Le directeur de l’analyse des fonds de Morningstar France décrypte pour nous les évolutions du marché de la gestion d’actifs.

Décideurs. En 2015, les trackers européens ont collecté plus de 70 milliards d’euros. Comment expliquez-vous cette performance ?

Thomas Lancereau. Les raisons du succès de la gestion passive au cours de ces dernières années ne se sont pas démenties. Son attrait est principalement dû aux performances qu’elle est capable de générer. Celles-ci étant, en moyenne, supérieures à celle de la gestion active. Une performance que l’on peut principalement attribuer au fait que les frais inhérents à ces produits soient inférieurs à ceux des fonds classiques. La seconde raison qui peut expliquer l’engouement des investisseurs est liée à leur simplicité. Les trackers sont relativement faciles à comprendre puisqu’ils se contentent de répliquer un indice. Soyons toutefois vigilants quant à leur évolution. Nous observons, en effet, une tendance à la prolifération de produits répliquant des stratégies de plus en plus complexes. Un mouvement qui tend à les éloigner de leur objectif initial et qui s’accompagne, par ailleurs, d’une augmentation notable des frais. J’attire donc l’attention des investisseurs sur le fait de ne pas souscrire à toutes ces offres indicielles les yeux fermés.

 

Décideurs. Les fonds flexibles profitent d’une grande latitude en matière d’investissement. Une stratégie qui devrait, en principe, leur permettre de tirer profit de la forte volatilité dans laquelle les marchés sont aujourd’hui entrés. Ont-ils réussi à matérialiser cet avantage en 2015 ?

T. L. Cette question est d’autant plus importante que le contexte de marché s’y prête et que les flux à destination des fonds flexibles sont significatifs. Au cours de ces derniers mois, ce type d’allocation a rencontré un vif succès auprès des investisseurs. Et nous pouvons comprendre leur enthousiasme. Par définition, ces fonds flexibles ont la capacité de s’exposer au marché actions de 0 % à 100 %.

Ces fonds proposent ni plus ni moins que de participer à la hausse des marchés tout en limitant le risque de baisse. En 2015, ils n’ont malheureusement pas matérialisé l’avantage de leur grande latitude. Dans les faits, la moyenne des fonds d’allocation flexibles ont sous-performés la moyenne des fonds d’allocation modérés. Ces derniers étant ceux, au sens de Morningstar, contraints d’être investis en permanence entre 35 % et 65 % sur le marché actions. Les chiffres sont éloquents : la performance moyenne de l’année 2015 sur les allocations modérées est de 2,43 % tandis que sur la même période elle n’est que de 1,86 % pour les fonds flexibles. L’autre facteur à regarder absolument est celui du risque. On se rend compte que la volatilité a été modestement plus importante sur les fonds flexibles (2,69 %) que sur les fonds modérés (2,5 %). Si l’on regarde à plus long terme, sur des périodes de 3 ans, 5 ans ou 10 ans, les chiffres demeurent toujours en faveur de l’allocation modérée. C’est à mon sens l’un des enseignements majeurs de ces dernières années. Précisons toutefois que, derrière ces moyennes, des fonds flexibles parviennent à tirer leur épingle du jeu.

 

Décideurs. Quels seront les principaux défis des sociétés de gestion au cours des prochaines années ?

T. L. L’exigence de transparence reste un des challenges majeurs auxquels doit faire face l’industrie de la gestion collective dans les années à venir. Une transparence qui concerne les inventaires de portefeuilles. Depuis l’épisode de l’affaire Madoff, les sociétés de gestion française ont fait un travail de rattrapage colossal et sont désormais au même niveau que leurs homologues européens. Loin de pouvoir se reposer sur leurs lauriers, de nouveaux défis les attendent. Je pense entre autres à l’utilisation des produits dérivés. Donner aux investisseurs le portefeuille de valeurs brutes où l’utilisation des éventuels dérivés n’est pas précisée est un exercice très incomplet. L’exposition nette aux différentes classes d’actifs, devises ou zone géographiques peut être très différente selon l’usage qui est fait des dérivés. Il en est de même concernant les instruments utilisés pour couvrir tel ou tel risque identifié par les gérants. La directive UCITS V prévoit, en outre, la mise en place de plusieurs mesures visant à aligner les intérêts des investisseurs sur ceux des gérants. Elle fera probablement naitre de nouvelles exigences de la part des investisseurs. Des informations relatives aux investissements personnels des gérants dans les fonds qu’ils gèrent et au mode de calcul de la partie de leur rémunération liée à la performance du fonds seront, à mon avis, réclamées par les investisseurs.

 

Propos recueillis par Aurélien Florin

Retrouvez la suite de cet entretien dans l'édition 2016 du supplément « Gestion de patrimoine & gestion d'actifs » de Décideurs Magazine

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