« La fonction RH est structurellement engagée sur l’avenir. »
Décideurs. Comment favoriser la parité dans les comités de direction ? Qu’en est-il chez Maaf ?

Véronique Jolly. Il n’y a pas de solution miraculeuse ni de solution spécifique aux comités de direction. Si l’on s’exonère de travailler sur l’égalité professionnelle Femme/Homme dès le début des filières, cela ne sert à rien. On revient sur des politiques de quotas, qui certes peuvent être rapides en résultats, mais qui ne semblent pas être forcément le meilleur vecteur. Il y a toujours une suspicion sur la compétence des personnes désignées. Pour promouvoir la parité, il est nécessaire de s’interroger dès le démarrage des parcours professionnels.
Afin de casser le plafond de verre, il faut se donner des moyens et aller au-devant de candidatures féminines qui nécessitent peut-être une meilleure identification des potentiels. Il est également nécessaire de travailler sur les stéréotypes agissant dans les organisations. Plus le poste est à responsabilité, plus il est dans un carcan de stéréotypes assez forts. Une meilleure alimentation des viviers, un système proactif et oser des choix qui paraissent moins évidents sont trois clés intéressantes. On peut également octroyer un rôle aux processus RH en boostant ou en donnant la priorité aux candidatures féminines auprès des managers qui prennent les décisions finales. Nous avons besoin d’incitations innovantes car sinon les systèmes reproduisent les situations qu’ils connaissent.

Chez Maaf, la situation est caractérisée. Le comité de direction est plutôt masculin alors que les femmes sont majoritaires dans l’entreprise. Cette inversion apparaît dès les premières strates de cadres, qu’ils soient dits techniques ou encadrants. Sur les dernières années, nous avons intégré d’excellents profils féminins, par recrutements externes ou valorisation de parcours internes. Nous sommes en train de faire bouger les lignes, mais ce n’est que le début de la période de transition et il nous faudra être cohérents et vigilants dans le temps.


Décideurs. Quelle importance accordez-vous à la culture d’entreprise ?

V. J. La culture d’entreprise est essentielle, ce qu’on appelle aussi les valeurs internes : c’est un terreau « immatériel » qui permet un lien social interne. L’importance du « phénomène culturel » en interne est réelle et sera de plus en plus cruciale, d’autant plus que les entreprises changent, sont de plus en plus bousculées par un contexte externe fort. Maintenant, comment créer ce lien ou le travailler ? C’est très délicat. On ne crée pas une culture mais on peut la stimuler, la préserver. Notre rôle est de l’identifier correctement et de définir ce sur quoi on veut capitaliser, quels sont les éléments positifs et agissants, ceux qui vont permettre de bien vivre les changements...
C’est la raison pour laquelle nous voyons apparaître de nouveaux postes dans les organisations, tels que les CCO (Chief Culture Officer, ndlr), afin de stimuler ces phénomènes, capitaliser sur ces valeurs relationnelles, ou bien travailler à un effet miroir, à savoir communiquer l’identité de l’entreprise auprès des collaborateurs. Ces derniers vont passer une grande partie de leur vie au sein de l’entreprise et il faut qu’ils s’identifient à cet écosystème, que ce dernier leur convienne et leur permette de bien vivre : c’est ce qui donne de la satisfaction dans la collaboration.

Décideurs. Assiste-t-on à une transformation de la fonction RH ?

V. J.
La fonction RH n’est pas perçue comme stratégique par l’ensemble des collaborateurs : elle garde encore quelquefois son image de fonction support, d’administration du personnel. Pourtant, la satisfaction des collaborateurs, la capacité à faire évoluer l’entreprise, sa culture, sont au cœur des préoccupations RH. La fonction est devenue très intégrée au métier et donc stratégique. C’est un domaine sensible, très encadré juridiquement mais en même temps très lié à ce qui est systémique, relationnel. Il est donc nécessaire de « sécuriser » l’entreprise d’un côté, tout en permettant la transformation de cette dernière. Les RH sont par nature une fonction évolutive, proche de la direction générale. Notre travail a deux facettes : celle vue et comprise de tous qui consiste à valoriser les compétences internes, à mettre en place des dispositifs de facilitations internes, et celle plus confidentielle et stratégique qui sécurise l’entreprise dans ses organisations et sa transformation à moyen/long terme. La fonction RH est structurellement engagée sur l’avenir.

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