Dans l’univers froid des cabinets d’audit, il existe une planète pas comme les autres, où les consultants s’appellent entre eux les Mazariens. Cette planète, c’est le cabinet d’audit Mazars, dont la culture d’entreprise unique change les mentalités et attire les jeunes talents. Aux commandes, Laurent Choain et une équipe RH engagée. Rencontre.

De grands serpentins de led oscillent sur le sol gris, une hauteur sous plafond de plus d’une dizaine de mètres donne un sentiment de gigantisme. Entre celles de Total et Areva, me voici à l’accueil de la vertigineuse tour du cabinet d’audit Mazars. Quatorzième étage. Les portes de l’ascenseur s’ouvrent, la pièce, baignée de lumière, regarde vers La Défense. Je dois être reçue par Laurent Choain, pour l’interviewer sur la politique RH du groupe. Mais c’était sans connaître le personnage. Pour lui, chez Mazars, les ressources humaines fonctionnent comme une famille. Alors, pour discuter formation et marque employeur, je rencontrerai chaque membre de la fratrie.

 

Comme une famille

 

Je suis accompagnée dans une grande salle, où deux femmes et deux hommes m’attendent, sourire aux lèvres, tous les quatre vêtus de bleu marine « Nous sommes une équipe jusqu’au bout du look », commente Laurent Choain. Autour de la table, Olivia de Fay pilote le recrutement et les relations écoles de la filiale française. « Sur mille recrutés, 400 ont rejoint le siège parisien », m’indique-t-elle. Dans un groupe de plus de 15 000 personnes, la France représente près d’un tiers des recrutements. « À mon arrivée, nous étions 1 200 » remarque Martin Huerre, DRH France, dans les murs du cabinet depuis plus de dix-huit ans. À ses côtés, celle qui se décrit comme un « bébé Mazars ». Mathilde Le Coz, recrutée en 2004 en tant que consultante, est en charge désormais de l’innovation RH et de la promotion de l’intrapreunariat chez Mazars. Lorsqu’on évoque le turnover de 20 % du cabinet, elle m’explique qu’il « n’est pas une donnée cachée et révèle notre capacité à faire grandir les consultants. En France, seuls 1 % des collaborateurs partent pour rejoindre des cabinets concurrents et 13 % optent pour l’aventure entrepreneuriale. Une expérience chez Mazars est toujours un tremplin. » Clôturant le tour de table, Laurent Choain, directeur des ressources humaines du groupe, se présente à son tour : « On m’identifie exagérément comme un DRH "médias sociaux". Lorsque j’ai rejoint Mazars, personne n’a compris sur le coup, l’audit ayant plutôt une image austère et un modèle de partnership assez statutaire. Mais j’y voyais un potentiel de modernité unique ».

 

En immersion

 

