorer la productivité aussi bien en interne que vis-à-vis du client, l’objectif étant d’avoir accès à de l’information le plus rapidement possible. Dans le cadre de la fusion nous repensons notre extranet clients afin de dématérialiser la partie de la relation client à plus faible valeur ajoutée, ce qui nous permet de nous concentrer sur notre cœur de métier, à savoir le conseil personnalisé que nous nous engageons à toujours mettre à la disposition du client. D’ailleurs, ce sont souvent quatre personnes qui accompagnent nos clients : le banquier, l’ingénieur patrimonial, le family officer, selon le cas, et le gérant des mandats de gestion.

Comment envisagez-vous l’accueil d’une clientèle de millenials ?

Nous en comptons d’ores et déjà un certain nombre parmi notre clientèle. Nous avons aussi une activité destinée aux start-ups (family office et ingénierie patrimoniale dédiée). Au niveau de la banque privée, nous accompagnons des fondateurs de start-up en matière de structuration, notamment de la détention de leur société. En outre, ces derniers n’ont pas beaucoup de temps à consacrer à la gestion de leur portefeuille. Le mandat de gestion est alors idéal pour ce type de clientèle, comme il l’a toujours été à l’égard des entrepreneurs familiaux. Une offre de private equity et/ou de dettes non cotées est également un atout car plus proche de leur univers que des mandats de gestion classique, les deux étant bien sûr nécessaires.

Quels ont été les principaux apports de l’intégration de Martin Maurel ?

Ce rapprochement nous permet de bénéficier de l’ancrage régional d’une banque dont la réputation n’est plus à faire. Nous avons acquis une connaissance forte du tissu économique local et des personnalités qui permettent d’accompagner les entrepreneurs. Un autre apport se matérialise par la complémentarité dans les fonds d’investissement pour la banque privée. Enfin, Martin Maurel amène une expertise complémentaire du crédit, afin de pouvoir accompagner un entrepreneur familial dans d’autres domaines comme le crédit habitat ou le financement des droits de donation, notamment.

Autour de l’entrepreneur familial, l’offre devrait être complète avec d’une part le conseil dans la structuration de détention des actifs composant le patrimoine de l’entrepreneur (ingénierie patrimoniale), une gestion des avoirs financiers, des possibilités de financement du cycle d’exploitation dans certains cas et des conseils sur les opérations de haut de bilan et en matière de fusion-acquisition grâce à la banque d’affaires du groupe.

Propos recueillis par Yacine Kadri

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