La directrice du développement et des gestions spécialisées de l'Association Française de la Gestion financière (AFG) décrypte pour nous les différentes pratiques qui entourent l'investissement socialement responsable (ISR).

Décideurs. Le label public « Investissement socialement responsable » a officiellement vu le jour en 2016. Quelles conditions les sociétés de gestion doivent-elles respecter pour en bénéficier ?

Laure Delahousse. Ce label est une bonne nouvelle pour l’ISR. Il montre la volonté politique de pousser l’ISR, en particulier auprès du grand public pour leurs produits d’épargne. En créant ce label, les pouvoirs publics se trouvaient face à un double challenge. Ne pas étouffer l’ISR dans une définition stricte alors que c’est une matière jeune qui évolue – la COP 21 et les débats sur la transition énergétique l’ont encore montré fin 2015 – mais aussi donner un cadre exigeant à l’ISR qui mette en avant sa spécificité. Le cahier des charges répond à cette exigence et traduit la diversité des approches qui font la richesse de l’ISR. Les sociétés de gestion qui candidateront au label devront montrer le professionnalisme de leur méthode (expertise des équipes, recours à des agences de notation extra-financières…) et les critères de construction de leurs portefeuilles ISR en comparaison des portefeuilles classiques. Enfin, il y a un point nouveau : les fonds devront publier des indicateurs d’impact social, environnemental et de gouvernance qui illustrent la politique de gestion ISR. Comme, par exemple, l’empreinte carbone du portefeuille, le taux d’absentéisme ou l’intégration de critères ESG dans la politique de rémunération variable des dirigeants des entreprises du portefeuille. En bref, ce label public est un gage de sérieux pour les épargnants qui choisiront un fonds labellisés, par exemple via leur contrat d’assurance-vie en unité de compte.

 

Décideurs.Chaque acteur peut avoir sa propre définition et sa propre pratique de l’ISR (best effort, best in class, évitement). Ne faudrait-il pas créer un filtre unique et délivrer un label ISR directement aux entreprises ?

L. D. Il est important de bien distinguer deux choses. L’ISR, investissement socialement responsable, est la déclinaison des principes du développement durable appliqués aux placements financiers, alors que la RSE, Responsabilité Sociale des Entreprises, est la déclinaison de ces mêmes principes aux entreprises. Les deux approches sont bien sûr complémentaires et indissociables mais le label s’applique bien à des fonds de placement et non à des entreprises. Son objectif est de promouvoir l’ISR auprès des épargnants en garantissant la qualité du processus de sélection des valeurs sur ces principes et en montrant leur impact. La question du filtre unique a été assez vite écartée pendant la consultation menée par les pouvoirs publics auprès de l’ensemble des parties prenantes : émetteurs, syndicats, ONG, associations, agences de notation, gérants… Aucune ne s’est prononcée pour un alignement de toutes les pratiques ISR sur une norme commune. Labellisation ne veut donc pas dire uniformisation. Mais en effet, il ne faut pas que la diversité des pratiques nuise à la lisibilité par le grand public. C’est par la qualité de la communication auprès des clients qu’on leur donnera envie de placer leur épargne sur des fonds ISR. Il y a encore beaucoup de chemin à parcourir sur ce point mais le label ISR va nous y aider. Quant à délivrer un label directement aux entreprises, nous n’y croyons pas. Il n’y a qu’à voir par exemple les débats au niveau européen sur le nucléaire comme énergie propre ou non pour se rendre compte qu’il est impossible d’avoir une notation unique des entreprises sur les critères ESG.

 

A. F. 


Retrouvez la suite de cet entretien dans l'édition 2016 du supplément « gestion de patrimoine & gestion d'actifs » du magazine décideurs

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