Parmi les effectifs, 75 % sont des jeunes diplômés. Alors pour attirer les meilleurs, le cabinet casse les codes des très policés discours corporate. Lorsque je les interroge sur la box Mazars, des vidéos en ligne où les auditeurs répondent à des questions à l’aide d’un buzzeur, Martin Huerre me fait remarquer : « C’était l’une de nos premières initiatives, nous voulions surfer sur la tendance de la boîte à questions du Grand Journal. Depuis, nous avons mis en place une action tous les six mois ! ». Et voilà le DRH France, feutre à la main, me détaillant l’ensemble du calendrier sur un tableau. Mai 2013, le tumbler « Ciel je suis un mazarien » est un premier succès. « Les associés sont ceux qu’on modère le plus », me confie Olivia de Fay. Mai 2014, on retrouve l’esprit Canal dans le concours des tutos. Je visionne la vidéo du gagnant sur la tablette de Laurent Choain. Un jeune homme en débardeur, cheveux en bataille et le corps gribouillé de peinture, reprend exactement la voix criarde et l’humour potache de Jérôme Niel. Octobre 2014, la web série « Les mazariens, ils ne font rien comme les autres » raconte, en plusieurs épisodes, la vie d’un jeune consultant, incarné par des petits hommes ronds tout bleu. «Le but était de démystifier le travail des auditeurs », explique Martin Huerre. Après la présentation du dynamic CV, une solution servitielle pour aider les étudiants à modéliser leur CV, Laurent Choain me propose de tester « Looking for talent », la dernière opération en date. Je connecte alors mon compte LinkedIn à l’application et renseigne quelques informations personnelles. La vidéo commence. Une bande annonce de film hollywoodien ouvre les hostilités et me voilà au centre de l’intrigue, une équipe de recruteurs débattant sur le potentiel de mon profil. L’occasion de découvrir les locaux à travers une expérience vidéo rythmée et originale. Séduit par mon parcours, un des recruteurs décide de me contacter et mon téléphone sonne. Lorsque je réponds, une voix m’indique que mon profil l’intéresse et m’invite à envoyer mon CV à l’adresse du site carrières de Mazars, que je reçois, deux secondes après, par SMS. Alliant immersion vidéo et réalisme, l’expérience décalée et la réalisation technique sans faille sont surprenantes. Décidément, dans la citadelle de la marque employeur, ils ne font vraiment rien comme les autres, ces Mazariens.

 

Le contrat psychologique

 

Une valse d’innovation qui, au delà du marketing RH, sert l’engagement du cabinet à l’égard des primo-entrants. « Pour la majorité des consultants, Mazars est leur première expérience professionnelle. Il ne faut pas de décalage entre le contrat psychologique et la maque employeur », commente Laurent Choain. Un discours de vérité qui influence aussi leurs process de true recruitment, « À chaque session de recrutement, les candidats rencontrent les mazariens dans un cadre informel et peuvent échanger sans filtre », explique Olivia de Fay. « Lors du Talent Day, nous ouvrons les portes du cabinet pour faire découvrir l’environnement de travail et les équipes ». Alors que Mazars reçoit plus de 30 000 candidatures par an, interdit de parler de ROI. « La notion de retour sur investissement s’accommode mal de l’innovation. Le ROI est un barrage à l’agilité et aux idées neuves. »

 

Un MBA maison

 

Et des idées neuves, Laurent Choain n’en manque pas, ni pour attirer la génération Y, ni pour former la gouvernance de demain. Recruté pour organiser la succession de Patrick de Cambourg, le DRH a short-listé soixante dix personnes du groupe capables de prendre la relève. Mais pour les former, aucun MBA ne convient au DRH : « Seul Trium d’HEC pouvait correspondre, mais le coût est prohibitif si on cherche à développer une communauté de leaders, et pas quelques héros solitaires.» Pas de quoi freiner l’entrepreneur des RH, « Le marché ne répondait pas à nos besoins, alors nous avons prototypé The Next MBA, un MBA interentreprises qui forme au leadership. Aujourd’hui, il est ouvert à tous. Des exécutifs d’Auchan, de L’Oréal ou encore de Manpower et Saint Gobain suivent le programme.» Car l’homme croit au leadership partagé, une valeur qui structure son management mais aussi ses bureaux, que je découvre lorsqu’il m’accompagne faire le tour du propriétaire avant mon départ, « Nous avons volontairement abandonné nos bureaux individuels. Travailler seul, on sait trop faire. Aujourd’hui, la position de travail normale c’est ensemble autour d’une table. La situation exceptionnelle, c’est de s’isoler.» Une vision qui fait la différence dans un milieu où l’individualité colle à la peau du consulting. « Nous n’avons pas la vocation d’être le cinquième Big four. Si nous ne sommes pas leader sur la profession, nous le serons par l’organisation.» Alors que je passe les portes de la tour, une nouvelle notification fait vibrer mon téléphone « Laurent Choain vous suit sur Twitter ». Le DRH des médias sociaux ne mentait pas.

 

Alexandra Cauchard

 

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