La Loi Pacte, dont la portée réformatrice était tant attendue sur bon nombre de thématiques, vient d’être publiée. Si elle comble bien des attentes sur certains aspects, il ne peut en être dit autant de la réforme tant espérée du régime du Say on Pay, instituée par la loi Sapin II ; l’ampleur de la réforme reste incertaine dans l’attente des ordonnances…

La loi Sapin II, suivie de son décret d’application du 16 mars 2017 et d’une ordonnance n° 2017-1162 du 12 juillet 2017, ont institué un vote obligatoire et contraignant des actionnaires sur la rémunération des dirigeants des sociétés cotées, régime dit du Say on Pay. Le régime français du Say on Pay différant notablement de la directive européenne 2017/828 du 17 mai 2017 a été fortement critiqué, depuis son entrée en vigueur, en raison de son caractère plus contraignant et de ses imprécisions entraînant de grandes difficultés dans son application pratique.

Prenant acte des difficultés pratiques ressortant de l’application du régime actuel du Say on Pay, le législateur a souhaité acter d’ores et déjà le principe d’une réforme à venir par voie d’ordonnance lors de l’adoption de la loi Pacte, et ce aux fins d’harmoniser le dispositif. Le gouvernement aura la tâche difficile de rendre le régime cohérent avec le droit européen et de compléter les lacunes de la loi Sapin II dans le souci d’une meilleure sécurité juridique1.

Ainsi, l’article 198, VI de cette loi dispose que, « dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, les mesures relevant du domaine de la loi permettant :

1° de transposer la directive (UE) 2017/828 du Parlement européen et du Conseil du 17 mai 2017 modifiant la directive 2007/36/ CE en vue de promouvoir l’engagement à long terme des actionnaires ;

2° de créer un dispositif unifié et contraignant encadrant la rémunération des dirigeants des sociétés cotées, en adaptant les dispositions correspondantes du livre II du code de commerce dans le cadre de la transposition des articles 9 bis et 9 ter de la directive 2007/36/ CE du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007, concernant l’exercice de certains droits des actionnaires de sociétés cotées, dans leur rédaction résultant de la directive (UE) 2017/828 du Parlement européen et du Conseil du 17 mai 2017 précitée. »

Au manque d’éloquence de la loi Pacte, il sera tout de même ajouté les précisions apportées par les débats parlementaires et l’Exposé des motifs portant sur l’article 198, dans lesquels l’on comprend que par souci de cohérence du dispositif français par rapport à la transposition nécessaire de la directive européenne, il ne sera pas envisagé de cumuler deux dispositifs de vote des actionnaires au titre du droit français d’une part, et du droit européen d’autre part, mais d’unifier le régime en l’ « articulant autour d’un vote contraignant ex ante portant sur une politique de rémunération unifiée couvrant l’ensemble des rémunérations, et d’un vote ex post contraignant auquel serait assortie une sanction dissuasive et pertinente »2.

Les ordonnances d’application de la loi Pacte sont ainsi attendues avec impatience dans l’espoir qu’elles puissent remédier aux lacunes auxquelles de nombreux praticiens ont tenté d’apporter leurs interprétations et recommandations3 depuis l’entrée en vigueur de la loi Sapin II.

En effet, rappelons notamment que le champ d’application du régime du Say on Pay, duquel sont actuellement exclus les administrateurs et même si ces derniers ne perçoivent pas uniquement les fameux jetons de présence avait suscité de nombreuses interrogations. Il en est de même du vote double des actionnaires s’agissant des conventions réglementées, et ce, alors même que les sanctions en cas d’absence de soumission à la procédure des conventions réglementées sont moins lourdes que les sanctions au titre de la procédure Say on Pay, ou encore de l’articulation du dispositif s’agissant des mandataires sociaux cumulant un contrat de travail suspendu jusqu’à la cessation de leur mandat (quid du vote des actionnaires sur le versement d’une indemnité de départ négociée au titre du contrat de travail ?).

Force est de constater que le gouvernement a été chargé par le législateur de rendre le régime cohérent, clair et pratique afin d’en améliorer la sécurité juridique4. Il semble que nos parlementaires ont bien à l’esprit certaines difficultés soulevées par les praticiens et ont d’ores et déjà souhaité orienter le gouvernement vers certaines solutions5. Ainsi l’on comprend que les administrateurs seraient dorénavant soumis à la procédure du vote double, à l’exception près qu’ils échapperont aux conséquences négatives d’un vote ex post négatif. Est-il alors utile de les soumettre à ce régime ?

Néanmoins, il est permis de douter que ces ordonnances vont mettre un terme à toutes les incertitudes suscitées depuis la création du régime. À l’instar du régime européen, il est à ce stade prévu que le vote ex post conserve son caractère contraignant6 de sorte que les conséquences négatives du régime français vis-à-vis de nos homologues européens, s’agissant d’un vote négatif des actionnaires au versement d’une rémunération variable ou exceptionnelle, seraient maintenues. L’attractivité de l’entreprise cotée française s’en trouvera nécessairement entachée. Pour l’heure, nous attendons de connaître les projets d’ordonnance.

Pierre- Olivier Bernard, associé fondateur d’Opleo Avocats et Sandrine Gardel, associée en droit social - Opleo Avocats

 

1 Étude d’impact du projet de la loi Pacte, 18 juin 2018, V. L’encadrement de la rémunération des dirigeants

2 Exposé des motifs du projet de loi (article 66)

3 Cf. Communiqués ANSA

4 Cf. notes 2 et 3

5 Cf. notes 2 et 3

6 Cf. notes 2 et 3

 

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