Les deux volets de la réforme de la fiscalité de l’urbanisme
La taxe d’aménagement et le versement pour sous-densité sont les deux nouveaux outils issus de la réforme de la fiscalité de l’urbanisme, laquelle entrera en vigueur le 1er mars 2012. Ces nouvelles taxes inscrites dans le code de l’urbanisme viennent remplacer plusieurs taxes et participations d’urbanisme. L’objectif poursuivi est le financement de l’aménagement au service du développement durable.
Toute demande d’autorisa tion et de déclaration préalable déposée à compter du 1er mars 2012 sera concernée par la réforme de la fiscalité de l’urbanisme opérée par la quatrième loi de finances rectificative pour 2010. « Réformer la fiscalité de l’urbanisme et des territoires », tel est l’objet de la loi, laquelle se décline en deux volets originaux : d’une part, la création d’une taxe d’aménagement, qui vient se substituer à diverses taxes existantes et principalement à la taxe locale d’équipement (TLE) issue de la loi d’orientation foncière de 1967, d’autre part, la création ex nihilo d’un versement pour sous-densité, dans la continuité du Grenelle de l’environnement et des objectifs de lutte contre l’étalement urbain et de gestion économe des ressources et de l’espace. Une réforme « à produit constant pour les collectivités territoriales », selon les déclarations du ministre du Budget.
La taxe d’aménagement
Dans un souci de simplification et de lisibilité, la création d’une nouvelle taxe d’aménagement a pour corollaire la suppression de plusieurs taxes existantes dont la TLE. La nouvelle taxe d’aménagement remplace aussi la taxe départementale des espaces naturels sensibles, mais celle-ci devient une part départementale de la taxe d’aménagement. Disparaît encore la participation au titre des programmes d’aménagement d’ensemble. La nouvelle taxe d’aménagement se présente ainsi comme une taxe de synthèse, dont l’objet est tant le financement de l’aménagement urbain que celui de la protection des espaces naturels sensibles. à compter du 1er janvier 2015, sont en outre abrogées les dispositions relatives au plafond légal de densité, à la participation pour raccordement à l’égout, à la participation pour non-réalisation d’aires de stationnement et à la participation pour voirie et réseaux. Il faudra ainsi attendre quatre ans pour que l’effet de simplification soit pleinement ressenti.
La taxe d’aménagement sera perçue par les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale, les départements et la région d’Île-de-France. La part communale ou intercommunale de la taxe d’aménagement est instituée de plein droit dans les communes dotées d’un plan local d’urbanisme et dans les communautés urbaines, sauf renonciation expresse, et par délibération dans les autres communes.
L’assiette de la taxe d’aménagement est nettement simplifiée par rapport au mécanisme de la TLE qui reposait sur dix catégories devenues obsolètes. Le nouveau système s’articule autour d’une valeur unique au mètre carré fixée par la loi et révisée annuellement. L’assiette est ainsi constituée par la valeur, déterminée forfaitairement par mètre carré, de la surface de la construction. Au 1er janvier 2011, la valeur au mètre carré est fixée à 660 euros et 748 euros dans les communes de la région d’Île-de-France. Un abattement de 50 % est appliqué sur ces valeurs pour certains locaux et des cas d’exonération sont prévus. Une des originalités de la taxe d’aménagement réside dans le mécanisme des taux d’imposition qui pourront être sectorisés, afin d’ajuster la ressource fiscale aux besoins : les communes ou EPCI pourront fixer des taux différents dans une fourchette comprise entre 1 % et 5 % selon les aménagements à réaliser, par secteurs de leur territoire. C’est par une délibération adoptée avant le 30 novembre que les communes ou EPCI bénéficiaires de la part communale fixent les taux applicables à compter du 1er janvier de l’année suivante. Le taux de la part communale ou intercommunale peut être augmenté jusqu’à 20 % dans certains secteurs par une délibération motivée, si la réalisation de travaux substantiels de voirie ou de réseaux ou la création d’équipements publics généraux sont rendues nécessaires en raison de l’importance des constructions nouvelles édifiées dans ces secteurs. En cas de vote d’un taux supérieur à 5 %, plusieurs contributions aux dépenses d’équipements publics prévues à l’article L.332-6-1 (participation pour raccordement à l’égout, participation pour non-réalisation d’aires de stationnement et participations pour voirie et réseaux notamment) ne seront plus exigibles sur les secteurs concernés. Le taux de la part départementale, également fixé annuellement avant le 30 novembre, ne pourra dépasser 2,5 % sans possibilité de modulation par secteurs.
Quant à la part régionale, elle est également fixée annuellement par le conseil régional d’Île-de-France dans les mêmes conditions. Elle ne pourra excéder 1 % et le taux peut être différent selon les départements.
La taxe d’aménagement constitue ainsi une taxe originale, dont la palette des taux devrait permettre aux communes ou EPCI compétents d’adapter leurs ressources aux besoins de l’aménagement des différents secteurs de leur territoire. Mais plus novatrice encore apparaîtla nouvelle taxe de sous-densité aux antipodes du plafond légal de densité et de sa taxe en cas de dépassement créés il y a plus de trente ans.
Le versement pour sous-densité
Peut-être plus directement encore que ne l’avait fait la loi SRU du 13 décembre 2000, la loi du 12 juillet 2010 a réhabilité la notion de densité, perçue comme l’antithèse de l’étalement urbain et du gaspillage des territoires.
En vue de financer les actions ou opérations contribuant à la réalisation des objectifs définis à l’article L.121-1 du Code de l’urbanisme, les communes ou EPCI compétents en matière de PLU ou de POS pourront instituer, par délibération d’une durée minimale de trois ans, un seuil minimal de densité en deçà duquel un versement pour sous-densité sera dû par les bénéficiaires d’autorisations d’urbanisme. Logiquement, tant sont antinomiques ces deux taxes, le versement pour dépassement du plafond légal de densité sera supprimé de plein droit sur l’ensemble du territoire de la commune en cas d’institution du versement pour sous-densité. Le versement est égal au produit de la moitié de la valeur du terrain par le rapport entre la surface manquante pour que la construction atteigne le seuil minimal de densité et la surface de la construction résultant de l’application du seuil minimal de densité, avec un plafond de 25 % maxi-mum de la valeur du terrain. Le seuil minimal de densité est déter-miné par secteurs, dans les zones urbaines ou à urbaniser, définis sur un document graphique annexé au PLU ou au POS pour information. Pour chaque secteur ainsi défini, le seuil minimal de densité ne pourra être inférieur à la moitié, ni supérieur aux trois quarts de la densité maximale autorisée par les règles définies dans le PLU. On ne peut que relever l’originalité de ce nouveau dispositif, exact contraire du mécanisme du plafond légal de densité et du versement pour dépassement du PLD créé par la loi du 31 décembre 1975; autres temps, autre appréhension de la notion de densité dans la réflexion de l’aménagement urbain.
Sur l'Auteur
Isabelle Cassin est associé et cofondatrice du cabinet Genesis Avocats, au sein duquel elle est l'avocat en droit de l'urbanisme et de l'aménagement. Elle enseigne depuis plus de quinze ans le droit et le contentieux de l’urbanisme à l’Institut d’études politiques de Paris (Master Urbanisme).