La dette privée s'impose comme une option de choix pour les investisseurs en quête de rendement et de diversification. Mais à quels profils d’investisseurs cette classe d’actifs est-elle véritablement adaptée, et dans quels contextes macroéconomiques se révèle-t-elle la plus pertinente ? Réponse avec Raja Kchia, responsable de la multigestion, et Milène Gullient, associée chez Officium.
Raja Kchia et Milène Gullient (Officium) : "La dette privée peut trouver sa place dans une allocation équilibrée"
Décideurs. Pourquoi la dette privée est-elle attractive pour les investisseurs ?
Officium : La dette privée présente plusieurs avantages. Premièrement, elle permet de bénéficier d'un effet de taux variable, ce qui est avantageux en période de remontée des taux d'intérêt. De plus, elle est associée au marché non coté, offrant ainsi une prime d'illiquidité. Enfin, les commissions d'arrangement peuvent également contribuer à un rendement supplémentaire, rendant cet investissement particulièrement attractif par rapport à l'obligataire coté dans certains contextes macroéconomiques.
À quels profils d’investisseurs cette classe d’actifs convient-elle ?
La dette privée couvre un large éventail de projets et d’entreprises, allant de l’infrastructure, à l’immobilier et aux loans. De plus, elle permet à des émetteurs qui n’ont pas accès au marché du high yield coté de se financer.
Cependant, de par son caractère illiquide, cette classe d’actifs reste généralement réservée aux investisseurs institutionnels et de long terme. La charge en capital réduite des dettes non notées et leur duration longue en font un choix attractif pour ceux qui cherchent à optimiser leur stratégie d'adossement actif/passif. Cela dit, elle peut être adaptée à d’autres profils d'investisseurs, notamment s’ils sont en quête de revenus.
Comment positionnez-vous la dette privée par rapport aux autres classes d’actifs, et dans quel contexte macroéconomique est-elle la plus pertinente ?
La dette privée peut jouer un rôle clé dans une stratégie d’investissement, mais son intérêt varie selon l’environnement macroéconomique. Lors de périodes de taux bas ou négatifs, elle offre une alternative solide aux obligations cotées. Lors des périodes de baisse des taux, il peut être plus intéressant d'explorer d'autres options, telles que les obligations, afin de bénéficier du levier de la revalorisation de l’actif. L’essentiel est de considérer la dette privée comme un élément diversifiant dans une allocation équilibrée, à adapter en fonction des cycles économiques.
Quelle est votre opinion sur les fonds evergreen, ces véhicules semi-liquides dans la dette privée ?
Les fonds evergreen offrent une solution séduisante aux investisseurs souhaitant conjuguer performance et liquidité. Toutefois, il est important de rester vigilant, car ces formats peuvent légèrement atténuer la prime de liquidité, un pilier essentiel de la dette privée. Si ces véhicules permettent d’accéder à des stratégies avec des montants d’investissement plus réduits, ils sont souvent moins performants que les fonds illiquides, en raison de la trésorerie qu'ils conservent pour répondre aux demandes de rachat ou du délai nécessaire pour investir les nouveaux capitaux. Néanmoins, pour un investisseur particulier, ces fonds peuvent constituer une porte d'entrée attrayante, sous réserve de bien comprendre le fonctionnement des fenêtres de liquidités à la sortie.
Comment la dette privée se positionne-t-elle par rapport au private equity ?
La dette privée est un univers riche et diversifié, avec un risque qui varie selon la séniorité de la créance, les garanties associées et la qualité de l’émetteur. Des segments tels que la dette mezzanine ou la dette distressed présentent des niveaux de risque plus élevés, parfois proches de ceux du private equity. Le principal atout de la dette privée dans sa version la plus sécurisée est son potentiel à fournir un rendement de manière régulière. La dette privée ne se substitue pas au private equity : ces deux classes d’actifs sont complémentaires et jouent chacune un rôle spécifique dans une allocation équilibrée.