Olivier Decombe (PDGB) : « Nous allons vers la dématérialisation du contrôle fiscal »
Entretien avec Olivier Decombe, associé, PDGB Avocats
Décideurs. Quelle est, en deux mots, la spécificité de PDGB Avocats ?
Olivier Decombe. Le cabinet a un positionnement full service et se veut capable de répondre à l’ensemble des problématiques juridiques des entreprises. Certains prismes se sont toutefois développés avec le temps et les besoins de nos clients. Nous avons ouvert cette année un département droit de l’environnement et droit public des affaires, qui va notamment nous permettre de développer notre activité en lien avec les collectivités locales. En fiscalité, nous avons construit au fil des ans une spécialisation dans le secteur des services financiers. Les établissements bancaires représentent aujourd’hui environ 70 % de notre clientèle, autrement constituée de grandes entreprises.
Vous avez également développé une expertise pointue dans le contrôle informatisé des comptabilités.
En effet, et nous sommes de plus en plus sollicités sur des problématiques informatiques. L’administration réalise régulièrement des demandes de traitement informatique sur des points précis. Pour les banques, cela touche essentiellement deux sujets : le contrôle de la gestion des produits d’épargne réglementée et le provisionnement des créances. Auparavant, l’administration traitait en direct avec les informaticiens de la banque. Cela posait plusieurs problèmes, le plus évident étant la difficulté de contrôler les informations transmises. Nous avons voulu brider cette logique et avons acquis plusieurs logiciels, pour réaliser ces opérations nous-mêmes et extraire les données pertinentes. Nous avons été formés à l’outil afin d’être capables d’effectuer les requêtes demandées. Nous réalisons en parallèle l’analyse fiscale de ces données, afin d’anticiper les impacts qu’auront ces échanges avec Bercy pour nos clients.
« La tendance est clairement à des pénalités fortes de l’administration fiscale »
Ces demandes de traitement informatiques seront-elles de plus en plus nombreuses dans les années à venir ?
Ce type de requête va être de plus en plus courant, notamment depuis que la remise du fichier des écritures comptables (FEC) a été rendue obligatoire. Depuis le 1er janvier 2014, les contribuables ont l’obligation de présenter leur comptabilité sous forme de fichier dématérialisé en cas de contrôle fiscal, qui doit répondre à des normes précises. Nous devons donc être capables de maîtriser l’outil informatique et les informations comptables transmises. En outre, la dématérialisation du déclaratif entraîne celle des procédures de contrôle. La loi de finances rectificative du 29 décembre 2016 a créé un nouveau type de contrôle fiscal, appelé l’examen de comptabilité, entré en vigueur le 1er janvier 2017. Cet examen est une forme de contrôle fiscal à distance, fait par le vérificateur depuis son bureau à partir du FEC envoyé par le contribuable et pour lequel il faut être vigilant quant à la préservation de ses droits.
Vous avez une activité contentieuse importante. Avez-vous observé un durcissement des sanctions de l’administration envers les entreprises ?
La tendance est à l’alourdissement des pénalités. Toutefois, je pense que le traitement diffère en fonction de la taille des sociétés. Je travaille principalement avec de grandes entreprises, vérifiées par des brigades nationales. Mon sentiment est que les brigades de contrôle ont, historiquement, été plus dures au niveau local. Les grands groupes étaient sans doute mieux lotis et l’administration a tenté de rétablir un équilibre. Quelle que soit l’attitude de Bercy, notre rôle reste le même : assurer à nos clients le respect de leurs droits, et veiller à ce qu’il y ait un véritable échange avec l’administration.
Votre clientèle est principalement composée d’établissements de crédit. Quelles sont les spécificités inhérentes à ce secteur en termes de fiscalité ?
Nous évoluons dans un secteur très réglementé, ce qui a plutôt pour effet de rassurer l’administration fiscale.
Vous avez, pour vos clients, développé des compétences fortes en fiscalité locale. Quels sont les sujets qui vous occupent actuellement ?
Nous travaillons beaucoup sur la réforme de la valeur locative des locaux professionnels. Prévue dans la loi de finances rectificative de 2010, la réévaluation sera effective dès les prochaines impositions. Nous pressentons une augmentation des bases d’imposition ce qui devrait mener à une hausse de la taxe foncière et de la cotisation foncière des entreprises (CFE). En effet, la dernière révision date de 1970. Une mise à jour était prévue tous les six ans mais n’a jamais été effectuée, et les coefficients appliqués pour tenir compte, notamment, de l’inflation, n’ont pas reflété l’envol des prix de l’immobilier depuis près de cinquante ans.
Quel sera votre rôle dans le cadre de cette réforme ?
Tout le travail de réévaluation a été réalisé par l’administration fiscale. Il concerne environ trois millions de locaux professionnels. Notre rôle va être d’atténuer le passage de l’ancienne valeur à la nouvelle, grâce à des mécanismes prévus par les textes et voués à disparaître au fil du temps : coefficient de neutralisation, planchonnement et lissage. Nous serons donc présents pour accompagner nos clients dans leurs déclarations, mais aussi afin d’estimer les valeurs locatives, de 1970 comme d’aujourd’hui. Cela nous permettra, si nous contestons les méthodes de l’administration, d’aller éventuellement au contentieux.
« Nos clients attendent une plus grande sécurité juridique »
Qu’attendez-vous de la présidence Macron ?
L’orientation fiscale sous la présidence d’Emmanuel Macron va certainement être différente de celle de son prédécesseur s’il nomme un nouveau directeur général des finances publiques. L’administration Hollande avait mis l’accent sur les régularisations et le contrôle fiscal des particuliers. Quelle que soit l’orientation choisie, je ne pense pas que les entreprises seront moins contrôlées. Ce que nos clients attendent en revanche, c’est une plus grande sécurité juridique et une limitation des recours aux lois de finances rectificatives. Les sociétés ont besoin de connaître les règles du jeu. Le Président Macron l’a annoncé : s’il tient ses promesses, cela sera de nature à rassurer les investisseurs et à tranquilliser les entreprises.
Quelles qualités faut-il pour être un bon fiscaliste ?
Il faut être à l’écoute de ses clients. Nous avons fait le choix d’être présents aux côtés de nos clients tout au long du contrôle fiscal, en accompagnant les directeurs fiscaux lorsqu’un inspecteur est présent. Notre rôle est tout autant de rassurer que d’être en mesure d’expliquer une réglementation complexe et mouvante. Il faut avoir la capacité d’expliquer simplement les conséquences fiscales des décisions prises. Il faut également être dans l’anticipation, alerter mais aussi suggérer au client des actions en fonction de ses contraintes et de ses priorités.