Comme l’explique Arlette Darmon, notaire au sein du groupe Monassier, le règlement européen sur le régime des successions internationales est une véritable révolution. Principale disposition : il permet de choisir la loi qui s’appliquera le moment venu à la transmission de son patrimoine.

Décideurs. Le règlement européen entré en application le 17 août 2015 vient modifier le régime des successions internationales. Qu’entend-on par succession internationale ?

Arlette Darmon. Il s’agit d’une succession présentant un élément d’extranéité. Cela concerne notamment les couples de nationalités différentes, des personnes mariées de mêmes nationalités mais qui s’installent à l’étranger ou encore ceux disposant de biens dans différents pays. De multiples hypothèses existent. Pour régler une telle succession il faudra s’interroger sur un certain nombre d’éléments. La première question à se poser est liée à la nature du régime matrimonial sous lequel sont mariés les époux. Car avant de réaliser le règlement de la succession, il sera nécessaire de liquider le régime matrimonial. Or le texte européen n’apporte aucune réponse à ce sujet, celui-ci étant seulement à l’étude.

 

Décideurs. La détermination du régime matrimonial est-elle aussi plus complexe lorsqu’il y a un élément d’extranéité ?

A. D. Sa détermination est, en réalité, assez simple lorsque les époux ont établi un contrat de mariage puisque à cette occasion ils ont choisi la loi et le régime applicable. En revanche, cela devient plus complexe pour ceux qui n’en ont pas réalisé. Prenons l’exemple de deux Français qui se marient en France sans contrat de mariage et qui, quelques semaines plus tard, quittent le pays pour aller s’installer à New York pendant cinq ans. Contrairement à ce qu’ils peuvent penser, ce n’est pas le régime de la communauté réduite aux acquêts qui prendra effet aux États-Unis mais bien celui de la séparation de biens, régime applicable par défaut à New York. Pour quelles raisons? Tout simplement car le régime amené à s’appliquer est celui du premier domicile stable après le mariage. Est, à ce titre, considéré comme un domicile stable, celui où est installé un couple depuis au moins deux ans. Continuons la réflexion avec ces mêmes mariés qui décident ensuite de partir en Suède pour s’y installer une dizaine d’années. Selon le principe de la mutabilité automatique, après dix ans passés dans un pays, ils seront attachés au régime matrimonial du nouveau pays. Heureusement, il est cependant possible de régulariser la situation en faisant une déclaration dite de loi applicable. Ainsi le couple pourra décider de façon rétroactive la loi applicable à leur mariage.

 

Décideurs. Quels sont les changements apportés par ce règlement ?

A .D. Grâce à ce règlement européen, une loi unique s’appliquera à l’ensemble de la succession, ce qui n’était jusqu’à présent pas le cas. Pour les biens immobiliers, il était appliqué la loi de situation des biens. Tandis que pour les biens meubles, c’était la loi du domicile du défunt. Ainsi pour une même succession, plusieurs lois pouvaient être mises en œuvre. Désormais, la France reconnaît l’application d’une loi unique qui est celle de la résidence habituelle du défunt, et ce, même s’il s’agit de la loi d’un état non-membre de l’Union européenne. Mais attention, la personne qui prépare sa succession a également la possibilité d’opter pour une autre loi, celle de sa nationalité. En pratique, ce nouveau texte va grandement faciliter le règlement des successions européennes. Précisions que ce dernier a été signé par la majorité des membres de l’Union à l’exception du Royaume-Uni, de l’Irlande et du Danemark qui sont, par conséquent, considérés comme des pays tiers. Malgré tout, ce règlement pourra avoir des applications dans les pays non signataires.

 

Décideurs. Ce texte a également permis la création d’un certificat successoral européen. En quoi consiste-t-il ?

A. D. Il détermine au moment de la succession quelles sont les personnes qui ont la qualité d’héritier, en fonction de la loi et des dispositions testamentaires prises par le défunt. Il sera unique et opposable dans tous les pays signataires. Prenons le cas de l’Angleterre, État non signataire. Si le défunt a opté par testament pour la loi anglaise, le notaire français donnera alors compétence à la loi britannique pour déterminer qui dispose de la qualité d’héritier. 

En revanche, le texte a laissé le soin à chacun des pays de désigner l’autorité compétente pour établir ce certificat. En France, c’est le notaire qui a cette charge, tandis qu’en Allemagne, seul le tribunal a le pouvoir d’établir un certificat successoral européen.

 

Décideurs. Ces nouvelles dispositions vont-elles modifier les règles relatives à la fiscalité successorale ?

A. D. Non. Le règlement européen ne régit que les aspects de droit civil. Les conventions fiscales établies entre les pays demeurent. Cependant, cela serait faux de prétendre que ce règlement européen n’a aucun impact sur le plan fiscal. En fonction de la qualité d’héritier, qui n’est pas la même d’un pays à l’autre, il pourrait y avoir des incidences importantes. La personne redevable des droits de succession ainsi que la masse taxable est déterminée par la loi civile, par application du règlement européen. Ainsi, pour une personne qui vit en Espagne et choisit la loi civile de ce pays, s’il dispose d’un bien immobilier en France, il verra alors le ou les bénéficiaires dudit bien payer des droits de succession en France. Une taxation qui sera en l’occurrence dûe par les héritiers déterminés par la loi espagnole. Or ces derniers peuvent être totalement différents que ceux qui auraient été désignés par la loi française.

 

Propos recueillis par Aurélien Florin

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