« Aujourd’hui les marges ne sont pas suffisantes pour permettre l’augmentation du forfait social sans que cela ne soit pas répercuté sur le montant versé aux salariés »
Entretien avec Philippe Crevel, économiste, secrétaire général, Cercle des épargnants
Décideurs. Quels sont les besoins et les attentes des employeurs en matière d’épargne salariale ?
Philippe Crevel. Aujourd’hui, s’agissant de l’épargne salariale, le principal souci d’un employeur concerne la stabilité de la législation en vigueur, et plus généralement de la réglementation. C’est une source de complication. Dans les grandes entreprises mais aussi dans les PME, l’épargne salariale se planifie financièrement et par ailleurs fait l’objet d’accords avec les partenaires sociaux qui courent sur trois à quatre ans.
L’épargne salariale est victime de modifications permanentes depuis son apparition, soit pour des raisons fiscales, soit pour soutenir la conjoncture avec l’instauration de déblocages exceptionnels. Ces remises en cause incessantes sont très déstabilisantes pour les entreprises ainsi que pour les salariés qui en bénéficient. Le contexte actuel est peu porteur.
La situation économique en 2012, très incertaine, constitue le deuxième obstacle. Cela peut contraindre les entreprises à minorer les enveloppes dédiées à l’épargne salariale. Mais si cet outil de rémunération n’est pas forcément bien compris par les pouvoirs publics, il l’est par les partenaires sociaux et par les salariés. Nous l’avons vu récemment avec le forfait social : les meilleurs défenseurs de l’épargne salariale se trouvaient parmi les partenaires sociaux. Initialement, le gouvernement voulait assujettir l’épargne salariale au barème de l’impôt sur le revenu : ils ont bloqué cette mesure. Le discours actuel sur ce sujet est plus consensuel qu’on ne le croit. C’est un outil qui, malgré sa modestie, commence à être compris par les bénéficiaires et les partenaires sociaux.
Enfin, dans les objectifs d’intéressement, des aspects de développement durable apparaissent. Les entreprises essayent d’associer ces questions au mode de rémunération de leurs salariés.
Décideurs. Le forfait salarial est passé cette année de 8 à 20 %. Quelles vont être les conséquences directes à court et moyen terme ?
P. C. La poche dévolue à l’intéressement et la participation n’est pas extensible à l’infini. Par ailleurs, les marges des entreprises sont mises à mal car nous ne sommes pas dans une période de faible croissance. De fait, le passage de 8 à 20 % va être intégré dans l’enveloppe qui était prévue, avec pour conséquence une diminution, à terme, du montant directement versé aux salariés. C’est malheureusement prévisible dans un grand nombre d’entreprises. Aujourd’hui les marges ne sont pas suffisantes pour permettre l’augmentation du forfait social sans que cela ne soit pas répercuté sur le montant versé aux salariés. L’exemple de Dassault qui a dénoncé ses accords de participation et d’intéressement risque de faire tâche d’huile.
Décideurs. Pensez-vous que le gouvernement puisse atteindre son but, à savoir éviter la substitution des hausses de salaires par l’épargne salariale ?
P. C. Je crois que c’est un faux débat. Preuve en est la modicité de l’épargne salariale en France au sein des rémunérations complémentaires : ce dispositif offre un mois de salaire en plus, voire deux dans certaines entreprises, mais les montants alloués restent relativement limités.
L’objectif premier de l’épargne salariale est de partager les profits entre salariés et actionnaires, d’intéresser les salariés à la bonne marche de l’entreprise, de les fidéliser. C’est un outil complémentaire à la rémunération : il y a bien évidemment des excès dans certains cas, comme partout. Mais dans la très grande majorité, il ne constitue jamais un substitut au salaire en tant que tel.
Il ne faut pas fantasmer sur cet outil. Rentrer dans le débat permettrait de donner raison à ceux qui pensent qu’il y a une volonté de la part des employeurs de limiter les augmentations de salaire et privilégier ce type d’outils sur la participation.
Décideurs. Quelles sont vos recommandations pour optimiser cet outil ?
P. C. Je constate un manque de communication de la part des entreprises : elles n’expliquent pas suffisamment aux salariés ce que sont l’intéressement et la participation. Pour eux, il s’agit simplement d’un complément de revenu qui est versé une fois par an. Les formules, pour calculer l’intéressement et la participation, et la fiscalité sont relativement complexes et n’incitent pas à faire des efforts. Globalement, l’épargne salariale est perçue comme un cadeau, sans explication économique. La légitimité du produit serait renforcée par la communication : son origine, sa répartition...
Aujourd’hui, les salariés gèrent peu leur épargne salariale. Elle n’est pas considérée comme un outil d’épargne à part entière. La fatalité s’est installée : les pouvoirs publics entendent revenir sur ces outils de fidélisation que sont l’épargne salariale, les actions gratuites ou les stock-options… Pour compenser certains excès et pour trouver quelques recettes de plus, les pouvoirs publics risquent de pénaliser 12 millions de salariés.
