Les problématiques juridiques liées à la structuration d’une opération de coliving
Le coliving, né dans les années 2000 aux États-Unis, se présente comme un nouveau mode de vie en collectivité visant principalement les jeunes actifs urbains et les personnes âgées à la recherche de logements "clés en main". Ces logements s’organisent autour d’espaces privatifs (chambres individuelles, salle de bain, sanitaires) et de lieux partagés (salon, salle de sport, espaces de coworking, espaces de détente, jardin, etc.). L’habitat du coliving offre, en plus de la colocation traditionnelle, un panel de services mutualisés inclus dans le loyer (électricité, ménage et les charges). D’autres prestations peuvent aussi être facturées en option : petit-déjeuner, cours de sport, espace de travail, etc.
La structuration du montage juridique doit être appréhendée en amont afin d’éviter certains écueils, même si différents montages sont bien sûr possibles. Il peut être envisagé de créer un véhicule d’acquisition, destiné à acquérir les immeubles, ainsi qu’une société opérationnelle qui aura vocation à gérer l’activité de coliving. Le premier pourra louer à la seconde les immeubles par le bais d’un bail commercial, au titre d’une activité de location de biens meublés à destination d’habitation principale.
La conclusion d’un contrat de location meublée
Une première solution sera de conclure un contrat de location meublée soumise intégralement au titre Ier de la loi du 6 juillet 1989. En conséquence, il sera fixé un loyer et une provision sur charges et les modalités de congé données par le bailleur seront encadrées par ladite loi. Ce montage n’empêchera pas la clientèle de se prévaloir de l’article 8 de la loi de 1989, d’ordre public, qui porte interdiction de pratiquer un sous-loyer plus élevé que le loyer principal. Le loyer et les charges seront répartis en fonction du nombre de colocataires et non en fonction de la surface privative mise à disposition. Ce montage est intéressant dans la mesure où il permet de faire peser sur les colocataires le taux de remplissage. Néanmoins, ce montage ne remédie pas au risque de contestation du bailleur et de demande d’augmentation du loyer commercial en cas de location au mètre carré plus élevé que le prix du bail principal.
Les relations entre la société opérationnelle, preneuse à bail, et les usagers des logements pourront être régies de différentes façons
En outre, les charges récupérables sur les locataires devront correspondre strictement aux services et charges dont bénéficient les occupants des lieux loués. Afin de proposer des services additionnels propres à l’activité de coliving, un contrat de prestation de services pourra être mis en place en parallèle, offrant notamment la souscription à des abonnements (ex : Netflix, Spotify, etc.), des services de conciergerie, des réparations diverses, le nettoyage des parties communes, etc. Néanmoins, pour tenir compte du droit de la consommation, ce contrat de prestation de services fera non seulement l’objet d’un droit de rétractation de quatorze jours, mais il sera résiliable par les colocataires qui pourront ainsi décider de continuer à louer les biens sans cette offre de services.
La mise en place d’un contrat de location ad hoc
L’on pourrait également envisager de conclure un contrat de location ad hoc assorti de CGV (conditions générales de vente), et donc sur mesure, afin d’appréhender l’intégralité de la situation, à savoir (i) une mise à disposition d’un hébergement meublé dans l’exercice de l’activité de loueur meublé professionnel (ii) dans un habitat collectif. Ces CGV seraient à conclure en parallèle de conditions particulières avec les locataires.
Ces deux types de structuration ne pourront toutefois pas empêcher un juge de considérer qu’ils n’ont vocation qu’à contourner certaines dispositions impératives (la TVA relativement aux prestations para-hôtelières, les dispositions applicables aux mandataires immobiliers qui pourraient s’appliquer à la société opérationnelle, les dispositions d’ordre public liées à l’encadrement des loyers et l’adéquation entre le loyer principal et le sous-loyer, ou encore les charges récupérables).
L’application du statut de la copropriété
Pour ces raisons, un autre montage pourrait être mis en place en utilisant le statut de la copropriété. Ce statut est applicable dès lors qu’il existe deux copropriétaires (un copropriétaire peut être largement minoritaire, sans que cela ne vienne remettre en cause l’application du statut). Des contrats de colocation individuels seraient conclus par le syndicat des copropriétaires, lui permettant de percevoir des revenus incluant des charges forfaitaires (respectant ainsi la nécessité d’offrir des solutions aux particuliers avec un prix fixe, incluant toutes les prestations du logement meublé). Celui-ci conclurait en parallèle un contrat avec la société opérationnelle de type mandataire immobilier (et de syndic) afin que l’ensemble des contrats puissent être gérés. Ce modèle permettrait d’inclure facilement dans les charges locatives les frais de ménage des biens immobiliers, de gestion des parties communes, la fourniture de consommables divers comme le gaz, l’électricité, le chauffage collectif, internet, la gestion des espaces verts, les terrasses, les balcons, etc. et plus généralement toute autre prestation que l’assemblée des copropriétaires aura votée.
Outre le choix de la structuration qui devra faire l’objet d’une étude approfondie, la question de la fiscalité et notamment de la TVA devra être prise en compte. En effet, l’administration fiscale pourrait estimer que les prestations proposées par la société opérationnelle sont en réalité des prestations para-hôtelières impliquant l’application de la TVA.
Il est évident que d’autres types de structurations pourront être envisagés, selon les situations particulières et les objectifs des investisseurs. L’important étant naturellement de prendre en compte l’ensemble des éventuels obstacles juridiques et de les traiter au mieux.
Diane Delume & Vandrille Spire