Si les sources d’inquiétude concernant les marchés européens ne peuvent pas être passées sous silence, le directeur des investissements de DNCA Investment n’en reste pas moins confiant. Il nous en explique les raisons.

Décideurs. Malgré les inquiétudes politiques, notamment liées au Brexit, vous refusez de céder au pessimisme ambiant et continue à privilégier les actions de la zone Euro. Pour quelles raisons ?

Jean-Charles Mériaux. De nombreux facteurs me conduisent à être optimiste pour l’Europe à moyen terme. Certaines échéances politiques peuvent être sources d’inquiétude mais elles masquent, à mon sens, les nombreux éléments positifs. Il est très étonnant de voir les marchés européens analysés comme de simples dérivés des places boursières chinoises ou américaines. Pourtant, l’ensemble des indicateurs économiques de la zone euro passent progressivement au vert. L’un des éléments qui renforce ma confiance est l’hyper-compétitivité de ses entreprises. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder l’excédent courant de 320 milliards d’euros réalisé sur les douze derniers mois et l’excédent commercial supérieur à 250 milliards d’euros. L’excédent courant dégagé représente 3,1 % du PIB de la zone euro et lui donne les capacités de mieux absorber des chocs éventuels. Des chiffres à mettre en perspective avec ceux présentés par le Royaume-Uni  dont le déficit courant atteint 5 % de leur PIB.

 

Décideurs. Vous êtes également l’un de ceux qui soulignent les bienfaits de la politique menée par  la banque centrale européenne.

J.-C. M. En effet. La politique de la BCE a, d’une part, permis de baisser puis de stabiliser l’euro face au dollar. Elle a, d’autres part, soutenu l’augmentation des encours crédits vers le secteur privé. Une tendance qui profite aussi bien aux entreprises qu’aux ménages. En pratique, cela représente une croissance de 1,1 % des encours sur les quatre premiers mois de l’année, soit 83 milliards d’euros. Si cette dynamique se confirmait, on pourrait donc parvenir à un chiffre annuel de 250 milliards d’euros supplémentaires, l’équivalent de 2 % du PIB européen. Cette reprise du crédit me paraît solide et devrait soutenir la croissance. Elle ne fait que renforcer mes convictions quant à la pérennité de la reprise économique. Certes, ces chiffres pourraient bien évidemment être plus élevés mais il convient de les regarder à l’aune du climat d’incertitudes dans laquelle nous sommes plongés. Soulignons également l’augmentation des crédits à moyen terme souscrits par les entreprises et des crédits à la consommation. C’est l’une des raisons qui expliquent la hausse de 9 % du nombre d’immatriculations en Europe depuis le début de l’année. Pour conclure, je dirais que nous n’insistons pas assez sur les résultats encourageants de la politique de la BCE. On le voit avec l’évolution des courbes du chômage en Europe et aux États-Unis : nous suivons le même chemin, le Vieux-Continent a simplement trois ans et demi de retard sur les États-Unis.

 

Décideurs. Qu’en est-il de la France ?

J.-C. M. Je m’en tiendrais aux estimations faites par le Fonds monétaire international (FMI) et l’évolution des chiffres communiqués depuis un an. Ses prévisions publiées sont d’autant plus intéressante que l’on ne peut pas accuser cette institution de complaisance tant elle s’est toujours montrée extrêmement prudente vis-à-vis de la France. Depuis un an ces révisions étaient même revues à la baisse. Elle avait ainsi publiée une prévision de croissance de 1,1 % en 2016, un chiffre bien en deçà des prévisions officielles parues dans la loi de finances de 1,5 %. Or, à surprise générale, le FMI a reconnu qu’en définitive celle-ci serait proche de 1,5 % en 2016. J’aurais donc tendance à dire que cela va mieux, mais je ne voudrais surtout pas faire de politique. Mon optimisme est notamment soutenu par la publication d’indicateurs encourageants sur la confiance des ménages.

 

Décideurs. Quelles conséquences auraient le Brexit pour le Royaume-Uni et la zone Euro ?

J.-C. M. La sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne ouvrirait une période d’incertitude institutionnelle qui, reconnaissons-le, ne serait pas favorable pour les marchés financiers, bien que l’on pourrait toutefois en relativiser les conséquences économiques. Celles-ci seraient surtout gênantes pour la Grande-Bretagne. La part du PIB du Royaume-Uni réalisée avec la zone Euro par le canal des exportations est de 12,6 %. Inversement la part du PIB de la zone euro réalisée au Royaume-Uni est seulement 3,1 %.

L’Europe constitue un marché unique de biens et services très importants pour les entreprises anglaises. Le risque pour elles est de perdre l’accès à un marché de 450 millions de consommateurs. Cette inquiétude se matérialise déjà dans l’économie puisque le Royaume-Uni vient de réaliser son plus mauvais trimestre depuis quatre ans. Un chiffre qui s’explique par la rétention des investissements de la part des entreprises plongées dans l’attente des résultats du Brexit. En cas de retrait de l’Union européenne, plusieurs solutions s’offrent cependant à la Grande-Bretagne pour limiter ce préjudice. Elle pourrait ainsi suivre l’exemple de la Norvège et intègrer l’espace économique européen ou négocier comme la Suisse des accords de libre-échange.

 

Propos recueillis par Aurélien Florin

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