Les besoins de financement en infrastructures sont énormes. Chaque année, ces projets représentent 4 000 milliards de dollars. Les pays émergents sont bien sûr les plus demandeurs mais les économies développées rencontrent des problèmes de financement. Retour sur les enjeux d’un secteur en pleine mutation avec Pierre Sorbets, responsable secteur public chez HSBC France.

Décideurs. À combien estimez-vous les besoins en infrastructures au niveau mondial et en France ?

Pierre Sorbets. L’OCDE évalue à 6 300 milliards de dollars par an d’ici à 2030 le montant des investissements  nécessaires pour soutenir la croissance économique. On monte à 6 900 milliards si l’on veut rendre cette croissance compatible avec le « scénario à deux degrés » de l’Agence internationale de l’énergie, l’objectif minimum à atteindre pour contenir le réchauffement climatique dans des proportions gérables. En France, on considère que les grandes infrastructures sont réalisées et qu’il faut à présent mieux les entretenir et les utiliser. Il existe cependant encore des besoins (que le Medef chiffre à cinquante milliards d’euros par an d’ici 2020) notamment au niveau du Grand Paris (trois milliards d’euros par an entre maintenant et 2030) ou en matière de connexion informatique à très haut débit. Plusieurs grands projets (comme le canal Seine Nord ou la ligne à grande vitesse Lyon-Turin) donnent lieu à débat, et la mise en œuvre de la « stratégie bas carbone » française correspondant aux engagements pris lors de la COP21 génère d’importants besoins.    

Quels sont les secteurs les plus demandeurs ?

Ils varient d’un pays à l’autre selon que les grands équipements structurants sont ou non réalisés et en fonction de la vulnérabilité du pays au risque climatique. Mais dans de  nombreux cas, et en particulier en France, les diverses composantes de la transition énergétique (génération et transport d’énergies « propres », systèmes de transports climato-compatibles et efficacité énergétique) prennent une importance grandissante.

« Le débat entre maîtrise d’ouvrage publique et gestion déléguée doit se concentrer sur le rapport qualité-prix et sur la bonne gestion du temps »

 

En France, les collectivités locales sont confrontées à un fort endettement et n’ont plus les moyens de répondre à ces besoins. Comment le secteur privé peut-il prendre la relève ?

À l’exception des projets financés par les usagers ou s’autofinançant par les économies qu’ils génèrent (cas de l’éclairage public), les finances locales sont grevées quel que soit le mode de réalisation choisi. Recourir au secteur privé peut permettre plus de créativité, une plus grande prise de risque, notamment sur des technologies nouvelles, un meilleur respect des budgets et des délais (toutes les études le démontrent) et une approche globale du projet quand les marchés publics sont générateurs d’interfaces qui compliquent la maîtrise d’ouvrage. Enfin, le coût des financements privés demeure raisonnable compte tenu de l’abondance de l’épargne disponible. 

Pourtant, le financement privé et le recours à la gestion déléguée peinent à s’imposer en France. Comment expliquez-vous ce paradoxe ?

En France, le débat entre maîtrise d’ouvrage publique et gestion déléguée est d’abord placé sur un terrain de principe, alors qu’il a tout intérêt à se concentrer sur le rapport qualité-prix de la réalisation et sur la bonne gestion dans le temps des investissements publics. On ne parle jamais des nombreux partenariats publics privés qui sont mis en place et sont de belles illustrations du succès de ce type d’opérations.

Quels outils mettre en place pour inverser la tendance ?

En France, la gamme des outils juridiques est aujourd’hui complète et va des marchés publics classiques aux concessions, en passant par les marchés de partenariats et les contrats « CREM » (conception réalisation entretien maintenance). Il s’agit maintenant de bien les utiliser, ce qui suppose au niveau des décideurs publics du pragmatisme, de la formation, une meilleure culture de l’évaluation et une plus grande ouverture d’esprit à l’égard de l’externalisation.   

Propos recueillis par Vincent Paes

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