Une entreprise ne se transmet pas comme un autre actif. Sa singularité économique, juridique et fiscale rejaillit directement sur son mode de transmission et son suivi. Si les professionnels focalisent leur attention sur la performance fiscale, ils précipitent parfois les opérations sans réflexion stratégique pertinente ni même conviction. Plus encore, la pratique empreinte des réflexes classiques souvent inadaptés.

Par Marceau Clermon, notaire associé, Fidnot

 

L'entrepreneur-actionnaire concentre trois problématiques substantielles. Tout d’abord, il reproduit celle du « châtelain », c’est-à-dire la prépondérance de l’entreprise dans son patrimoine. Naguère traitée par le droit d’aînesse ou le privilège de masculinité, cette réalité se confronte depuis à la réserve héréditaire. Ensuite, celle de l’« urbain » dont les besoins en revenu ou en capital posttransmission sont élevés. Enfin, c’est la coexistence en termes de management et de capital qui devra être mûrement pensée ; la problématique de l’« airain », c’est-à-dire de l’alliage du cuivre et de l’étain.

Les erreurs stratégiques

Ces spécificités conduisent parfois les professionnels à des erreurs stratégiques : Au-delà de l’intégration de ces paramètres propres aux entreprises, c’est l’insuffisance d’audits pré-opérationnels que l’on rencontre. On pense bien entendu aux audits juridiques et fiscaux habituels portant notamment sur l’éligibilité au dispositif dit « Dutreil ». Une bonne analyse économique et psychologique devra être menée ; savoir de quoi on parle, savoir à qui l’on parle.

On peut recommander plus qu’ailleurs de la méthode. La pratique des « huis clos » permet d’exclure certaines pistes de solution, et de proposer une solution compatible avec les souhaits inavoués de certains membres de la famille. Les « retours d’expérience » forgent pour le conseil des convictions. Elles devront s’exprimer. Ici plus qu’ailleurs, certaines solutions devront alors être exclues d’emblée et d’autres privilégiées à l’initiative du conseil.  

Audits + process + convictions = préconisation opérationnelle

Les erreurs techniques

Sans inventorier les difficultés et incertitudes posées par l’article 787B du CGI, deux niveaux sont à distinguer. D’une part, au niveau de la mise en oeuvre du dispositif, les profes- sionnels doivent veiller à examiner l’éligibilité de l’entreprise au jour de l’engagement et sa pérennité pendant sa période. Le problème central constaté est celui de la prépondérance d’activité éligible en termes de chiffre d’affaires et d’actif brut immobilisé. C’est ensuite la question des titres objets dudit pacte et du niveau d’interposition des sociétés qui doit se poser. On constate malheureusement sur ces deux points essentiels des erreurs « d’aiguillage ».

D’autre part, au niveau du suivi fiscal apparaissent les plus nombreuses insuffisances qu’on qualifiera de « fatales ». Elles se déclinent pendant les périodes d’engagement de conservation sur trois points. D’abord, les restructurations de sociétés et mouvements sur titres se confrontent au principe de maintien des participations inchangées. La remise en cause principalement au niveau de la phase dite « collective » consacre souvent un manque de communications entre les différents professionnels.

C’est au niveau du suivi fiscal qu’apparaissent les plus nombreuses insuffisances qu’on qualifiera de « fatales »

Postérieurement, la vigilance se poursuit sur le respect de la fonction de direction pendant la durée de l’engagement individuel. Ensuite, on constate un oubli dans l’obligation faite de dénoncer le pacte utilisé afin de mettre fin à la phase d’engagement collectif et ainsi faire courir la phase d’engagement individuel. Enfin, il s’agira de respecter les obligations déclaratives annuelles et plus généralement le non-respect du formalisme. Outre les justificatifs devant être joints lors de l’enregistrement de la donation, la mise en œuvre de l’exonération nécessite le respect d’obligations déclaratives annuelles. Il s’agit de transmettre chaque année avant le 1er avril au service ayant enregistré l’acte les justificatifs attestant du respect des engagements fiscaux. Les sanctions de ces obligations postérieures étant aussi lourdement sanctionnées que celles initiales.

Les erreurs « prospectives »

Au lendemain de l’opération de donation, il conviendra d’anticiper le futur. Le capital ainsi divisé, l’assiette des risques sera élargie. Le décès d’un donataire ou son incapacité affecteront la pérennité de tous. Aussi, concomitamment à ces opérations, de nouveaux pactes Dutreil devront être souscrits par les donataires, des testaments et mandats de protection future signés. Ce package d’anticipation ® coordonnera les outils face à la multiplicité des risques futurs.

 

A propos de l'auteur : 

Marceau Clermon est notaire associé à Paris et maître de conférences associé à l’université Paris-Dauphine. Il supervise l’activité du pôle « Gouvernance et Transmission d’entreprise ». Fort de l’expérience d’avoir transmis plus de 500 entreprises, il revient sur les points d’attention, les mauvais réflexes en la matière et les erreurs les plus fréquemment rencontrées.

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