La fiscalité du divorce [1]
Par Gaëlle Le Péron, notaire salariée. Fortier-Notaires
En matière d’impôt sur les revenus
Par principe, chaque époux redevient imposable pour les revenus dont il a disposé (et quote-part de revenus communs lui revenant) à compter du 1er janvier de l’année du divorce2. La loi prévoit toutefois trois cas dans lesquels le fait générateur de l’imposition séparée des époux est antérieur au divorce3 : lorsque les époux sont séparés de biens et ne vivent pas sous le même toit, lorsque les époux ont été autorisés à résider séparément au cours d’une instance en divorce ou en séparation de corps, ou enfin lorsqu’en cas d’abandon par un époux de la résidence commune, chacun dispose de revenus distincts. Dans ces hypothèses, l’imposition séparée commencera à compter du 1er janvier de l’année au cours de laquelle l’une des trois conditions a été remplie.
Ces trois cas de report de la date fiscale du divorce sont strictement limitatifs ; toute autre date convenue par les époux ou décidée par le juge4 demeurerait inopposable à l’administration fiscale.
En matière d’ISF
L’imposition distincte commence le 1er janvier de l’année suivant celle au cours de laquelle le divorce est devenu définitif et par exception5, à compter du 1er janvier de l’année suivant celle où les époux ont cessé de vivre sous le même toit, tout en étant séparés de biens ou autorisés à résider séparément par une instance en divorce ou en séparation de corps.
La fiscalité du partage
Droits d’enregistrement
Dès lors que les époux ont acquis des biens en commun, quel que soit leur régime matrimonial, le divorce aboutit souvent à la liquidation et au partage de leurs biens meubles et immeubles. Ce partage, s’il est constaté par acte sous seing privé ou notarié (obligatoire pour les biens soumis à publicité foncière), donne lieu à la perception d’un droit de partage au taux de 2,50 % assis sur l’actif net à partager sans déduction des soultes ou plus-values éventuelles6. Cette fiscalité bénéficie aux partages entre époux communs en biens ou séparés de biens, qu’ils aient été acquis avant ou après le mariage7. Ils ne sont en outre pas soumis à l’impôt sur la plus-value8.
Impôts locaux
Tant que l’indivision dure, la taxe foncière continue d’être imposée au nom des deux époux. Ce n’est qu’à compter du 1er janvier suivant la publication du partage auprès du service de la publicité foncière que chaque époux devient personnellement redevable à raison du ou des immeubles qui lui auront été attribués.
Dans la pratique, les époux conviennent souvent dans l’acte de partage que cette taxe sera supportée par le seul attributaire du bien à compter de la date de jouissance divise, mais cet accord est inopposable à l’administration fiscale.
S’agissant de la taxe d’habitation, chacun est assujetti, que les époux soient séparés de fait ou autorisés à résider séparément, à la taxe due pour les locaux meublés affectés à l’habitation dont il a eu personnellement la jouissance au 1er janvier de l’année d’imposition.
« Les cas de report de la date fiscale du divorce sont strictement limitatifs »
Cas particulier des biens acquis sous un régime de défiscalisation
S’agissant du nouveau dispositif Pinel, applicable aux investissements réalisés depuis le 1er septembre 20149, la doctrine fiscale admet que, lorsque le divorce intervient au cours de la période initiale d’engagement de location, l’attribution de l’immeuble à l’un des ex-conjoints même moyennant versement d’une soulte, n’ait aucune incidence sur le bénéfice de la réduction d’impôt précédemment déduite par le foyer fiscal, si l’époux attributaire reprend le dispositif à son profit.