Philippe Crevel. Aujourd’hui, s’agissant de l’épargne salariale, le principal souci d’un employeur concerne la stabilité de la législation en vigueur, et plus généralement de la réglementation. C’est une source de complication. Dans les grandes entreprises mais aussi dans les PME, l’épargne salariale se planifie financièrement et par ailleurs fait l’objet d’accords avec les partenaires sociaux qui courent sur trois à quatre ans.
L’épargne salariale est victime de modifications permanentes depuis son apparition, soit pour des raisons fiscales, soit pour soutenir la conjoncture avec l’instauration de déblocages exceptionnels. Ces remises en cause incessantes sont très déstabilisantes pour les entreprises ainsi que pour les salariés qui en bénéficient. Le contexte actuel est peu porteur.
La situation économique en 2012, très incertaine, constitue le deuxième obstacle. Cela peut contraindre les entreprises à minorer les enveloppes dédiées à l’épargne salariale. Mais si cet outil de rémunération n’est pas forcément bien compris par les pouvoirs publics, il l’est par les partenaires sociaux et par les salariés. Nous l’avons vu récemment avec le forfait social : les meilleurs défenseurs de l’épargne salariale se trouvaient parmi les partenaires sociaux. Initialement, le gouvernement voulait assujettir l’épargne salariale au barème de l’impôt sur le revenu : ils ont bloqué cette mesure. Le discours actuel sur ce sujet est plus consensuel qu’on ne le croit. C’est un outil qui, malgré sa modestie, commence à être compris par les bénéficiaires et les partenaires sociaux.
Enfin, dans les objectifs d’intéressement, des aspects de développement durable apparaissent. Les entreprises essayent d’associer ces questions au mode de rémunération de leurs salariés.
Décideurs. Le forfait salarial est passé cette année de 8 à 20 %. Quelles vont être les conséquences directes à court et moyen terme ?
P. C. La poche dévolue à l’intéressement et la participation n’est pas extensible à l’infini. Par ailleurs, les marges des entreprises sont mises à mal car nous ne sommes pas dans une période de faible croissance. De fait, le passage de 8 à 20 % va être intégré dans l’enveloppe qui était prévue, avec pour conséquence une diminution, à terme, du montant directement versé aux salariés. C’est malheureusement prévisible dans un grand nombre d’entreprises. Aujourd’hui les marges ne sont pas suffisantes pour permettre l’augmentation du forfait social sans que cela ne soit pas répercuté sur le montant versé aux salariés. L’exemple de Dassault qui a dénoncé ses accords de participation et d’intéressement risque de faire tâche d’huile.
Décideurs. Pensez-vous que le gouvernement puisse atteindre son but, à savoir éviter la substitution des hausses de salaires par l’épargne salariale ?
P. C. Je crois que c’est un faux débat. Preuve en est la modicité de l’épargne salariale en France au sein des rémunérations complémentaires : ce dispositif offre un mois de salaire en plus, voire deux dans certaines entreprises, mais les montants alloués restent relativement limités.
L’objectif premier de l’épargne salariale est de partager les profits entre salariés et actionnaires, d’intéresser les salariés à la bonne marche de l’entreprise, de les fidéliser. C’est un outil complémentaire à la rémunération : il y a bien évidemment des excès dans certains cas, comme partout. Mais dans la très grande majorité, il ne constitue jamais un substitut au salaire en tant que tel.
Il ne faut pas fantasmer sur cet outil. Rentrer dans le débat permettrait de donner raison à ceux qui pensent qu’il y a une volonté de la part des employeurs de limiter les augmentations de salaire et privilégier ce type d’outils sur la participation.
Décideurs. Quelles sont vos recommandations pour optimiser cet outil ?
P. C. Je constate un manque de communication de la part des entreprises : elles n’expliquent pas suffisamment aux salariés ce que sont l’intéressement et la participation. Pour eux, il s’agit simplement d’un complément de revenu qui est versé une fois par an. Les formules, pour calculer l’intéressement et la participation, et la fiscalité sont relativement complexes et n’incitent pas à faire des efforts. Globalement, l’épargne salariale est perçue comme un cadeau, sans explication économique. La légitimité du produit serait renforcée par la communication : son origine, sa répartition...
Aujourd’hui, les salariés gèrent peu leur épargne salariale. Elle n’est pas considérée comme un outil d’épargne à part entière. La fatalité s’est installée : les pouvoirs publics entendent revenir sur ces outils de fidélisation que sont l’épargne salariale, les actions gratuites ou les stock-options… Pour compenser certains excès et pour trouver quelques recettes de plus, les pouvoirs publics risquent de pénaliser 12 millions de salariés.