Troisième groupe de protection sociale en France, Apicil façonne son allocation d’actifs selon des convictions assumées et résistant à toute épreuve. Louis Sallot des Noyers, directeur des investissements, nous explique la stratégie de gestion du groupe.
Louis Sallot des Noyers (Apicil) : "Selon l’évolution des marchés, nous pourrions nous exposer un peu plus aux actions en 2025"
Décideurs. Pouvez-vous nous présenter les métiers du groupe Apicil ?
Louis Sallot des Noyers. Nous avons quatre métiers : épargne et services financiers, santé et prévoyance, retraite complémentaire et services. Les trois premiers font l’objet d’investissements, et l’ensemble représente 22 milliards d’encours, dont la majorité en UC (65 %). Au sein de la direction des investissements, nous gérons la partie mandat, c’est-à-dire près de 8,2 milliards d’euros.
Comment se compose votre portefeuille ?
Nous sommes majoritairement investis sur les obligations souveraines et entreprises (>70 %), le reste de l’allocation se compose d’une poche actions (7 %), de non coté (10 %) comprenant le private equity, la dette privée et l’immobilier, de monétaire (6 %) et une petite poche de produits structurés (< 1%).
La part du non-coté a-t-elle évolué au cours des dernières années ?
Cette poche augmente involontairement principalement sur l’immobilier depuis l’été 2023. En tant qu’assureur-vie, nous détenons des UC immobilières. Or, une partie des sociétés de gestion immobilières n’ont pas de liquidités sur leurs actifs, donc lorsque nos clients décident de racheter/arbitrer ces actifs, les sociétés de gestion ne peuvent pas nous rembourser. C’est donc à l’assureur de fournir la liquidité à ses clients, ce qui augmente mécaniquement notre allocation en immobilier et nous incite à réduire nos investissements sur la dette privée et le private equity afin d’ajuster le risque sur le non-côté.
Avez-vous profité de la hausse des taux pour rééquilibrer votre allocation globale sur le non-côté ?
Dans le contexte actuel, nous avons légèrement réduit nos expositions en dettes privées et private equity. Nous avons néanmoins réalisé quatre nouveaux investissements sur des fonds de dette privée en 2024. À moyen terme, notre objectif est de maintenir une allocation en dettes privées autour de 1-2 % ; de même pour le private equity.
Côté finance responsable, où en êtes-vous ?
Nous sommes en constante amélioration de notre politique ISR. En 2024, nous avons intégré de nouveaux indicateurs dans notre suivi ISR, nous avons demandé à notre équipe de gestion d’investir à minima 80 % des nouveaux fonds en article 8 ou 9 selon la SFDR et d’investir sur le périmètre corporate en direct avec une moyenne de 7/10 minimum en notation ESG MSCI. Nous travaillons également à perfectionner notre suivi sur le non-coté en développant des méthodologies spécifiques, à commencer par l’immobilier car c’est une poche importante de notre allocation. Sur ce dernier point, nous sommes aux prémices de nos travaux ISR.
Les résultats de l’élection américaine influencent-ils vos choix d’investissement ?
L’élection de Donald Trump ne devrait pour le moment pas impacter nos investissements. Le risque majeur que nous identifions dans l’élection de Donald Trump est de nature géopolitique. Si cela devenait réel, nous pourrions mettre en place certaines restrictions en fonction des zones géographiques ciblées. Mais si nous regardons son premier mandat d’un point de vue marché et purement économique, sans prendre en compte la crise Covid, le bilan est plutôt positif avec en 2019 un taux de chômage à 3,5 % et une croissance de 2,3 % aux États Unis. En revanche, la situation environnementale est loin de sa politique, ce qui pourrait impacter la finance durable. Nous suivrons cet aspect-là de près.
Comment appréhendez-vous 2025 ?
Nous construisons nos allocations avec l’objectif de pouvoir faire face à toutes les situations économiques. Nos allocations seront donc stables en 2025. Nous attendons plus de tombées obligataires sur le périmètre corporate en 2025, ce qui va nous conduire à réinvestir sur ce segment pour maintenir le niveau d’allocation souhaité.
"Nous avons demandé à notre équipe de gestion d’investir à minima 80 % des nouveaux investissements en fonds dans les catégories SFDR8 ou SFDR 9"
En fonction du comportement des taux souverains, il pourrait être intéressant d’en intégrer un peu plus au sein de certains portefeuilles. Selon l’évolution des marchés, nous pourrions nous exposer un peu plus aux actions (poche que nous avons réduite en 2024). Pas de retour de liquidité à court terme envisagé sur l’immobilier, de ce fait, nous limitons les investissements dans les classes d’actifs illiquides.
Côté thématique, nous voyons de nombreux fonds se lancer sur l’IA, nous en avons intégré dans notre poche action. Nous restons assez ouverts à ce qu’il se fait sur les marchés.
Et d’un point de vue réglementaire ?
Solvabilité II a un impact fort dans la façon dont nous gérons notre allocation, à la fois concernant l’ALM mais également sur le risque marché. Cela peut nous conduire à faire des arbitrages en cours d’année ou à prendre des couvertures supplémentaires.
Propos recueillis par Marine Fleury