Par Fabio Trevisan, avocat associé. Bonn Steichen & Partners
L’instabilité et le changement continu caractérisent l’économie mondiale dont il est difficile de percevoir les lignes force de transformation. La «?transparence?» conçue comme un impératif conduit à une profonde transformation dans le contrôle exercé par des États soucieux de préserver leurs richesses fiscales. Pour les entrepreneurs, les investisseurs et leurs familles, le défi de la préservation de l’acquis, celui de la gestion du risque mais aussi du développement de leurs positions d’investisseurs, est immense. Ces tendances de fond ainsi que la difficile maîtrise du temps contribuent largement au succès croissant du family office, conçu comme une solution intégrée et performante de gestion de la complexité et du risque.
À cette réponse à un environnement instable, s’ajoute la capacité du family office à intégrer des aspirations personnelles et familiales parfois déconnectées de la seule question de la performance de l’investissement : une aspiration qui est aussi la marque de temps troublés. Toutefois l’activité de family office recouvre des réalités plurielles et des performances variables. Luxembourg a donc choisi de professionnaliser pour sécuriser et institutionnaliser un outil qui, bien construit et bien utilisé, devient un remarquable instrument de performance et de pérennité au service des familles d’entrepreneurs du monde entier. C’est tout le sens de la loi du 21?décembre 2012, première législation européenne régulant l’activité de family officer et nouvel élément d’avenir pour une place financière plébiscitée pour sa créativité, ses performances, sa sûreté, son professionnalisme et sa stabilité.

La loi du 21?décembre 2012
L’activité de family office, dans la mesure où il s’agit de «?multi-family office?», est désormais à Luxembourg une activité régulée et un titre protégé par la loi. En soi, ces deux réalités sont déjà une révolution pour la profession de family officer. En effet, «?régulée?» signifie que les family office devront obtenir l’agrément de l’autorité de surveillance luxembourgeoise, la Commission de surveillance du secteur financier («?CSSF?»), autorité qui autorise, surveille et régule toutes les activités liées au secteur financier. Une situation qui «?consacre?» la profession et fixe des exigences de professionnalisme, de compétences et d’honorabilité avec pour objectif le service et la protection du client. Le bénéfice de l’exigence sera donc pour les family officer dans la protection de leur titre et dans la reconnaissance qui en est la conséquence. Les family office ne seront plus des entités juridiques non identifiables (situation dont souffrent les professionnels en activité en Europe aujourd’hui) mais des «?professionnels du secteur financier?» des «?PSF?», s’intégrant dans un ensemble que le législateur luxembourgeois a patiemment construit depuis la loi de 1993 relative au secteur financier. En effet, la loi du 21?décembre 2012 créant les family office vient modifier la loi du 5?avril 1993 relative au secteur financier ; c’est bien un outil de plus pour la place financière, que le législateur a entendu créer, afin de poursuivre l’édification de Luxembourg en tant que place de premier plan pour les entrepreneurs-investisseurs internationaux et leur famille.

Un texte simple mais riche de potentialités
Premier fondement de la loi, les conditions d’accès à la profession font que seuls les avocats à la Cour, notaires, réviseurs d’entreprises, experts-comptables ainsi que les établissements de crédit, les conseillers en investissement, les gérants de fortune ainsi que les entités et individus ayant obtenu un agrément de la CSSF en tant que PSF family office peuvent désormais intervenir en tant que tels : une solution qui envoie un signe aux clients potentiels et aux acteurs en place. Luxembourg exige non seulement des compétences mais aussi des garanties de moralité, une capacité à agir dans le respect d’une déontologie professionnelle, dans la mesure où les professionnels visés exercent dans un cadre réglementaire stabilisé et contrôlé.
Deuxième fondement, un texte simple assis sur des principes fondamentaux visant à valoriser la transparence et la relation de confiance. L’objectif du législateur est centré sur l’intérêt du client et la protection de la relation de confiance intime avec le client. Ainsi la transparence de la rémunération (honorée par le client et de tout autre forme de rémunération) constitue une obligation fondamentale de la loi : le family officer doit véritablement être éloigné de tout risque de conflit d’intérêts potentiellement préjudiciable, par définition, au service indépendant du client. In fine, les travaux préparatoires montrent la volonté de promouvoir la conception fondatrice d’un Family Officer «?homme de confiance?».
Troisième fondement, une définition succincte de l’activité, qui laisse aux professionnels le rôle de créateur du service. L’activité visée est en effet celle de «?conseils ou services de nature patrimoniale?», étant précisé encore qu’il peut notamment s’agir d’organisation et de planification patrimoniale, de suivi administratif ou financier d’une part, de coordination des prestataires de service incluant le suivi et l’évaluation de leur performance d’autre part.

En conclusion, le caractère succinct du texte ne doit pas conduire à en minimiser la portée dans le temps : l’intention du législateur est simple, c’est celle de permettre l’émergence d’un nouveau métier régulé, surveillé pour assurer la qualité du service presté et ce, tout en laissant au marché et aux professionnels le soin d’innover et d’inventer ce que doit être demain un véritable «?secrétaire général?» de famille comme l’expression apparaît dans les travaux préparatoires riches d’enseignements.
Du reste, les professionnels actifs et reconnus dans le métier, notamment en Europe, satisfaits de voir enfin leur activité consacrée et le marché organisé, ne s’y trompent pas et sont déjà nombreux à étudier l’intérêt (si l’on observe par exemple les consultations sollicitées auprès de notre cabinet), quelle que soit leur localisation première, d’un développement spécifique à Luxembourg dans le cadre posé par cette loi. Ces professionnels sont également bien conscients de tout l’intérêt pour leur activité de s’insérer dans la construction d’ensemble que constitue la «?place financière?» et de bénéficier pleinement d’un ensemble d’outils cohérents et de l’accès à des prestataires reconnus de longue date.

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