Après la succession d’événements naturels catastrophiques et meurtriers survenus en 2017, la réaction du secteur de l’assurance ne s'est fait pas attendre…

Un vent de panique a soufflé sur le secteur de l’assurance en 2017. Ouragans Harvey (Texas), Irma et Maria (Caraïbes), tremblements de terre au Mexique… les catastrophes naturelles se sont succédé à un rythme effréné et ont fait vaciller les bilans des grandes compagnies. Avec inquiétude, les assureurs se penchent depuis sur l’immensité des dégâts qu’ils vont devoir rembourser. L'australien QBE a tiré la sonnette d’alarme en déclarant que 2017 serait probablement l'année la plus coûteuse dans l'histoire de de l'assurance. Selon les estimations du réassureur Swiss Re, la facture totale des catastrophes naturelles dans le monde en 2017 pourrait être supérieure aux 175 milliards de dollars de dommages économiques causés en 2016 par les événements catastrophiques survenus sur Terre. Subissant une trajectoire parallèle aux assureurs, « certains acteurs de la réassurance seront gravement touchés », a prévenu Denis Kessler, P-DG de Scor, quatrième réassureur mondial.

« Cette série d’événements majeurs risque d’avoir un fort impact sur la physionomie du marché de l’assurance »

Face à l’ampleur de ces pertes, la réaction du marché ne s'est pas fait attendre. De nombreux travaux de recherche ont prouvé que le dérèglement climatique, entrainant une hausse du nombre de catastrophes naturelles, va continuer à prendre de l’ampleur.

Plus inquiétant encore à en croire Claude Tendil, administrateur de Générali et président de l’association des Rendez-vous de septembre, « elles sont de plus en plus violentes et causent donc des dégâts plus importants ». Si les assureurs et réassureurs sont aujourd’hui pour la plupart en mesure d’absorber le choc, « la solvabilité du secteur restant solide et les excédents suffisants » d’après Lofti Elbarhdadi, directeur senior chargé de l’assurance chez S&P Global Ratings, ils ont tout intérêt à se positionner dès aujourd’hui pour anticiper la prochaine rafale. Ainsi, « malgré une tendance baissière des tarifs proposés par les assureurs depuis de nombreuses années, comme le rappelle Matthieu Caillat, directeur général d’Axa Corporate Solutions, cette série d’événements majeurs risque d’avoir un fort impact sur la physionomie du marché. On peut s’attendre notamment à une hausse généralisée des prix au travers des différentes lignes d’activité et des continents. » C’est un véritable jeu d’équilibriste qui attend le secteur. Les compagnies devront, d’une part, garder leur crédibilité auprès des actionnaires et du reste du marché en affichant leur solidité et, d’autre part, accuser ces catastrophes de leur porter de terribles coups afin d’augmenter leurs tarifs et de rééquilibrer durablement leur bilan.

Si ce revirement tarifaire est inévitable pour certains, il représente une occasion en or pour d’autres. Usés par la pression financière ambiante et la baisse des taux des dernières années, certains acteurs voient dans cette suite d’événements tragiques une véritable aubaine pour relancer leur croissance. Toutefois, la hausse de la fréquence de ces catastrophes pose une question essentielle sur laquelle revient Denis Kessler dans une interview aux Échos : « Le principe fondamental de l'assurance est d'être là pour répondre à un aléa. Si l'aléa se transforme en certitude, il ne peut plus y avoir d'assurance, par définition ! » Certaines régions deviendraient alors inassurables et les assureurs et réassureurs choisiraient de se retirer de ces zones où le risque est avéré. « Dans une telle éventualité, c'est donc la question même de la reconstruction – et de l'habitabilité – de ces régions à risque qui se poserait », ajoute Denis Kessler, précisant toutefois que ce n’est pas encore un sujet d’actualité. Pour certaines compagnies, le grand risque à couvrir est compensé par la promesse de l’augmentation significative des polices. Guidées par des intérêts commerciaux et stratégiques, certaines compagnies continueront ainsi à protéger leurs clients contre les risques les plus extrêmes… sans oublier d’assurer leurs arrières.

« Si l'aléa se transforme en certitude, il ne peut plus y avoir d'assurance, par définition ! »

Diversifier ses lignes d’affaires ainsi que sa présence géographique peut-être un choix raisonnable pour une entreprise qui souhaite réduire son exposition au risque. À l’image du groupe Axa, très peu présent dans ces pays en matière d’assurance dommage et qui ne sera donc que peu touché, comme l’explique Matthieu Caillat. D’autres pourront choisir d’émettre des « cat bonds » (obligations catastrophe) sur les marchés financiers, afin de couvrir leurs pertes financières. Encore faut-il que les investisseurs soient prêts à investir à nouveau dans ces produits financiers. « Dans le cas de Harvey, certains vont essuyer des pertes et ne réinvestiront pas », juge Claude Tendil. Au contraire, si la réassurance alternative survit aux passages d’Harvey et d’Irma au Texas et dans le golfe du Mexique, ces catastrophes climatiques vont peut-être « créer plus d’opportunités pour les réassureurs qui flécheront davantage les capitaux destinés aux cat bonds vers la réassurance traditionnelle ». Si l’heure est encore au bilan, ces bouleversements peuvent se révéler être une « opportunité » pour les acteurs du secteur de l’assurance d'échanger et de trouver de meilleurs mécanismes de couverture.

 

Marion Robert (@Marion_rbrt)

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