La crise a enclenché un processus de modernisation de l’économie et des marchés. Conjuguée à une baisse sans précédent des taux d’intérêt, elle a également favorisé le
Décideurs. Quel regard portez-vous sur le marché de la gestion de patrimoine ?

Marc Legardeur. Avant toute chose, l’année 2015 s’annonce sur le plan macroéconomique comme meilleure que les années précédentes pour la zone euro. Ce redémarrage est le bienvenu et devrait constituer un point très structurant pour le marché de la gestion de patrimoine français. Un marché qui a notamment vu depuis quelques années une clientèle haut de gamme acquérir une vision globale de leur patrimoine. Avant la crise de 2008, «?faire de la gestion de patrimoine?» se limitait à optimiser les placements de ses clients pour leur offrir la meilleure rentabilité possible. Cette approche pour le moins réductrice a largement évolué ces dernières années. Désormais, le patrimoine est géré de manière transversale, autant du côté de l’actif que du passif. Les attentes des clients ont, elles aussi, changé. Ils s’interrogent davantage sur des sujets touchant à la transmission de leur patrimoine et à la dépendance.

Décideurs. Vous évoquez le fait que le crédit est devenu un sujet incontournable. Pourquoi est-il important d’avoir une vision crédit dans la gestion de son patrimoine ?

M. L.
L’utilisation de l’outil crédit dans le cadre de la mise en œuvre d’une stratégie patrimoniale efficace est devenue incontournable. Il est essentiel de gérer ses actifs et ses passifs en même temps. La période de taux d’intérêt bas et les contraintes juridiques et fiscales que nous connaissons actuellement sont autant de paramètres qui renforcent notre conviction. Je soulignerai à ce titre le travail de monétisation du patrimoine immobilier que nous réalisons pour nos clients au sein de notre banque patrimoniale et ce, afin de les accompagner au mieux dans la concrétisation de leurs projets. Depuis de nombreuses années, nous avons eu tendance à oublier cette dimension «?passif?» dans notre approche patrimoniale. Ce constat vaut également pour les chefs d’entreprise en passe de vendre leur société. Le plus souvent, leur patrimoine est quasi exclusivement constitué par cette entreprise. Ils ont donc besoin d’anticiper sa vente
et de diversifier la gestion de leur patrimoine. Encore une fois, le crédit patrimonial répond parfaitement à cette problématique.

Décideurs. Le terme «?patrimonial?» dans Axa Banque patrimoniale qualifie-t-il le cœur de votre banque, c’est-à-dire le crédit ?

M. L.
Le crédit patrimonial est l’une des solutions que nous pouvons mettre à disposition de nos clients. L’actualité des taux bas combinée avec le faible taux d’équipement de la clientèle HNWI française en crédit fait que le crédit patrimonial se retrouve en «?tête de gondole?» aujourd’hui. Mais cela n’est immuable. Nous n’avons pas vocation à faire du crédit pour du crédit, mais surtout à travailler dans une vraie stratégie patrimoniale afin de fidéliser nos clients. Pour cela nous travaillons main dans la main avec nos partenaires : les CGPI, les agents généraux d’Axa ou encore nos partenaires bancaires avec qui nous privilégions un concept de banque «?amie?», sans concurrence avec eux. Nous disposons également d’une expertise financière de premier ordre. En pratique, les solutions d’investissement que nous proposons se répartissent en fonction des besoins et des objectifs de placement de nos clients (OPCVM, titres vifs, fonds dédiés ou encore gestion sous mandat).

Décideurs. Quels seront, selon vous, les prochains relais de croissance des banques privées ?

M. L.
Je distingue trois grands relais de croissance. Le premier concerne l’accompagnement de nos clients à l’international. Un grand nombre de banques privées ont déjà ouvert, ou sont en passe d’ouvrir, des bureaux en Belgique, au Luxembourg ou ailleurs.
Le second relais passera par la reconquête de la dimension crédit que certaines banques privées avaient trop vite abandonnée. Les directions des principaux acteurs du marché en ont conscience. Un mouvement allant dans ce sens a d’ailleurs été enclenché ces derniers mois. Pour preuve, les banques privées avec qui nous sommes partenaires dans la conduite de leurs offres de financement nous ont transmis un grand nombre de dossiers depuis le début de l’année. Une dynamique qui nous a ainsi permis d’atteindre en seulement six semaines 50?% de notre chiffre d’affaires 2014 réalisé sur ce segment de clientèle.
Le troisième relais de croissance est lié à la dimension de conseil. Les banques privées ne doivent plus être regardées comme de simples entités commerciales mais comme de véritables conseils capables d’établir des stratégies patrimoniales efficientes pour des clients dont la fiscalité a été considérablement alourdie et qui ont, en plus, dû subir plusieurs crises financières.

Décideurs. La profession de conseiller en gestion de patrimoine pourrait être soumise à de profonds bouleversements ces prochaines années. Cela pourrait-il modifier en profondeur le paysage de la gestion de patrimoine ?

M. L. Le processus de modernisation de l’économie et des marchés est engagé et devrait s’étendre, tôt ou tard, à l’ensemble des acteurs financiers (banques, assurances, CGP, family office…). L’environnement réglementaire réclame davantage de transparences dans l’exercice du métier, y compris sur celui de conseil en patrimoine. Le client aura une vision encore plus précise de ce que l’on fait avec son argent. Chaque décision et chaque conseil devront systématiquement faire l’objet d’une justification écrite. Aujourd’hui c’est déjà le cas. La réglementation se poursuit et va dans le sens d’une plus grande transparence. En conséquence cela devrait modifier le travail des acteurs et leur permettre de se concentrer sur leur expertise : le conseil en organisation patrimoniale et en investissement financier. L’exercice du métier sera beaucoup plus sous contrôle. Cela créera un environnement «?sain?» de l’activité.

Décideurs. Comme en témoigne l’émergence du PEA-PME ou des fonds euro-croissance, les politiques souhaitent ardemment rediriger une  partie de l’épargne des Français vers le financement de l’économie réelle. Est-ce un objectif voué à l’échec ?

M. L. Les banques patrimoniales ou privées ont un rôle à jouer dans le transfert de l’épargne des Français vers l’économie réelle.
Nous avons en face de nous deux typologies de clients. La première est celle ayant par nature de l’appétence pour des produits plus risqués comme les comptes-titres, les plans d’épargne en actions ou les unités de compte. J’en conviens parfaitement, cet attrait me paraît encore très limité eu égard aux nombreux avantages de ces placements. La seconde concerne les clients qui souhaiteraient bénéficier d’un rendement sur leur épargne plus important mais qui ne se sentent pas très à l’aise sur la réflexion à mener. Nous avons, banques patrimoniales, une vraie dimension de conseil et de service à délivrer.

Propos receuillis par Aurélien Florin

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