Les règlements financiers entre ex-époux
Pensions alimentaires
Au cours de la procédure, le juge peut décider, au titre des mesures provisoires10, que l’un des époux verse à l’autre une pension alimentaire au titre de son devoir de secours. Cette pension est déductible du revenu global de celui qui la verse11 et imposable à l’impôt sur le revenu entre les mains de son bénéficiaire. Cette règle suppose néanmoins que les époux soient déjà soumis à imposition séparée (obligatoire en cas de résidence séparée judiciairement constatée12). En revanche, les sommes versées spontanément entre les époux en dehors de toute instance même suite à un accord passé entre eux, ne sont pas déductibles du revenu global du débiteur ni imposables au nom du créancier, sauf lorsque le juge homologue ultérieurement ces mesures provisoires dans une décision de justice ayant acquis force de chose jugée.
Prestation compensatoire
Après le divorce, l’un des époux peut être tenu de verser à l’autre une prestation destinée à compenser la disparité que la rupture du mariage sera susceptible de créer dans les conditions de vie respective des époux. La fiscalité applicable sera fonction de la forme que prendra cette prestation.
La prestation versée sous forme d’argent sur une période supérieure à 12 mois à compter de la date à laquelle le jugement de divorce est passé en force de chose jugée, ainsi que les rentes viagères, constituent pour le créancier un revenu imposable dans la catégorie des traitements, salaires, pensions et rentes viagères et sont déductibles en contrepartie pour le débiteur, de son revenu global13.
Les prestations versées sous forme d’un capital (payable comptant ou sur une période inférieure à 12 mois à compter du divorce) ne sont pas assujetties à l’impôt sur les revenus mais à un droit d’enregistrement fixe de 125 euros.
Un droit d’enregistrement sera également perçu pour les prestations prenant la forme de l’abandon d’un bien ; les modalités de perception dépendront alors de l’origine du bien : s’il s’agit d’un bien provenant d’une indivision post-communautaire, un droit de partage sera perçu au taux de 2,5 %. Dans les autres cas, seul le droit fixe de 125 euros sera dû14.
Ces versements seront toutefois soumis à la taxe de publicité foncière (0,71498 %) lorsqu’ils sont effectués au moyen de biens ou droits immobiliers15.
Le débiteur d’une prestation compensatoire peut enfin se voir accorder une réduction d’impôt16 lorsqu’elle est versée sous forme d’un capital sur une période maximale de douze mois ou de l’abandon de biens en nature, meubles ou immeubles, en propriété, en usufruit, pour l’usage ou l’habitation. La réduction d’impôt est égale à 25 % du montant des versements effectués, des biens ou des droits attribués, retenu pour la valeur fixée lors du divorce et dans la limite d’un plafond égal à 30 500 euros. Cette réduction est donc plafonnée à 7 625 euros.
En revanche les prestations compensatoires mixtes (c’est dire payable partie sous forme de capital, partie sous forme de rente) ne bénéficient pas de la réduction d’impôt.
Dommages et intérêts
Les dommages et intérêts accordés lors du divorce à l’un des époux en réparation d’un préjudice n’ont pas le caractère de revenus imposables. Corrélativement, ils ne sont pas déductibles du revenu brut global de l’époux qui doit les verser
1 Comme le droit de la famille en général.
2 Article 6-6 du CGI.
3 Article 6-4 a, b et c du CGI.
4 Article 262-1 du Code civil.
5 L’article 885-A du CGI renvoyant à l’article 6 a et b du CGI.
6 Article 748 du CGI.
7 Article 750 II du CGI.
8 Articles 150-0, A, IV et 150-U, IV du CGI.
9 Article 199 novovicies du CGI.
10 Articles 254 à 257 du Code civil.
11 Article 156, II, 2 du CGI.
12 cf supra.
13 Article 156,II,2° du CGI.
14 Article 1133 ter du CGI.
15 Article 1020 du CGI.
16 Article 199-I octodecies du CGI.
Sur l'auteur :
Gaëlle Le Péron est titulaire du diplôme supérieur du notariat et exerce en tant que notaire salarié au sein de l’étude Fortier-Notaire. Elle est responsable des pôles gestion de patrimoine et divorce, assiste ainsi les clients de l’étude dans leurs démarches relatives à l’anticipation successorale et à la séparation des patrimoines des couples.